Le Cameroun est une Afrique en miniature. C’est ce qui se dit, quand on veut illustrer la formidable diversité qui se retrouve au Cameroun. Diversité sur le plan du relief (des hauts plateaux aux plaines côtières, en passant par la savane et la forêt équatoriale), diversité sur le plan climatique (avec la fraicheur des hauts-plateaux de l’Ouest, au micro-climat de la forêt équatoriale, en passant par les pluies côtières et l’aridité des savanes du septentrion). Mais aussi et surtout, diversité sur le plan des peuples qui le composent.

Nous avons préalablement défini ce que nous entendions par égalité entre hommes. La situation du Cameroun, avec sa mosaïque culturelle, nous invite inévitablement à étendre le sujet au peuples/tribus/cultures.

Sont elles égales ? (et que signifierait l’égalité ici)

Par voie de fait, quand pourrait on parler de rupture d’égalité entre peuples?

Comment les individus composant un groupe doivent ils être appréhendés par rapport au groupe ?

Faut-il préserver les cultures des peuples dits « premiers » ?

Etc.

Nous essaierons de répondre à ces diverses questions dans le présent article.

 

Raisonnons par l’absurde. Pour savoir si les groupes sont égaux, commençons par supposer qu’ils ne le sont pas. Entendons nous bien, il n’existe que trois possibilités lorsque l’on met deux entités  face à face: Une relation de supériorité, une relation d’infériorité et une relation d’égalité. Si A n’est pas supérieur à B et A n’est pas inférieur à B alors A et B sont égaux. Nous ne disons pas qu’ils sont identiques, mais égaux. C’est pour cela que dans l’article sur l’égalité entre individus, nous avons dit qu’un Homme noir et une femme blanche, malgré leurs différences, sont par nature égaux. Ce qui ferait une distinction entre eux étant les actions qu’ils font.

Si nous caractérisons un groupe/tribu par sa culture, sa morale, sa mode vestimentaire, sa cuisine, ses loisirs et autres, est il possible de dire qu’un groupe est meilleur qu’un autre ? Peut on dire les Bulus sont supérieurs aux Bamis (ou inversement ?) Dire que deux ethnies ou cultures ne sont pas égales reviendrait à traiter différemment les ressortissants, les œuvres, l’art de la première de ceux de la seconde uniquement parce que  les uns appartiennent à tel groupe, et les autres à tel autre groupe. La réponse à cette question est facile et nous y avons déjà répondu dans le précédent article. Et la réponse est NON.

Nous ne disons pas que la cuisine Bamoun est la même que la cuisine Bulu, Nous disons qu’untel sera libre de préférer la cuisine Bamoun parce qu’elle sied mieux à ses sens. La cuisine est une action, pas un état. Elle peut donc rentrer en compte dans la différenciation. Pour rester sur la cuisine, dirions nous alors (si l’on pense que la cuisine Douala, ie les mets traditionnels douala, est la meilleure) que la fille Douala est supérieure en cuisine (état d’être Douala) à la fille Bamiléké ? Non, nous dirons celle qui réussit le mieux ces plats est la meilleure en cuisine (action de réussir les plats), fut elle Congolaise, Bassa ou Foufoulbé.

On pourrait alors rétorquer que le fait de naitre douala confère peut être un avantage dans la préparation des mets douala, mais comme avec l’exemple du Basket dans le texte sur les individus, ce qui compte ce sont les actions.

Nous concluons donc cette première partie en disant que les individus appartenant à divers groupes ou cultures doivent être jugés sur leurs actes et non sur cette appartenance. Pour les groupes aussi, ce qui compte dans le jugement ce sont les ACTIONS et non pas les ETATS.

 

Penchons nous maintenant sur le cas des individus appartenant à des groupes. Au Cameroun, les principaux groupes sont les groupes ethniques, le pays regorgeant de près de 200 ethnies différentes. L’appartenance à ces groupes est la plupart du temps filiale. Votre père est Béti, vous serez rangés dans les Béti. Nous avons dit plus haut qu’un groupe se caractérise par sa culture, sa géo-localisation, sa cuisine, sa morale, ses us et coutumes. La question ici est de savoir si l’individu appartenant au groupe doit obligatoirement respecter les us et coutumes du groupe. Prenons quelques exemples. Un des arguments utilisés pour condamner ceux qui s’adonnent à des pratiques homosexuelles est que « ça ne se fait pas chez nous, ça n’existe pas dans notre langue». Un autre exemple est celui des interdits culinaires, vestimentaires ou sexuels, variant d’un endroit à l’autre.

