« Si tu ne fais pas la politique, c’est la politique qui va te faire ». C’est l’essence du message que nous développons tous les jeudis depuis quelques semaines pour inviter à en prendre conscience afin d’agir si l’on aspire à un changement. Certains de nos lecteurs me font néanmoins remarquer qu’ils ne sont pas concernés ! Certes, ils veulent que ça change, mais ne pensent pas que cela passera par la politique. L’un des plus gros contingents de ces troupes consiste en ceux qui pensent trouver leur secours en Dieu, via la pratique de la Religion. C’est donc à ceux qui ont la foi que le salut du Cameroun ne passera que par « l’action de Dieu » que cet article s’adresse…

« Rendez à César ce qui appartient à César, et à Dieu ce qui appartient à Dieu ». Cette phrase de Jésus a souvent été utilisée pour inviter à différencier ce qui relève du domaine spirituel et ce qui relève du domaine politique. Cette différentiation n’est pas toujours aisée, nous le verrons. Admettons qu’on y arrive. Admettons que ceux parmi nous qui placent leur salut en Dieu aient raison. La question est : « Comment fera Dieu pour agir et les sauver ?» Pour bien appréhender cette question, considérons la blague du naufragé suivante.

Les chroniques du Jeudi : César, Dieu et le puits...

Cette histoire nous apprend que même pour cet homme pieux, pour que son Dieu le sauve, il faut nécessairement passer par des moyens matériels concrets : un bateau, une montgolfière et un hélicoptère ici. De même, prenons quelques temps pour analyser le type de demandes qui sont faites « à Dieu ». Si nous considérons les églises évangéliques, qui sont celles qui ont le vent en poupe au Cameroun comme ailleurs, les principales demandes semblent être la santé, un enfant et ou le mariage, le travail et l’argent. Comme pour notre naufragé, nous allons maintenant analyser d’analyser comment leurs prières peuvent se réaliser.

Prenons l’enfant. Nous avons une jeune femme, Aida, qui veut ardemment un enfant. Pour ce faire, il faudra qu’elle ait des relations avec un homme qui soit fertile. Il faudra qu’elle tombe enceinte et que sa grossesse aille à son terme. Pour voir son enfant vivre, il faudra qu’elle vive (quand on sait que les statistiques mentionnent jusqu’à 1000 décès en couches pour 100 mille naissances) Il faudra que l’enfant vive (quand on sait qu’environ 30 enfants sur 1000 meurent en bas âge au Cameroun). Si une seule de ces conditions n’est pas réunie, sa prière ne s’exaucera pas.  Et un nombre certain de ces conditions dépendent de la politique. Le Cameroun a des objectifs moins bons que les objectifs de l’OMS sur la mortalité infantile et maternelle. Ceci signifie que plus de femmes dans la situation d’Aida ne verront pas leur prière se réaliser.

Prenons le cas du mariage. Pour se marier, il faut qu’elle rencontre un homme bien. Il faut que ce dernier et elle aient une situation qui leur permette d’être autonomes. Il faut qu’ils trouvent une maison où habiter. Il faut qu’ils aient de quoi « payer la dot » et organiser le mariage.  Si une seule de ces conditions n’est pas réunie, sa prière ne s’exaucera pas.  Et un nombre certain de ces conditions dépendent de la politique. Les conditions permettant l’épanouissement économique, la situation du logement décent sont des données qui dépendent en grande partie des politiques publiques et varient d’un pays à l’autre.

Prenons le cas de la santé. Pour être en bonne santé, il faut s’alimenter correctement en quantité et qualité. Le peut on si on ne contrôle pas la quantité des pesticides dans les tomates ? Quand on est malade, il faut pouvoir trouver l’offre de soins où on réside et avoir les moyens de se les payer. Si une seule de ces conditions n’est pas réunie, sa prière ne s’exaucera pas.  Et un nombre certain de ces conditions dépendent de la politique. Il sera difficile à quiconque de penser que ces conditions peuvent être réunies au Cameroun quand la solution magique pour les caciques du régime est « d’aller se soigner à l’Etranger », parfois en bénéficiant des subsides de l’Etat dans des « évacuations sanitaires » dont M. lambda ne peut même pas rêver.

