Daniel Kahneman a gagné le prix Nobel d’économie en 2002 grâce à ses travaux devenus célèbres sur les biais cognitifs. L’un des plus célèbres de ces biais est celui de l’aversion à la perte. C’est celui qui sur le plan politique se manifeste par la préférence du statu quo, par peur de l’inconnu de l’alternative. « Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ». En la matière, c’est un raisonnement fallacieux. Le statu quo politique signera notre perte à tous. C’est l’objet de la discussion…

Daniel Kahneman a théorisé l’existence de deux systèmes dans nos processus cognitifs.

  • Le système 1 : c’est le mode pilotage automatique. On ne le contrôle pas, et on n’en a pas forcément conscience. On marche sans penser à marcher. On se brosse les dents sans y penser si on a une idée en tête. Je me retrouve à la page 15 sans me souvenir de ce qui figure dans les 3 pages précédentes. Ce sont les décisions prises et actions faites sans y penser
  • Le système 2 : C’est le système réfléchi et logique. Est-ce que j’accepte un nouveau boulot ? Combien font 27*63 ?

 

Le système 2 est efficace mais paresseux. Par défaut, c’est le système 1 qui agit donc. C’est lui qui produit les biais cognitifs. Ce sont des erreurs systématiques dans la façon de raisonner ou de se comporter. On parle d’erreurs, parce que si l’on décide après mûre réflexion (système 2), on aboutit à des résultats différents. L’aversion à la perte est un biais cognitif qui démontre que les individus sont plus sensibles à la perte de ce qu’ils ont plutôt qu’aux gains qu’ils pourraient faire dans une opération.

Les Chroniques du Jeudi : Un "tiens" ne vaut pas mieux que deux "tu l'auras"...

Prenons un exemple développé par Kahneman. Nous avons 99 patients potentiellement victimes d’une épidémie mortelle. Deux médicaments sont développés et il est demandé à des médecins de choisir. Deux séries de médecins sont interrogés sur le médicament à choisir. Dans la première série, on leur indique que

  • Le médicament A entraine avec certitude la mort de 2/3 des patients (NDR, ce qui fait 66 morts)
  • Le médicament B a une probabilité de 33,3 % qu’un tiers des patients ne mourra pas (NDR : 33 ont une chance sur 3 de ne pas mourir) et 66,6% de chances que tous mourront (NDR :2 chances sur 3 que tout le monde meurt).

78% des médecins ont choisi le médicament A. La deuxième série de médecins s’est vue poser la question suivante.

  • Le médicament A sauve avec certitude 1/3 des patients (NDR, ce qui fait 33 sauvés)
  • Le médicament B a une probabilité de 33,3 % qu’un tiers des patients sera guéri (NDR : 33 ont une chance sur 3 de ne pas mourir) et 66,6% de chances que tous ne seront pas guéris (NDR :2 chances sur 3 que personne ne soit guéri).

Les deux situations sont identiques. Pourtant dans le second cas, 72% des sondés choisissent le médicament A. Ce qui change, c’est la présentation. Dans un cas entraine la mort de 2/3 est remplacé par sauve 1/3, et dans l’autre cas 33% ne mourra pas est remplacé par 33% sont sauvés. Une des conséquences de ce biais est de s’accrocher à ce que l’on a, même si cela dessert nos intérêts futurs. Les maximes « Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras » et « Mieux vaut un diable qu’on connait qu’un ange qu’on ignore ».

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Sur le plan politique, ce biais va donner entraîner une tendance à accorder le bénéfice du doute au sortant par craintes des nouvelles alternatives politiques. Notre citoyen se dira de bonne foi, pense-t-il, que dans le doute, mieux il reste avec le régime en place. Résultat, il ne vote pas sachant que ne pas le faire c’est accepter que le régime se maintienne. Il est même possible qu’il vote pour le régime. Ce citoyen n’est pas différent de celui qui dit qu’il ne s’implique pas parce qu’il veut voir ses enfants grandir. Nous avons traité de ce thème ici.

Nous l’avons vu, ce type de conclusion est normal. Mais il s’agit d’un biais, raisonnement fallacieux. On aboutit à une mauvaise conclusion. Cette conclusion est erronée à au moins deux titres. Premièrement, il peut être vrai que vous avez (un petit) quelque chose. Vous avez un petit business. Un travail. Des enfants. Vous arrivez tant bien que mal à boucler les fins de mois. Et vous ne voulez pas perdre ce peu. Posez-vous la question suivante : Ce que vous avez n’est il pas déjà le résultat d’une perte ? Il y a vingt ans, est ce le type de rêves que vous aviez ? Est-ce le type de rêves que vos parents avaient pour vous ? Combien parmi les lectrices et lecteurs contesteront qu’il y a 40 ans, les actifs avaient une vie meilleure que celle de leurs parents ? La vie des gens en âge de travailler d’aujourd’hui est elle meilleure ou moins bien que celle de la génération qui les a devancés ? Combien de jeunes sont au chômage sans perspective ? Combien de jeunes habitent chez leurs parents ? Combien d’enfants sont déscolarisés faute de moyen ? Combien ne peuvent plus espérer une prise en charge médicale ? Combien sont résignés à guetter la lumière quand ENEO veut bien ? Parlerons-nous de l’eau potable ? Nous avons perdu ! Collectivement et individuellement, avec ce régime. Il ne s’agit pas d’avoir peur de perdre. Nous avons déjà perdu. Les seuls qui gagnent sont ceux qui profitent du système. Nous les avons vus ici.

Ensuite, Nous avons peu alors que nous aurions pu avoir plus. Que nous aurions dû avoir plus. Mais demain, qu’aura-t-on ? Imaginons une seconde que « les opposants soient tous des incapables » et que donc « mieux on fait avec ce que l’on a », la question devient dès lors « quel est le domaine où l’on peut raisonnablement penser que la situation va s’améliorer » ? Celui qui accepte que ce régime se perpétue escompte t’il que pour ses enfants et ceux des autres, l’éducation s’améliore ? En voit-il les prémisses ? Peut-être les voit-il, ces prémisses, dans le domaine de la santé ? des infrastructures routières ? la corruption ? la sécurité des biens et personnes ? S’il ne voit rien, pour quelles raisons pensera t’il qu’il arrivera à conserver le « peu qu’il a » ? Il ne le conservera pas. La trajectoire du pays n’est pas bonne. Nous l’avons montré ici à travers d’un ensemble d’indicateurs nous permettant de comparer le Cameroun à d’autres pays similaires (Ghana, Sénégal, Côte d’ivoire, etc.)

Un tiens vaut mieux que tu l’auras deviendra alors un tiens est devenu zéro tu l’auras. On prendra au pauvre même le peu qu’il a. S’il ne fait rien ou s’il dit qu’il ne se mêle pas de la politique. Qu’il s’en fout. N’oublions pas, comme Grand Barack l’a découvert à ses dépens, que le chemin de je m’en fous mène au village de si je savais

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Pour ne pas faire comme Grand Barack (même s’il a par la suite réussi dans la musique), j’ai choisi le MRC et son candidat M. Kamto. J’ai la conviction qu’avec cette équipe, un petit tiens deviendra un plus grand tu l’auras. Vient bientôt le moment où nous pourrons commencer à expliquer le programme. Très bientôt maintenant…

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