Tout le monde ou presque est capable de commenter les aberrations que l’on peut retrouver dans le fonctionnement de la gouvernance au Cameroun. Comme beaucoup d’autres, je l’ai déjà fait. Et je le ferai encore. Pas plus tard que dans les lignes qui vont suivre. En effet quand on dispose d’éléments factuels venant étayer ce que l’on peut penser, il faut s’en servir. Pour le bien du Cameroun…

De quels éléments factuels parlons-nous ? Ici je parle d’une note du SG de la présidence au SG du PM lui enjoignant des modifications à apporter au projet de loi des finances (voir plus bas). Précisons juste (pour que je ne sois pas accusé d’espionnage ou plus grave encore) que j’ai reçu cette image dans un groupe whatssap, et donc j’imagine que bon nombre d’autres Camerounais l’ont reçue.  Précisons en outre que la lettre

  • A pour ampliation le MINFI et le MINEPAT (et donc un large spectre de personnes)

  • Qu’il n’est pas marqué confidentiel dessus (mais seulement très Urgent)

  • Qu’elle vise à formater la loi de finances, et donc que son contenu est appelé à être public

Je peux donc en toute quiétude continuer l’exploitation de cette lettre. Je viens de mentionner l’objet de la lettre. Elle a en effet 3 parties : La première qui stipule les dispositions à supprimer de la loi de finances certaines dispositions. La seconde qui mentionne les mesures nouvelles devant compenser les baisses de recettes de la première partie, et enfin une troisième qui demande de porter le budget des élections de l’an prochain de 35 milliards à 50 milliards.

Toute chose étant égale par ailleurs, cette note va donc avoir un effet d’augmenter les dépenses prévues dans cette loi de 15 milliards, sans en changer les recettes. Mais que nous apprend-elle d’autre ?

  • Que le président de la République est celui qui décide de tout. On le savait déjà mais on en a une illustration criarde. Si c'est lui qui décide, via les experts à la présidence, à quoi servent ceux des ministères? On pourrait me dire qu'ils ont fourni les éléments d'arbitrage, mais j'en  doute d'une part,  et qui avait fourni les premiers éléments, ceux qui ont été publiés dans l'avant projet de loi?  Je pense à un ré-analyse uni latérale. C'est à dire, et comme en témoigne le processus de validation des lois en vigueur (où la présidence acte ce qui sera le projet de loi) qu'énormément de gens travaillent. Ils envoient un texte à la présidence. Et celui-ci peut être modifié par celle-ci. On ne peut s'empêcher de se dire que si en amont des conclusions du travail de ceux qui soumettent le texte à la présidence, il y avait des points de suivi pour s'assurer qu'ils vont dans la bonne décision, on gagnerait du temps, des heures de travail, et des postes à la présidence chargés de refaire le travail déjà fait dans les ministères. Pour le cas particulier de la taxe foncière, les Impôts y travaillent depuis 2015. Et le 3 novembre, le projet figurait encore dans l'avant projet de loi. Là il saute. En 17 jours. Ceux qui l'ont décidé sont ils plus avisés que ceux qui y travaillent depuis deux ans ? Si oui, pourquoi avoir perdu tout ce temps. Si non, pourquoi acter cela ?

  • Ce qui nous entraîne ensuite sur la qualité des décisions prises (après tout le temps perdu, comme vu plus haut). Dans le cas d'espèce, les mesures de substitution seront elles plus efficaces que les mesures initiales ? Et même, ces mesures initiales auraient elles été efficaces ? Si on reprend la taxe foncière, il était escompté une collecte de 10 milliards de FCFA(pour un perçu de 4,5 milliards en 2016). Quelle mesure de remplacement atteindrait cet objectif ? Le droit de timbre pour les vols internationaux ? Dans l'hypothèse où il y a 3 vols internationaux de 500 passagers tous les jours à Douala et à Yaoundé, cela fait 16,4 Milliards par an. Même en divisant par deux, cela fait 8 M, presque le double de 5 M€ additionnels attendus par la taxe foncière. Super efficace, et les mbenguistes ne voyageront pas moins à cause de 15 000 cachés dans le prix de leur billet d'avion. Processus efficace donc, mais comment justifier que le poste élections passent de 35 Milliards à 50 milliards ? Ou les experts d'Elecam, du Minepat et du Minfi sont des abrutis, Ou ceux de la présidence sont particulièrement forts. Et là je ne parle même pas d'enveloppe servant à se servir l'an prochain sur le dos des électeurs. Cet écart ne peut pas traduire une qualité de travail optimale. Je passe aussi sur la mesure qui vise à taxer les importations d'armes alors que le principal importateur d'armes et l’État lui-même.

  • Le gouvernement cherche des sous à tout prix. En 2013, il vote une loi pour inciter à l'investissement, mais en 2017, il voulait en supprimer une mesure. Remercions la présidence ? Notons quand même que moi je n'ai pas compris le sens de cette mesure en premier lieu : Pourquoi donner un agrément fiscal à une entreprise censée investir mais qui n'investit pas (même un an après l'agrément)? Pourquoi ne pas le donner après ou pendant l'investissement. Ça sent le lobbying qui aboutit à ce que des entreprises (certainement grandes) ne paient pas beaucoup d'impôt. On est donc tenté de dire que ceux qui voulaient introduire la fin de cet agrément était dans le vrai, et ceux qui ont refusé de le supprimer, sont dans le faux (la présidence). On est donc ramené à la question de la qualité des décisionnaires.

  • Le lobbying bât son plein. Je viens d'en donner un exemple. A la lecture de la note, je pense que ceux qui détiennent le marché d'importation du blé dur ont su bien parler à la présidence (alors que les projets de transformation de manioc ou de maïs sont vantés et que l'on devrait tout faire pour réduire ces importations). Je pense par exemple au Groupement d’industriels meuniers du Cameroun qui sait se montrer actif. Ils n'ont pas que de mauvais arguments, mais c'est un autre débat

  • Vive les mbenguistes. J'ai fait plus haut le calcul de l'augmentation du droit de timbre. Quel dommage alors qu'ils n'aient toujours pas la double nationalité et ni la sécurité dans les investissements. D'aucun me répondront que le gouvernement et le paquet pour les séduire. D'aucuns me répondront aussi « aka, quels mbenguistes ? Ce sont les locaux qui font ces voyages ». Il faut effectivement aller dépenser ailleurs les 15 milliards de hausse dans le budget des élections. Mais chuut, je n'ai rien dit...

Petite illustration du fonctionnement (perfectible) de la gouvernance Camerounaise...
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