Robin des Bois et les pavés de l'enfer...
31 oct. 2022En ces temps de difficultés économiques ressenties de plus en plus durement par les citoyens de nombreux pays, Robin des Bois peut être un recours ou au moins un réconfort moral : Ne volait-il pas les riches pour redistribuer aux pauvres ? Que diront les lectrices, lecteurs s’ils découvraient que Robin des Bois contribuait en fait à empirer la situation desdits pauvres ? Ayons en le cœur net, et examinons…
Robin des Bois est un personnage mythique dont les premières traces écrites datent du 14ème siècle en Angleterre. Sa légende a été popularisée dans nombre de fictions et l’imagerie populaire est aujourd’hui que « c’est celui qui prenait aux riches pour redonner aux pauvres ». L’inventeur de la redistribution chère au Socialisme ? Pas tout à fait, car Robin agressait les riches, et on ne peut pas aller jusqu’à dire que l’Etat vole ceux qui sont soumis à l’impôt…
Nous n’avons pas discuté avec Robin des Bois, mais on peut penser que son souhait était d’améliorer le niveau de vie des paysans qu’il voyait miséreux. Comment résoudre ce problème ? Par exemple, en prenant à ceux qui étaient dans l’opulence, et en le redonnant à ces pauvres hères. Ce fut là son choix stratégique. L’un des travers que nous avons quand nous faisons des choix est de penser que les acteurs sont statiques, alors même qu’ils sont dynamiques et prennent des décisions qui modifient les équilibres.
Quels sont les acteurs de notre fable ? Robin, les pauvres et les riches. Les pauvres le sont parce qu’ils n’ont pas de terres (et ne peuvent donc rien produire par eux-mêmes), dépendent pour leur pitance du « salaire » qu’ils peuvent avoir et de leur capacité à acheter les biens produits par les détenteurs de capitaux. Les riches le sont parce qu’ils détiennent les capitaux et produisent les biens (ou sont les patrons de ceux qui les produisent effectivement).
Que se passent ils quand Robin commence à voler les riches ? Premièrement, ils prennent des précautions simples comme ne plus se balader avec de fortes sommes ou tous seuls. Conséquence ? le butin de chaque coup n’est pas de nature à avoir un impact palpable chez les pauvres : Soit ils ont tous très peu, soit quelques-uns seulement (les amis de Robin) peuvent vraiment en profiter quelques temps. Résultat, rien ne change pour l’immense majorité des pauvres.
Que fait alors Robin ? Il s’entête, il se dit qu’il faut accélérer, être plus audacieux. Tout cet argent qui dort dans les coffres, il faut le saisir. Et que font les riches ? Ils se disent naturellement qu’il faut se protéger. Ils s’arment, ils recrutent des gardes pour se protéger du chenapan. N’omettons pas une petite question. Une question en fait très importante : qui paie pour ces dépenses additionnelles ? Nos amis les pauvres. Comment ? Parmi les riches, le boulanger va distribuer ces coûts dans le pain (sa source de revenus) et ce sont les pauvres qui achètent ce pain. Le propriétaire terrien va augmenter le coût du loyer, et ce sont les pauvres qui vont payer. Le médecin va augmenter le coût de sa consultation, et ce sont les pauvres qui vont payer. Résultat : Robin pourra encore moins voler, mais le peuple, sans augmentation de salaire, verra l’inflation (hausse des prix) l’achever.
Robin pourra dire qu’il avait de bonnes intentions, oubliant que celles-ci, quand on n’y prend garde, sont le meilleur ingrédient des pavés vers l’enfer. Qu’est ce que Robin aurait dû faire ? Que doivent faire les Etats confrontés à pareils dilemmes ? Ce sont les objets d’articles à suivre…