Le Covid-19 frappe. Et en ce moment, l’Europe est l’épicentre de la pandémie, un mois après la Chine. L’Afrique semble miraculeusement épargnée, malgré quelques cas épars majoritairement attribués aux voyageurs venant d’Europe. Cet article vise à analyser les raisons qui pourraient faire que l’Afrique soit épargnée, voir si elles sont valides. Et se demander, le cas échéant, si l’Afrique ne serait elle pas plutôt le futur épicentre du Coronavirus. Ce serait terrible…

 

Avant de faire un focus sur l’Afrique, sa situation, les raisons du faible nombre de cas et les perspectives, commençons par revenir sur les généralités concernant ce virus.

 

Qu’est-ce que le COVID-19, et quels en sont les symptômes ?

Le Covid-19 est le dernier coronavirus découvert. Il appartient donc à une famille de virus peuvent entraîner des infections respiratoires dont les manifestations vont du simple rhume à des maladies plus graves. Les symptômes spécifiques du COVID-19 peuvent être absents, bénins (toux, maux de tête, fièvre, etc.) en rappelant la grippe ou plus graves en rappelant cette fois là les symptômes de pneumonies avec complications.

Cette similitude de symptômes avec d’autres maladies communes est une des raisons pour lesquelles les débuts de la maladie ont été mal identifiés, d’abord en Chine, puis dans les autres pays touchés ensuite. Environ 80% des porteurs ne présentent pas de symptômes ou alors des symptômes légers. Ils n’en demeurent pas moins contagieux. Pour ceux ayant des symptômes, en l’absence de test confirmant le COVID-19, comment faire la différence avec une grippe ou une pneumonie (qui tue 2,6 millions de personnes par an) ?

 

Quels pays ont été affectés et comment ?

Pour faire cette différence, il faut faire un test. Chaque pays est responsable de la conduite de ces tests sur son territoire. C’est donc chaque pays qui collecte ces infos et qui les partage, notamment à l’OMS. L’OMS collecte ces données et plusieurs sites les mettent à disposition. Vous pouvez les trouver sur le site de l’OMS, mais également sur ce site  qui a une vision claire pays par pays ou encore celui-ci avec plus d’infographies encore. Les données ne manquent pas donc, mais à ce stade, on retiendra que les chiffres d’un pays proviennent uniquement des autorités de ce pays.  Chacun pourra alors questionner le sérieux du gouvernement en question, ou encore la méthode de comptage utilisée qui peut drastiquement différer d’un pays à l’autre…

 

La courbe de propagation du virus

Ces chiffres montrent un scénario quasi immuable : le nombre de cas, d’abord très faible stagne, puis commence brusquement à progresser de façon exponentielle. Cette augmentation est concomitante à un début de prise de conscience dans le pays qu’il y a un réel problème. Sur la figure ci-dessous, on compare les courbes à partir du 100ème  cas.

 

Comparaison des courbes d'évolution après le 100 ème cas détecté dans plusieurs pays

Comparaison des courbes d'évolution après le 100 ème cas détecté dans plusieurs pays

Cette prise de conscience peut soit découler des effets palpables, notamment sur le système de santé (nous y reviendrons), ou plutôt entrainer un meilleur recensement des cas. Et plus on cherche, plus on trouve…

Les courbes sont donc comparables, mais on note des différences au bout d’un certain temps. Si par exemple, les courbes des pays européens restent similaires (regardez ci-dessous la comparaison entre l’Italie, la France et l’Allemagne à 8 jours d’intervalles), certains pays divergent des courbes standard.

 

Comparaison des évolutions en Italie, France, Allemagne

Comparaison des évolutions en Italie, France, Allemagne

Les pays qui divergent sont la Corée du Sud, le Japon, Singapour et Hong-Kong. Ces divergences sont dues aux mesures spécifiques appliquées dans chaque pays. La Chine a commencé très tôt après la prise de conscience à appliquer des confinements extrêmement stricts. On a même parlé de pratiques despotiques. Aujourd’hui le nombre de cas ne progresse quasiment plus depuis plusieurs jours. Ils pourront bientôt crier victoire. La Corée du Sud a appliqué une stratégie différente, en communicant très tôt, en traçant les déplacements des citoyens via les moyens technologiques, retraçant ainsi les personnes ayant été en contact et en démultipliant les tests. Ils ont ainsi pu détecter très rapidement les malades et à les isoler.

