Le récent passage de Paul Kagamé en France a été l'occasion pour certains de rappeler, en dehors de la clarification des événements liés au Génocide, que celui-ci, malgré un régime réprimant les libertés, avait réussi à redresser économiquement son pays et lui donner un taux de croissance enviable lors des dernières années. J'avais déjà entendu le même type de remarques , notamment sur les pays du Sud-Est asiatique. Ce qui conduit certains intellectuels africains à se demander si au lieu de suivre les modèles démocratiques « venus d'ailleurs » il ne vaudrait pas mieux y renoncer et définitivement opter vers les modèles autoritaires, sans hypocrisie.



      A titre personnel, nous pensons que les libertés individuelles doivent être universelles si l'on pense que les hommes sont égaux (voir un précédent article [Egalité et systèmes politiques... ]). Mais laissons de côté ce que d'aucuns qualifient d'utopie, pour regarder à l'efficacité des systèmes autoritaires.

      Dans un autre article traitant des systèmes (humains) nous disions qu'en théorie, la démocratie était plus efficace pour le développement d'un pays à travers le développement suivant.

 

Considérons maintenant deux situations

1) Un chef bon et talentueux: En démocratie, puisqu'il doit penser à sa réélection (ou à celle de son successeur dans son camp), il sera un peu hésitant en entreprendre d'un coup de grosses réformes qui vont à coup sûr vexer les gens, les envoyer dans la rue et le rendre impopulaire. Les avancées se font donc la plupart du temps par petites touches. Du fait même de la démocratie.  En dictature, pas d'hésitations. Si le chef est talentueux, et qu'il a une idée, il la mettra en application et personne ne dira rien. On pourra ainsi connaître de grands bonds en avant après une grosse réforme.

2) Un chef incompétent et médiocre. En démocratie, les électeurs finiront par s'en rendre compte (parce que leur situation ne se sera pas améliorée, et l'opposition et les médias n'auront pas manqué de le crier sous tous les toits) et le leader sera dégagé aux prochaines élections (correction du système). Il a donc toujours intérêt à faire avancer, même si ce n'est que par petites touches. En dictature, le tyran n'est pas renversé (et s'il faut introduire un système de putsch, là encore il faut compter sur la probité des putschistes), et le pays recule. Le tyran renforce même la chape de plomb qui pèse sur les citoyens, puisque se sachant incompétent, il sait aussi que le seul moyen de durer est de mater toute velléité de soulèvement.

 

On le voit, la dictature ne peut marcher (atteindre les objectifs d'un État: croissance, réduction du chômage, etc..) que si le leader a une certaine probité. Ce que l'on ne peut jamais garantir. C'est donc un mauvais système



      La conclusion était donc qu'un système autoritaire ne peut fonctionner que si son leader est compétent, et fait montre d'une probité certaine. Sinon la situation périclitera. Et l'examen de l'existant prouve que l'on ne peut jamais garantir avoir cette perle rare avant qu'elle n'arrive. Au contraire. Combien de « libérateurs » putschistes se sont avérés pire que celui qu'ils venaient chasser ?



      Mettons nous néanmoins à la place de ces intellectuels en essayant de penser un système autoritaire qui s'affranchirait des mauvais chefs, tout en améliorant les libertés qui nous tiennent à cœur. Quand un dictateur fait régner l'ordre, il s'appuie indubitablement sur l'armée. Et c'est très souvent d'elle que vient son renversement. Nous proposons un système dans lequel l'armée jouerait le rôle d'arbitre apolitique. Le système consisterait en

  1. des élections sont organisées où n'importe quel candidat présente son programme et les objectifs qu'il prévoit d'atteindre durant son mandat (5 ans). Ces objectifs devront être quantifiables et mesurables

    et supérieurs aux objectifs à minima définis par l'arbitre en concertation avec les experts économiques. Les populations voteront pour celui dont le programme les séduit le plus. Ainsi, du moins à cette période, les citoyens auront la liberté de contester ce qui a été fait et d'aspirer au pouvoir. Les élections devront en outre être libres.

  2. Le gagnant a les mains libres pour appliquer sa politique pendant la durée de son mandat (système censé produire la plus grande efficacité)

  3. Au terme des cinq ans (ou entre-temps si une faute grave a été commise, comme des détournements d'argents), on compare les réalisations aux promesses. Si le gouvernant n'a pas été capable d'obtenir les résultats escomptés, cela veut dire qu'il n'a pas été à la hauteur (soit dans l'action, soit dans la prospective 5 ans auparavant). Le poste est donc remis en jeu au moyen d'élections organisées par l'arbitre. Et les postulants ont six mois pour se faire connaître (puisqu'ils auront eu à se taire pour ne pas gêner pendant 5 ans) et connaître leurs idées. Le sortant peut participer. Le gagnant repart pour cinq ans.

  4. Si le sortant a atteint ses objectifs, cela signifie qu'il a les qualités requises pour continuer à mener la destinée. Un nouveau bail de cinq ans lui est donc accordé, sans qu'il faille passer par des élections. Et on est ramené à l'étape 3

  5. Son mandat peut être interrompu à tout moment sur faute grave comme des détournements de fonds, de grosse dérive dans les jalons permettant d'atteindre les objectifs quinquennaux, ou toute autre faute du genre. En cas de corruption, la faute doit évidemment être punie de manière dissuasive.



      Voilà le système qui nous pensons, reprendra les éventuels avantages du système autoritaire, tout en garantissant que le système promeut de bons leaders, en punissant les mauvais leaders. Mais tout cela n'est qu'utopie car jamais système ne sera mis en place, ce qui entraîne de fait que les régimes autoritaires, sur le plan de l'efficacité économique SONT moins bons que les systèmes démocratiques. Nous le mettrons en exergue de manière plus factuelle dans l'article suivant [ Évaluation de l'efficacité économique en fonction du niveau de démocratie... ].

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