Le 11 Juillet 2009, dans les rues de Douala, le cardinal Christian TUMI a organisé une marche qui a réuni plus de 6000 personnes. Pour appuyer la cause qu’il défendait, il avait en outre une pétition de 25 000 signatures. Et quelle était cette cause ? Empêcher que l’Etat ratifie le protocole de Maputo qui selon eux, obligerait le Cameroun à abroger les lois qui interdisent l’avortement et l’homosexualité.

Si ces deux points apparaissent indispensables à ces manifestants, il est évident que chacun de ces points aussi revêt le même caractère indispensable (la marche n’est pas seulement organisé contre l’avortement ET l’homosexualité, mais elle aurait pu l’être aussi uniquement pour l’avortement OU l’homosexualité), de ce fait, dans la suite de ce papier, nous examinerons uniquement la partie qui concerne l’homosexualité. A mon sens l’avortement et l’homosexualité n’ont pas vraiment de lien, et le traitement de tels sujets, doit donc être différencié.

Concentrons-nous donc sur les personnes qui militent pour que les lois contre l’homosexualité ne soient pas abolies. Faisons simple, s’opposer à l’abolition de ces lois, c’est vouloir que ces lois demeurent. Au Cameroun, actuellement, l’homosexualité est passible de prison de par la loi. Vouloir que cette loi demeure, c’est donc au minimum, en ayant un peu de cohérence, considérer que ceux qui sont homosexuels ou ceux qui se livrent à des pratiques homosexuelles commettent un mal. Et c’est ce mal qui autorise l’homophobie (dans le cas d’espèce, qui veut que ces gens soient envoyés en prison lorsqu’on est pour la loi). Ce qu’il convient donc de faire est d’étudier quel mal les homosexuels ou les personnes qui ont des pratiques homosexuelles font.

Avant de procéder à l’examen de l’existence ou non d’un tel mal, le lecteur remarquera que j’ai parlé de deux catégories de personnes : les homosexuels et les personnes qui se livrent à des pratiques homosexuelles. On est homosexuel, comme on est mince ou noir. Comme on est femme ou hémophile. C’est un état. Des débats entre spécialistes existent pour savoir si on nait homosexuel, ou si on le devient. Certains homophobes disent même que si on nait homosexuel, cela passe encore car on ne l’a pas choisi, mais si on le devient (ce qui serait un choix pour eux), on n’a qu’à payer les conséquences de ses choix. Moi je n’entrerai pas dans le débat inné/acquis, car je le trouve stérile. Ce qui est sûr c’est qu’à un moment donné, il y a des gens qui SONT homosexuels, des hommes qui sont attirés par des hommes, et des femmes qui le sont par des femmes. Cela, c’est un fait. Peu importe les processus innés ou acquis qui les ont menés là. Et une loi ne devrait jamais s’attaquer à l’état des personnes, mais à leurs actes. Les lois qui s’attaquent à l’état des gens sont toutes des lois d’exclusion (racistes, anti chrétiennes, anti musulmanes, anti juives, tribalistes, sexistes, etc…) nous pouvons citer pêle-mêle, les lois antisémites nazis, les lois raciales aux Etats-Unis, les lois antichrétiennes dans certains pays islamistes, les lois qui ont longtemps exclu les femmes, et qui continuent de le faire dans nombre de pays, etc. Ce qu’une loi doit faire, c’est une fois qu’elle a identifié un « mal », sévir contre les gens qui COMMETTENT ce mal. Ainsi une loi n’est pas contre les meurtriers, elle est contre les personnes qui commettent un meurtre, qui font de la corruption, de l’évasion fiscale, qui font des cambriolages, et donc au Cameroun, qui commettent des pratiques homosexuelles, parce que le législateur a un moment donné, estimé qu’elles représentaient un mal. Dans la suite de ce papier donc, je ne parlerai donc plus que des gens qui font des pratiques homosexuelles, et plus des homosexuels en soi car une loi, comme on l’a vu, ne saurait s’attaquer à l’état des individus, mais à leurs actes. A titre d’illustration, on peut très bien être homosexuel, sans avoir jamais eu une seule expérience homosexuelle.

Les listes parues dans divers organes de presse courant 2006, et les nombreuses réactions directement accessibles sur internet à l’heure du numérique, ont permis de se faire une idée des raisons qui poussent à être homophobe dans la société camerounaise. J’ai fait un essai de recensement des causes de l’homophobie dans la société camerounaise, puis une analyse de chacune de ces causes pour en dégager le « mal » que les personnes qui ont défilé par exemple, pouvaient constater.