L’Europe a réagi en plusieurs phases : D’abord rappel de mesures d’hygiène, puis appel à l’auto-confinement, et enfin mesures relativement strictes de confinement. Seule la grande Bretagne ne semble pas alignée en privilégiant jusqu’ici une stratégie d’immunité collective où on considère qu’avec 60% de gens touchés, la population développera une résistance collective au virus.

Mais même en Grande-Bretagne, comme partout ailleurs, ces stratégies partent d’un principe simple : il ne faut pas que les malades du COVID-19 viennent surcharger les systèmes hospitaliers...

Pourquoi ce virus est-il particulièrement dangereux ?

Il est très dangereux. Il a un indice de contagion supérieur à d’autres virus . Et nous l’avons vu, il peut présenter des symptômes graves. Sa létalité moyenne (nombre de morts / nombres de personnes testées positives) est en moyenne, aux alentours de 2% (bien au-delà de la grippe, mais bien en deçà de l’Ebola qui a par contre bien été limité). Ce chiffre varie bien sûr d’un pays à l’autre. Ceci fait 2000 personnes pour 100 mille infectés. Mais 100 mille infectés sans cloisonnement donneront 200 mille en quelques jours, donc 4000 morts. Progression exponentielle !

A noter que ce taux de 2% présente deux biais. Le premier est qu’on ne connait pas le nombre réel de patients infectés. Il est contrebalancé par le fait qu’on ne connaisse pas non plus le nombre réel de morts, car quand ils ne sont pas détectés avant, il est très facile d’attribuer leur décès à d’autres maladies plus communes (pneumonies, grippes, vieillesse, etc.). Le second biais est que quand on parle de létalité, on compare des morts (ceux qui ne sont plus malades) à ceux qui sont encore malades. On devrait plutôt comparer les morts avec ceux qui ont été guéris (les deux populations ne sont plus malades). Si on prend le cas de la Chine on a 3200 morts pour 61000 guéris. Vu que la maladie ne se propage plus, on n’est actuellement pas loin de la létalité finale.

Pourquoi le Coronavirus ne se propage pas en Afrique Noire?

Mais il n’y a pas que les morts. Ceux qui sont gravement atteints et qui ne meurent pas vont engorger les hôpitaux. Ils mettent en danger le personnel médical, et rendent impossible la prise en charge correcte d’autres pathologies. Le COVID-19 tue, en lui-même, mais en permettant à d’autres maladies de tuer plus, car moins bien soignées

C’est la raison pour laquelle tous les pays ayant pris conscience et qui essaient de lutter essaient de mettre en place des stratégies pour ne pas engorger les hôpitaux. En Italie par exemple, on en est à choisir qui a le droit de vivre, car on ne pourra pas soigner tout le monde.

Les raisons évoquées pour lesquelles le COVID-19 ne se développerait pas en Afrique

De ce qui précède, on dit

  • Les symptômes du COVID ressemblent à ceux de maladies préexistantes
  • Dans tous les pays, après une phase de déni, il y a une prise de conscience qui coïncide avec une explosion du nombre de cas (et de morts)
  •  Tous les pays essaient de mettre en place des stratégies dont le but ultime est de limiter l’engorgement des hôpitaux
  • Le COVID tue, en lui-même, et par aggravation d’autres maladies dont la prise en charge diminuera
  • Ce sont les Etats qui communiquent les chiffres
Pourquoi le Coronavirus ne se propage pas en Afrique Noire?

Pourquoi donc les pays Africains seraient ils épargnés ? La seule dernière phrase répondrait à la question, mais faisons l’exercice. J’ai identifié 2 raisons, voire 3. Essayons de les traiter.

a/ Le Covid ne survit pas à des températures élevées

Ceci a souvent été dit. La photo de couverture de l’article l’illustre. Le post ci-dessous d’une leader d’opinion proche du régime camerounais également.

Pourquoi le Coronavirus ne se propage pas en Afrique Noire?

Pourtant aucune étude scientifique n’a montré une baisse de l’impact du virus liée à la chaleur. L’OMS le confirme en qualifiant cette « information » de fausse nouvelle. Théorie me direz-vous ? Regardons les faits (tels que remontés par les pays eux-mêmes). Prenons les Philippines. Voici sa carte météo à compter du 15 Mars.

Pourquoi le Coronavirus ne se propage pas en Afrique Noire?

Il en est à 12 morts pour 147 cas, avec comme pour les autres pays, une accélération dans les chiffres ces derniers jours. Les autorités ont décidé ce 16 Mars des mesures de confinement. C’est bien un pays chaud. Tout comme la Malaisie, l’Australie, etc.