Prenons le cas du travail ou des revenus. Pour que Jérémie obtienne un emploi, il faudra

  • Soit qu’un entrepreneur qui arrive à naviguer dans les méandres de l’environnement économique et administratif trouve un moyen d’acheminer (infrastructures) et vendre ses produits à des clients ayant suffisamment d’argent veuille bien l’embaucher parce que sa formation correspondra au besoin de l’entrepreneur.
  • Soit Jérémie crée lui-même son activité (y compris agricole) et a résolu les problèmes de tracasseries administratives, de financement et a su trouver des clients ayant suffisamment d’argent. Il faudra bien évidemment qu’il ait la capacité (formation) à gérer tout cela et que d’éventuels employés aient les compétences nécessaires.
  • Soit Jérémie arrive à se faire recruter dans la fonction publique. S’il y arrive (au milieu du labyrinthe des concours où il faut connaître quelqu’un), il n’aura pas énormément d’argent. Sauf s’il s’enrichit illicitement. Se faisant, il privera d’autres Camerounais d’opportunités.

Dans tous ces cas, il faudra des conditions qui varient en fonction de décisions politiques. Si la gouvernance politique ne s’améliore pas, Aida, Jérémie et leurs coreligionnaires ne verront pas leurs prières exaucées. Peut-être que « par grâce », Aida sera exaucée, et trouvera un bon travail. Mais alors, ce ne sera pas le cas de Jérémie. Et si c’est Jérémie, ce ne sera pas Aida. C’est statistique, avec le contexte économique. Pour que tous deux, et tous ceux qui sont en prière avec eux voient le bout du tunnel, il faut que le contexte économique évolue. Et ce ne sera qu’avec de nouvelles politiques. Dieu est venu en aide au blessé via le bon samaritain, son argent et l’aubergiste. C’était concret. Pour les problèmes d’aujourd’hui, il faut un gouvernement efficace et différent. Voilà le bon samaritain qui les sauvera et qu’ils doivent appeler.

Les chroniques du Jeudi : César, Dieu et le puits...

Ce que nous avons dit là, est également valable pour ceux qui ont une toute autre foi.  Ils savent le régime défaillant. Mais ils estiment que les éventuels nouveaux gouvernants ne feront rien de mieux. Pour eux, ce qui développe un pays, c’est l’initiative individuelle : « Certes, ils sont nuls, mais moi je vais construire des puits aux populations, moi je vais créer des entreprises. A ma petite échelle, le changement s’amorcera ». Voilà ce qu’ils pensent. Ils mènent donc leurs louables activités en prenant soin de ne pas se mêler de politique. Imaginons que les puits de Brice soient un succès et permettent un accès à l’eau potable à plusieurs centaines de personnes. Remarquons que

  • Le budget d’entretien ne sera pas inclus dans la pérennité. La maintenance est une problématique réelle dans ces cas là
  • Les populations qui ont désormais l’eau n’auront pas plus accès à l’éducation, la santé et les infrastructures de qualité.
  • Même si tous les problèmes d’une population donnée sont résolus, ceux des populations qui ne connaissent pas Brice n’auront aucun de leurs problèmes résolus. Pour que l’exemple fasse tache d’huile, il faut qu’il y ait des centaines, des milliers de Brice. Est-ce que cela arrivera dans un environnement qui produit les mentalités néfastes au développement (comme nous l’avons vu ici) ?
Les chroniques du Jeudi : César, Dieu et le puits...

Si les conditions ne s’améliorent que pour une population réduite, quelle différence réelle avec le nanti qui ne « met bien » que ses enfants et son cercle familial pendant que les voisins continuent de souffrir ? Pour que les voisins, ceux que je connais et ceux que je ne connais pas voient leur situation s’améliorer, il faut nécessairement que le contexte politique évolue. Faisons les puits, ET faisons la politique. La bonne politique. Qui commence par faire partir ceux qui sont là depuis 42 ans. Pour mettre qui ? Chacun sa réponse. La mienne, c’est le MRC et son candidat M. Kamto. Nous y reviendrons…

 

 

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