 

1.     La religion : le christianisme

 

La première cause d’homophobie est sans doute la religion. La constitution des marcheurs et de leurs meneurs l’atteste. Dans cette partie je me limiterais au christianisme, car je ne connais pas en profondeur les textes de l’islam et d’autres religions. Ainsi donc Dieu aurait en abomination les pratiques homosexuelles. Il faut donc, sur cette terre, punir sévèrement ceux qui s’adonnent à de telles pratiques. Telle est sans doute la logique des homophobes qui s’appuient sur le religieux. Examinons un peu les différentes composantes de cette logique.

Première composante, l’affirmation selon laquelle Dieu aurait en abomination de telles pratiques. Sur quoi se base-t-on pour dire cela ? Jésus lui-même (je rappelle que je parle de la religion chrétienne) n’a rien dit sur le sujet directement. Paul a à différentes reprises confirmé que cela était abomination aux yeux de l’Eternel, mais il a placé ce péché au même niveau que l’adultère ou encore le mensonge. Pourtant personne ne planifie une marche au Cameroun pour mettre ceux à qui il arrive de mentir ou de tromper leur conjoint en prison. Au contraire, on danse en levant le doigt… On me rétorquera alors que Dieu a détruit dans l’ancien testament Sodome à cause de telles pratiques (le mot sodomite étant d’ailleurs resté dans la langue française). A ceux là, je répondrais de deux choses l’une, soit la ville de Sodome a été détruite uniquement à cause de l’homosexualité, soit elle a été détruite à cause d’un ensemble de maux, dont l’homosexualité. Si c’est la deuxième hypothèse, je redemande, pourquoi se focaliser sur l’homosexualité au point d’aller défiler sous la pluie de juillet et oublier les menteurs, adultérins, etc. Si c’est la première hypothèse, je rappellerais que Sodome n’aurait pas été détruite s’il y avait eu en son sein ne serait ce que vingt justes. Puisque donc dans toutes les villes du Cameroun, il y a plus de vingt personnes qui ne se sont jamais livrées à des pratiques homosexuelles, ce genre de crainte (destruction citadine) est à rejeter aux orties. En conclusion de cette première composante, il semblerait que la bible présente l’homosexualité comme une abomination aux yeux de l’éternel, mais au même titre que d’autres « péchés », qui sont pourtant parfaitement acceptés et mêmes encouragés (mensonge, vol, adultère, etc) dans la société camerounaise.

La deuxième composante de la cause religieuse de l’homophobie est que puisque Dieu n’aime pas cela, il faut donc punir de manière terrestre les contrevenants. Je répondrais juste que le Cameroun est un état laïc où cohabitent les adeptes de plusieurs religions, des athées, des animistes en parfaite intelligence. Dans un état laïc, les lois ne sauraient donc être guidées par  les desiderata de telle ou telle religion. Les péchés du christianisme ou de l’islam ne sont d’aucune consistance pour un athée, et on ne saurait obliger quelqu’un à épouser une religion contre son gré. Ce sont d’autres critères qui doivent guider la création ou l’abolition de lois. Aux chrétiens je rajouterais que Jésus a été le premier ou l’un des premiers à prôner cette laïcité avec son fameux « rendez à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu ». Si donc le chrétien juge que c’est mal de faire des pratiques homosexuelles, il n’a qu’à essayer de ne pas le faire, d’enseigner à ses enfants à ne pas le faire (tant qu’ils l’écoutent) de même que ses proches disposés à l’écouter. La loi ne saurait être l’instrument de sa foi. En mettant même de côté cette dimension de laïcité, je rappellerais à ces mêmes chrétiens que c’est le même Jésus qui face à la femme adultère interdit à tous sauf aux non pêcheurs de jeter la pierre. Nous sommes assurément tous pêcheurs, d’où vient il donc que des disciples de Jésus ou qui se disent tels, pratiquants fervents, diacres, abbés, pasteurs, cardinal, soient les premiers à ramasser les pierres pour les jeter ? Car réclamer la prison pour des motifs religieux, qu’est ce sinon jeter la pierre ? Quand leur chef Jésus disait que ses paraboles étaient difficiles à comprendre il ne se trompait sans doute pas : la paille et la poutre…

Après analyse de cette première cause de l’homophobie dans la société camerounaise, il en ressort que les motifs sont forcément ailleurs, car dans les religions (au moins le christianisme), ce n’est pas un mal pire qu’un autre, on encourage à ne pas juger les autres, et en sus ça ne saurait être un argument pour légiférer dans un état laïc. Il n’y a donc pas de « mal » qui entrainerait une loi. Il faut donc observer les autres causes de l’homophobie.

 

Retrouvez les suites de cet article

- deuxième partie => http://mebene.over-blog.com/article-de-l-homophobie-dans-la-societe-camerounaise-2-47314911.html

- troisième partie =>
http://mebene.over-blog.com/article-de-l-homophobie-dans-la-societe-camerounaise-3-47315023.html 

Retour à l'accueil