Également en France, La Martinique (+27° en moyenne) compte 16 cas pour 200 mille habitants. A comparer avec les 233 cas pour 3,3 millions d’habitants. Pourcentages similaires.

B/ Le Covid ne touche pas les Noirs

« On dit que » les scientifiques Chinois se seraient émerveillés du fait qu’un Camerounais malade en Chine y guérisse miraculeusement. Comme on l’a dit précédemment, la norme est que 98% des malades guérissent. D’autres part, tous les cas recensés en Afrique (et au Cameroun en particulier) étaient des Noirs, ou de la diaspora. Comme précédemment indiqué, comment sait-on que des morts ne l’ont pas été déjà, du fait du Covid. Réponse : Personne ne les a comptabilisés.

C/ Le palu, les maladies dues à l’eau nous tuent plus que ne pourra le faire le Covid

Argument là encore facile. Parce que si/quand le COVID se répandra, la capacité à soigner le palu et les maladies de l’eau empirera encore, et elles feront encore plus de morts.

 

Quelle est la situation actuelle ?

La plupart des pays ont quelques cas. Ils sont quasiment tous attribués aux voyageurs. Des consignes de confinement à ces voyageurs sont d’abord arrivées. Si des consignes d’hygiène (se laver les mains, etc.) ont commencé à être passées aux populations, les messages globaux des autorités continuent de considérer que la menace vient d’ailleurs. Certains ferments ou veulent fermer les frontières, d’autres comme le Cameroun, veulent maintenant (aujourd’hui 17/03) mettre tous les nouveaux voyageurs en quarantaine. Plusieurs les y encouragent.

Je ne dis pas qu’il ne faut pas le faire, mais si on a bien lu ce qui précède, quand le virus est là, ce qu’il faut faire c’est éviter qu’il se diffuse dans la population. Or le virus est là. Cela fait plus d’un mois que les pays africains ont enregistré leurs premiers patients. J’ai vu aujourd’hui que les patients 0 sont même guéris au Cameroun et en Côte d’Ivoire. Le virus est là et dire qu’il faut se protéger de l’extérieur, c’est faire comme si le virus n’est pas là. Et quand on fait comme si le virus n’est pas là, on l’a vu dans tous les autres pays, le virus se répand. Et quand on ne peut plus faire comme s’il n’est pas là, il se répand exponentiellement. On l’a vu en Europe où en début Février, les Européens se méfient des Chinois. Et maintenant, ce sont les Chinois qui se méfient des Européens.

Du coup les autorités sont en retard (hormis le Sénégal qui a commencé des mesures de confinements et d’arrêts de l’école, plus ou moins bien suivies par les populations). Heureusement, des initiatives viennent de la société civile. Au Cameroun, des lycées français ont fermé depuis le 16/03 et des manifestations commencent à être annulées. C’est le cas du GICAM qui vient d’annuler des manifestations prévues dans les prochains jours. La CAF vient également d’annuler le CHAN. Du coup les populations qui voient ça commencent à se dire qu’il y a anguille sous roche. Espérons que ça déclenche les actions nécessaires : empêcher la propagation locale du virus

 

Perspectives

En l’absence de stratégie de lutte contre la propagation (et je le redis, à ce stade, fermer les frontières est très loin d’être ni suffisant, ni efficace) le virus va se développer. Avec nos structures sanitaires (dans lesquelles actuellement on peut mourir en arrivant à l’hôpital avec une fracture du bras), cela peut être une catastrophe. Et même sans que les chiffres officiels ne changent, on peut se retrouver comme dans la vidéo suivante où on compare le nombre de pages nécrologie du même journal d’une région en Italie. En l’espace de 2 semaines, ils sont passés de 3 pages à 10 pages. Cela peut véritablement être terrible. 

Pour vaincre ce virus en minimisant les impacts, il faut qu’il ne circule pas dans la population. Et il faut que les gens respectent des règles de confinement. La Chine a vaincu le virus, la Corée du Sud est en train de le faire. Et cela n’a pas été trivial alors même qu’ils étaient pleinement mobilisés dès la prise de conscience. Il faut que nos pays fassent de même, en se servant notamment de l’expérience (non reproductible iso ici) de l’Ebola.

Et même là, les impacts ne seront pas négligeables. Nous n’avons pas encore parlé d’impacts économiques…

En conclusion, le virus ne se répand pas en Afrique actuellement parce qu’on ferme les yeux dessus. Et si on ne les ouvre pas le plus vite possible, il sera trop tard pour juguler les impacts. Cela dépend des états, mais cela dépend également un peu de chacun d’entre nous. A tous les niveaux !

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