Chamanes, guérisseurs, acupuncteurs, médecins ont à travers les âges et les lieux eu pour objectif de soigner les corps et les esprits. Aujourd’hui, ces pratiques se voient regrouper en trois grandes catégories : la médecine moderne ou conventionnelle d’un côté, et les médecines alternatives de l’autre côté. Dont les médecines traditionnelles africaines. Ces dernières sont-elles efficaces ? si oui dans quelles conditions ?

La suite de l’article discutera de ce point, et conclura que si les médecines traditionnelles sont efficaces, elles ne peuvent l’être que dans le traitement de symptômes. Etonnant ? Lisez plutôt.

 

Je me suis toujours dit que, comme partout, en Afrique, les « guérisseurs » en charge de soigner avaient procédé par observation – expérimentation - conclusion. C’est un triptyque qui est indispensable pour pouvoir trancher sur l’efficacité d’un traitement. Bien sûr, selon la qualité du suivi de ces étapes, des scories peuvent apparaître. Je m’étais même étonné que l’on ne teste pas les propriétés d’un fruit que des populations rurales pensaient (sans preuve) efficace contre le paludisme, au point de ne pas prendre les médicaments conventionnels.

Pourquoi la médecine traditionnelle combat les symptômes, pas les virus...

Mais le Covid a tout changé. Il n’existe pas de traitement contre le Covid. C’est un fait (même si de nombreuses recherches existent, ici par exemple avec Astra Zeneca). Pourtant, de ci de là, et en particulier au Cameroun, des gens pensent que des médicaments traditionnels sont des traitements contre cette maladie. Leur argument est que « des gens ont testées positif en ont pris et sont aujourd’hui guéris ». Ils décrètent Ngul be Tara et les traitements de Monseigneur Kléda efficaces. Ce qu’ils oublient c’est que le COVID est à 80% asymptomatique (les gens ne se rendent même pas compte qu’ils sont malades), que pour 18 autre % des malades, on ne rencontre que des symptômes de types grippaux (avant guérison) et qu’on ne rencontre des formes graves que dans 2% des cas. Ceux qui nécessitent une prise en charge. Ce qui signifie que dans 98% des cas, les malades guérissent tous seuls. « RIEN » est donc aussi efficace que Ngul Be Tara, ou la chloroquine.   

Le lien suivant reprend cet argument sur Ngul Be Tara (avec une combinaison sur la chloroquine de Raoult dont on sait l’inefficacité). Je ne l’attaquerais pas plus dans cet article. Mais cette vogue de médicaments traditionnels censés guérir le Covid m’a fait réaliser qu’en fait il était impossible (dans le passé, dans le présent et dans le futur) qu’ils puissent agir directement contre le virus du Covid, et par là, contre tout autre virus.

Et c’est l’occasion de se demander ce que signifie « soigner une maladie », pour un médicament. Pour expliquer, commençons par schématiser ce qui se passe quand on a un virus qui entraine une maladie :

  1. Le virus pénètre dans l’organisme
  2. Le virus attaque tout ou partie de l’organisme
  3. Des manifestations sont alors constatées. Ce sont les symptômes. Par exemple, les maux de têtes, des douleurs, de la fièvre, des inflammations, de la toux, le nez qui coule, complications respiratoires, etc.

Illustrons avec une maladie courante : le rhume. Il s’agit d’une infection des voies respiratoires pouvant être causées par une famille de plus de 200 virus. Le virus pénètre l’organisme par les voies nasales (1) et va se loger dans les voies respiratoires en y causant une infection (2). Des symptômes vont alors se développer ( 3 - yeux qui coulent, nez qui coulent, bronchite, voire sinusite et pneumonie). Que faire pour s’en protéger ? C’est très simple : Si on ne veut pas subir les effets de ces virus il faut

  • Soit en évitant d’être malade (masques, isolement, vaccins si existants, etc.). Ce sont les actions préventives.
  • Soit en combattant le virus et l’infection qu’il déclenche (exemple ci-dessous pour un médicament en élaboration contre le COVID). Ce sont les actions curatives.
Pourquoi la médecine traditionnelle combat les symptômes, pas les virus...

 

  • Soit en soulageant les effets du virus en atténuant les symptômes, par exemple le paracétamol qui va réduire les inflammations sans combattre le virus. Ce sont les actions contre les symptômes.

 

Un médicament, d’après une définition commune en Europe, est  « toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l’homme ou chez l’animal ou pouvant leur être administrée, en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique. ». En Français facile, le médicament est une substance (préparée chimiquement ou naturellement – On retrouve la dichotomie médecine moderne / traditionnelle) qui vient prévenir, lutter contre l’agent pathogène ou lutter contre les symptômes. Et comment aboutit-on à ces préparations ? par les principes évoqués en introduction : observation – expérimentation – conclusion.

  • J’observe comment le virus se transmet, et j’expérimente diverses manières de m’en protéger (masque, vaccin, etc.). Valable pour les traitements préventifs.
  • J’observe comment est constitué le virus, ses caractéristiques, son mode de propagation dans l’organisme, les organes visés et j’expérimente diverses manières de l’éliminer ou de le bloquer. Valable pour les traitements curatifs.
  • J’observe les symptômes de la maladie, et j’expérimente diverses manières de les traiter ou diminuer. Par exemple, je prends le doliprane pour faire baisser la fièvre, mais le virus de la grippe est toujours présent. Valable pour les traitements symptomatiques.

Or la médecine traditionnelle ne peut (par ses usages, par les moyens dont elle dispose) qu’observer les symptômes. Les tradipraticiens ne sont pas virologues, ni biologistes. Ils ne font que voir les symptômes les plus visibles, mais pas seulement. Par palpation, observation indirecte (par l’haleine, la respiration, etc.) ils peuvent éventuellement identifier un symptôme caché. Mais un symptôme. Les siècles de pratique (et là je parle de gens sérieux) auront permis d’établir cartographie de traitements : telle plante soigne les maux de tête, telle autre le nez bouché, telle autre enfin fait baisser la température. Mais ces trois symptômes peuvent provenir d’une multitude de maladies différentes (dont la simple grippe et le COVID). D’où ma réflexion : Pour une maladie nouvelle, il est impossible qu’un tradipraticien élabore un médicament curatif avec ses méthodes traditionnelles. Parce qu’il n’observe pas le virus mais les symptômes qu’il entraîne.

Monseigneur Kléda, Ngul Be tara et les autres agissent donc au mieux sur les symptômes (légers en anglais mild simptoms). Dans la médecine moderne l’oxygénation pour les formes graves du COVID aussi. Cette dernière a permis de maintenir des milliers de gens en vie en attendant que leur organisme élimine le virus. Dire que la médecine traditionnelle ne peut être qu’une médecine symptomatique n’est donc pas péjoratif. C’est juste une caractérisation de ce qu’elle est. Et c’est déjà très bien. Et puisque la vérité affranchit, on devrait en profiter pour mettre plus de sérieux dans cette discipline :

  • Eliminer les charlatans (comme celui-ci qui semble guérir les veugles et les sorciers)
Pourquoi la médecine traditionnelle combat les symptômes, pas les virus...
  • Caractériser les traitements
    • Ce qui marche en réalisant des vraies phases de test et en établissement une pharmacopée fiable.
    • Les posologies
    • Les sachants (qui sait traiter quoi)
  • Faire les passerelles avec le système de santé moderne de manière à optimiser les coûts pour les patients.

Certains pays semblent en avance sur les autres (le Benin par exemple). Vivement que les retardataires suivent…

Retour à l'accueil