Le premier tour des élections présidentielles Françaises a rendu son verdict. Le Pen contre Macron. Et tout de suite, Le Pen a attaqué (de manière assez médiatiquement brillante) : Macron est un ultra-libéral, qui veut abolir les frontières, les protections sociales et le modèle français. Ce discours vise notamment à toucher les électeurs de Mélenchon, opposés au grand capital, à la finance et à l'ultra-libéralisme. Ce fut particulièrement spectaculaire ce mercredi quand Marine Le Pen a court-circuité une visite de Macron autour du cas Whirlpool. La suite de l'article discutera de cette visite et de la pertinence d'une proposition, liée au rôle de l’État dans l'économie que Mme Le Pen (protectionnisme, etc.) y a faite.

 

Concernant Whirlpool, quels sont les faits ?

 

On y retrouve des éléments pouvant faciliter l'habituelle rengaine des opposants à « l'ultra-libéralisme ». Mais quelles sont les raisons qui ont poussé, ou qui peuvent pousser un groupe Whirlpool à fermer un tel site ? Je n'en vois que trois (non exclusives)

  • La production du site n'est pas compétitive (ou jugée telle par la direction) pour le marché Français

  • La production du site n'est pas compétitive (ou jugée telle par la direction) pour le marché mondial

  • Les actionnaires / propriétaires veulent dégager plus de marges sur cette production spécifique en délocalisant.en Pologne.

 

Qu'à proposé Mme Le Pen ? http://www.lefigaro.fr/elections/presidentielles/2017/04/26/35003-20170426LIVWWW00012-en-direct-election-presidentielle-emmanuel-macron-et-marine-le-pen-second-tour-droite-gauche.php. Du classique

  1. Nationalisation « si nécessaire »

  2. Tenter de convaincre l'employeur de ne pas délocaliser, si elle n'y arrive pas, chercher un repreneur (c'est ce qui est déjà en cours. Whirlpool ayant été catégorique)

  3. Imposer une taxe de 3% sur les produits qui seraient issus de cette délocalisation et qui rentreraient en France pour y être vendus.


 

Le Cas Whirlpool : Petite mise en lumière d'une aberration économique à l'usage de ceux qui votent...

La nationalisation n'aurait de sens que si la raison de la fermeture du site est une augmentation de la marge des actionnaires. Or les pertes annuelles de 10 millions d'€ indiquent qu'il n'y a pas de marge. Et ce n'est pas parce que par ailleurs le groupe fait des bénéfices (et paie ses actionnaires) qu'il est obligé de faire du social sur un site déficitaire. La prise de participation de l’État sans que les conditions de production (et donc la compétitivité) augmente consisterait donc juste à financer le salaire des 290 ouvriers du site par l'ensemble des citoyens, sans retour. Si on n'améliore pas la compétitivité, cela n'a aucun sens.

Nous avons déjà évoqué le second point, concentrons nous donc sur le principal, la taxe de 3% dans les cas d'importation de cette production délocalisée. Bien. Mais est ce efficace si on définit ici l'efficacité comme le retour de la compétitivité de la production sur le site ou le renoncement par Whirlpool à la délocalisation. Examinons.

Supposons que le site produise majoritairement pour la France (ce qui n'est pas le cas) et que cette taxe soit de nature à le faire réfléchir. S'il délocalise, c'est qu'il espère une compétitivité accrue sur la même production, et que le prix de revient (production en Pologne, transport, taux de douane actuel) est inférieur au prix de revient sur le site d'Amiens. Soit il vendra le produit moins cher (mais à un prix quand même satisfaisant pour les actionnaires) auquel cas, une taxe de 3% ne changera absolument rien à la stratégie de délocalisation, si ce n'est pour les clients (les citoyens français) qui dépenseront plus cher que ce qu'ils auraient fait sans cette taxe. Soit il le vendra au prix actuel (pour diminuer ou annuler les 10 M€ de pertes), auquel cas, la taxe de 3% sera juste payée par les citoyens, là aussi sans pouvoir modifier la stratégie de l'employeur. Dans les deux cas, le citoyen paiera plus cher et délocalisation il y aura. Et comme Mme Le Pen n'est pas « ultra-libérale », elle n'entreprendra aucune mesure pour optimiser le fonctionnement de l’État, rajoutant ainsi inutilement aux inégalités sociales comme nous l'avons montré en discutant de l'impôt (http://mebene.over-blog.com/2017/03/petit-developpement-sur-les-impots-inspire-de-proudhon.html ).

A noter aussi que Mme Le Pen ne dit pas qu'elle mettra une taxe de 3% sur les produits importés, mais juste sur ceux isssus d'une précédente délocalisation. A quel point sera t'il facile pour Whirlpool de créer une filiale en Allemagne (sur la route Pologne France) qui achètera les machines à la Pologne pour les revendre à la filiale française (ou tout autre artifice) ? Et si un autre groupe américain souhaitait investir en France, quelle décision prendre t'il s'il se dit qu'en cas de problème il ne pourra pas partir tranquillement ? Il investira ailleurs (Espagne, Italie, Allemagne, etc.) et viendra vendre en France. Et donc ne créera jamais d'emploi en France. Donc produira un résultat contraire à l'objectif (cf définition de l'efficacité dans ce cas). Je ne parlerai pas du cas où la taxe est imposée sur tous les produits importés (ou si elle est largement supérieure à 10%), ce n'est pas sa proposition, et ce sera le sujet d'une étude plus approfondie sur le protectionnisme économique.

 

Supposons maintenant que la France n'est qu'un marché parmi le marché mondial visé par Whirlpool. Il est évident que si la délocalisation en Pologne permet au groupe d'être plus compétitif au plan mondial, ils n'hésiteront jamais. Ils améliorent leur compétitivité, leurs marges ou leurs ventes sur le marché. Le marché particulier de la France est traité dans le cas précédent : ils y vendront toujours autant, et ce sont les Français eux-mêmes qui paieront ces 3% que l'Etat dilapidera aussitôt. Que vont faire les concurrents restés en France (ou les autres entrepreneurs qui ont des concurrents ailleurs) ? Puisque rien par ailleurs n'est fait pour améliorer leur compétitivité, ils vont eux aussi délocaliser (et donc faire perdre des emplois localisés en France) soit perdre des parts de marché sur le marché mondial (et aussi Français) et donc réduire les capacités de production (et donc les emplois en France) sous peine de tourner à perte. Certainement Marine sera là pour les nationaliser tous.

 

Dans tous les cas, ces propositions qui ont tout l'air d'être frappées au coin du bon sens, sont toutes inefficaces. Elles proposent du simplisme sans s'attaquer au fond du problème. Pourquoi l'absence de compétitivité ? Rien ne peut il être fait pour l'améliorer ? Est ce que par exemple, réduire les charges des entreprises n'y concourt pas ? Et si oui, comment réduire les charges (et donc les recettes de l’État), sans réduire le train de vie de l’État ? Ce que les libéraux proposent en général. Le libéralisme a l'air d'être un gros mot. Ce serait peut être bien d'examiner en détail chacune des propositions au lieu d'être dans l'anathème.

Par contre, le protectionnisme a bien l'air d'être un mot un peu simplet, mais pas d'anathème avons nous dit, nous y reviendrons dans de futurs articles...

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