Nous vivons dans un monde où nous sommes continuellement abreuvés d’informations diverses et variées. Informations en provenance de médias traditionnels dont de plus en plus de gens se méfient. Informations en provenance de média « alternatifs » dont la qualité journalistique est parfois questionnable. Informations en provenance de nos contacts sur les réseaux sociaux qui bien souvent reprennent les infos en provenance d’un des deux types précédents de source, en les agrémentant de leurs commentaires. Il est rare qu’à ce dernier stade, des vérifications soient faites. Les intervenants sur les murs Facebook, commentent alors le commentaire fait par l’auteur du post, ainsi que le titre de l’article cité (quand il y a un article cité). Des rumeurs et/ou des opinions deviennent alors des vérités admises.

 

      Nous avons par exemple lu que des essais de Vaccin sur le Virus Ebola se dérouleront bientôt au Cameroun (ainsi que 4 autres pays non touchés par la crise récente). Beaucoup se sont émus de la pertinence d'un tel choix pour un pays qui n'a pas été touché par l'épidémie. En se demandant pourquoi des pays non touchés étaient sélectionnés en lieu et place de la Guinée, le Libéria et la Sierra Leone.

      Et cela est vrai qu’une telle info est très intrigante au premier abord. Du coup, accusations de corruption de nos décisionnaires (et notamment le ministre Mama Fouda), voire de « tentatives des occidentaux de nous refiler des saloperies » ont fusé.

 

      Vous l’aurez compris, je suis de ceux qui considèrent qu’il faut considérer une information comme avérée quand soi même on a fait toutes les vérifications qu’il était possible de faire. A fortiori face à une information surprenante. Et ce n’est qu’après ces vérifications que l’on peut alors émettre un avis sur la question. Sinon, l’on est dans le « on dit que », le « on m’a dit que », « il paraît que ».

      J’ai donc entrepris quelques petites recherches sur ce sujet précis en faisant appel à l’ami universel. Quelques éléments remontés

 

  1. les essais cliniques sur un vaccin se passent en général en 4 phases

http://www.ipubli.inserm.fr/bitstream/handle/10608/197/?sequence=30

Les ajouts entre [] sont de mon fait

• phase 1: étude de tolérance locale et systémique (effets indésirables) et étude préliminaire de l'immunogenicité [dans cette phase, point n’est besoin d’être dans un pays touché. On teste que le vaccin n’entraine pas a priori des effets non prévus sur l’humain. On commence aussi à tester si l’administration du vaccin entraîne une réaction immunitaire dans l’organisme]

• phase II: recueil des données de sécurité/dose/efficacité (challenge) dans la population cible [Ici on teste sur la population cible. Cible signifiant alors population comportant les mêmes caractéristiques que celles où la maladie peut frapper. Cible ne signifiant pas ici population déjà malade (pour rappel, un vaccin agit avant la maladie). Le but est de travailler sur l’efficacité biologique du virus et la posologie (quelles relations entre les doses et la quantité de réaction immunitaire. Le nombre de « cobayes » se compte alors en centaines]

 

• phase III: essai pivotal d'efficacité (protection) en situation réelle [ Ici les tests sont faits sur de larges populations, et dans une population déjà touchée pour permettre de comparer l’efficacité du vaccin avec un placébo. Dans cette phase, cela n’a aucun sens de tester le vaccin dans un pays non touché par la maladie]

 

      Précisons que ces trois phases servent à qualifier le vaccin et à déterminer s’il convient de le mettre sur le marché, et que ces phases sont obligatoires pour tout candidat-vaccin. Rajoutons aussi qu’après sa mise sur le marché, il existe une quatrième phase qui consiste à tester pour surveiller l’aspect sécurité et les effets secondaires. Un autre lien qui explique lui aussi les phases.

http://www.sanofi.com/rd/essais_cliniques/phases/phases.aspx

  1. Au Cameroun et dans les autres pays cités, il s'agit de la phase 2

      Avec comme sources les liens suivants, dont un extrait du ministre de la santé
«Cette phase II vise à recueillir les données fiables sur la sécurité d’emploi et l’immuno génicité du vaccin après une dose intramusculaire unique du vaccin expérimental. Ainsi, les effets secondaires éventuels seront enregistrés chez tous les sujets et la qualité de la réponse immunitaire, ce pendant un an»,

http://www.cameroon-info.net/stories/0,69111,@,cameroun-test-d-un-vaccin-a-virus-ebola-les-populations-de-bamenda-inquietes-de-.html

http://french.china.org.cn/…/2015-10/31/content_36939935.htm

 

      Médicalement, il n’est donc pas aberrant que ce vaccin soi testé au Cameroun, ni même étonnant. Le Cameroun a bien une population semblable aux pays touchés récemment (Afrique de l’Ouest) avec la particularité d’avoir des populations semblables aux pays précédemment touchés (bassin du Congo). Deux centres sont prévus : Yaoundé, Bamenda. Bien sûr, on pourrait se demander « mais pourquoi cela n’a-t-il pas été fait quand-même dans l’un des pays touchés ? » Ce qui nous mènera au point suivant

 

  1. Des essais sur la phase 3 ont déjà eu lieu en Guinée

      En Effet, en début d’année 2015, en Guinée, des essais sur la phase 3 (zone la plus touchée). Là (cf définition des phases), un pays touché est indispensable.

http://www.who.int/mediacentre/news/releases/2015/ebola-vaccine-trial/fr/

      Si l’on se demande comment on aurait pu tester le vaccin dans cette phase s’il n’y avait pas eu d’épidémie, je répondrais que les laboratoires étant des entreprises commerciales, elles n’investiront sur un vaccin que si elles pensent pouvoir l’écouler, en d’autres termes que si il y a des épidémies fréquentes ou une épidémie en cours (et donc le vivier nécessaire pour la population test).

 

  1. Le Cameroun a également d’autres intérêts à ces essais

      En effet, en plus de la non contrindication médicale déjà mentionnée, le Cameroun se positionne pour la suite, avec le laboratoire testeur. Citons le ministre de la santé

« Nous gagnons en notoriété sur le plan mondial. N’oublions pas que dans l’avenir, il y aura d’autres vaccins comme celui contre le paludisme. En nous rendant disponibles pour celui-ci, nous serons désormais parmi ceux avec qui il faudra compter du point de vue de la recherche sur le plan mondial»

http://www.camer.be/47065/13:1/cameroun-andre-mama-fouda-ebola-et-le-vaccin-a-controverse-cameroon.html

http://french.china.org.cn/…/2015-10/31/content_36939935.htm

      Du coup on devrait plutôt "féliciter" nos autorités de s'être bien positionnées sur ce sujet...

 

      Je conclurai en disant, que face à une info a priori surprenante, il faut toujours faire l'effort d'en vérifier la véracité ainsi que les tenants et les aboutissements. Ça ne peut jamais faire de mal…

 

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