Que se passe-t-il si l’individu décide de ne pas être d’accord avec telle ou telle règle ? Doit-on-lui imposer cette règle du groupe ? Quand nous regardons les caractéristiques du groupe (culture, morale, coutumes, cuisine, etc.), force est de constater que l’établissement de ces caractéristiques a forcément été fait par des hommes. Ce sont des hommes (ou des femmes) qui ont décidé de cuisiner ce plat de telle façon, ce sont des hommes qui ont décidé que tel plat était interdit aux jeunes, ce sont des hommes qui ont décidé qu’il fallait célébrer tel ou tel culte et de telle ou telle manière. Ce sont les hommes qui ont décidé tous ces codes qui définissent une culture. Par la volonté individuelle de leaders ou collective de tout le groupe (ou même de la majorité cf démocratie). Mais si la volonté de l’individu rebelle de soit opposer la volonté d’autres individus (fussent ils plus nombreux) sans autre raison que « c’est leur volonté », alors on sera forcé de conclure que la volonté des uns dépasse celle des autres, aboutissant ainsi à une rupture d’égalités entre individus du même groupe.

Pour illustrer, prenons un exemple. Trois individus arrivent sur une ile déserte et décident unanimement que tous les individus de cette ile devront marcher avec des babouches. Que se passe t’il si un individu (nouvel arrivant, enfant nouveau-né, un des anciens unanimes ayant changé d’avis et dorénavant minoritaire) appartenant lui aussi à la communauté puisque vivant sur l’ile, décide de marcher pieds-nus. Lui opposera t’on la « coutume » qui est de marcher en babouches ? S’il n’y a pas d’autre justification, alors on sera forcé de conclure que la volonté des uns dépasse celle des autres, et donc que les uns sont supérieurs aux autres. On sera forcé de dire ici que ceux qui veulent aller en babouches iront en babouches et ceux qui veulent aller pieds-nus iront pieds-nus. Ce n’est que comme cela que le principe d’égalité, pour cet exemple, pourra être respecté.

De cette seconde partie, nous concluons donc qu’adhérer aux « valeurs » qui font un groupe ou une communauté est une démarche volontaire et ne saurait être imposée, sous peine de rompre le principe d’égalité. Je peux être né Peuhl et manger le porc (contraire aux valeurs musulmanes incluses dans les valeurs peuhles). C’est mon droit. Et nul ne saurait m’imposer autre chose.

Mais alors me direz-vous, n’est il pas possible (indispensable même) d’établir des règles dans une communauté ? Nous répondrons qu’il l’est indispensable en effet de le faire, mais que ces règles ne peuvent en aucun cas être basées sur les valeurs ou la morale du groupe (pour les raisons citées plus haut), fussent elles majoritaires au sein du groupe. Dans l’article sur l’établissement des lois, nous reviendrons abondamment sur ce qui doit guider les lois.

 

Du paragraphe précédent nous concluons que les individus sont libres d’adhérer aux valeurs qui forment un groupe. Que faut-il alors penser de ces nombreux combats à travers le monde pour préserver les peuples premiers ? Ceux-ci en effet abandonneraient leur manière de vivre pour adopter les us modernes. Et cet état de fait afflige beaucoup de personnes de bonne foi.

Ayant conclu plus haut que les valeurs d’un groupe ne sont pas supérieures à celles d’un autre (les valeurs et us des peuples premiers ne sont pas supérieures aux valeurs des « modernes ») d’une part, et d’autre part que l’adhésion aux valeurs d’un groupe est libre pour les individus de ce groupe, nous sommes obligés de répondre ici que si les individus de ces peuples premiers choisissent, au contact des autres cultures d’abandonner leur culture, alors il ne sert à rien de vouloir s’opposer à cet état de fait. Ce qu’il faudrait faire c’est permettre à ces peuples de pouvoir continuer s’ils le souhaitent la pratique de leurs coutumes.

Au Cameroun, le principal groupe correspondant à cette description est le groupe des pygmées. Il ne faut donc pas s’affliger s’ils décident d’adopter la vie des Bantous, tout au plus faut il leur permettre de continuer leur vie s’ils le souhaitent dans les meilleures conditions.

 

Les autres articles sur la série sur l'égalité entre hommes sont disponibles à http://mebene.over-blog.com/categorie-11531651.html

 

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