Salomon Amoudje discute avec deux de ses amies. La discussion arrive sur le sujet de l'avortement. Et très vite le ton monte, car l'une des amies, Sophie, est viscéralement anti avortement, tandis que l'autre, Muriel, est en tant qu'ultra féministe pro avortement. Elles en sont presque aux mains, chacune étant persuadée d'avoir la vérité. Salomon se permet d'intervenir dans la discussion.

 

  • Excusez-moi mesdames, je pense qu'il va falloir que vous vous calmiez. Je vais vous poser quelques questions à chacune pour essayer de voir la vérité si il en existe une. Muriel, tu veux bien que l'on commence par toi ?

 

  • Oui, je t'écoute, de toute façon, il n'y a rien à tirer d'une discussion avec l'autre bigote.

  • Calme toi. Dis-moi, pourquoi penses tu que ceux qui sont contre l'avortement ont tort ?

  • Eh bien, c'est simple, ils veulent maintenir la femme dans l'asservissement.

  • Explique toi

  • Déjà ce sont les mêmes qui sont plutôt contre la contraception, mais admettons que l'on ne parle pas de contraception, un rapport sexuel peut entrainer une grossesse. Et bien sûr, c'est la femme qui devra l'assumer, c'est elle qui verra sa vie chamboulée, même si le père décide de l'aider à assumer.

  • Comment ça ?

  • C'est elle qui verra ses études ou son boulot ralenti par la grossesse, puis après la naissance du bébé. Ceci est indéniable. Et donc, si elle veut pouvoir contrôler la venue d'un bébé, elle doit pouvoir avoir le droit d'avorter. Sinon, l'homme pourra vivre sa sexualité comme elle l'entend, et la femme devra la vivre dans la crainte permanente de tomber enceinte. C'est en cela qu'est l'asservissement. C'est pour cela qu'il faut sanctuariser le droit à l'avortement, et c'est pour cela que ceux qui sont contre sont des méchants tyrans

  • Je vois. Je comprends même, mais je peux te poser une question ? Penses tu qu'il existe des femmes qui décident de faire des enfants et qui une fois enceintes, y renoncent et veulent avorter ?

  • Oui bien sûr

  • J'imagine que tu penses qu'elles en ont le droit

  • Tout à fait

  • Pourtant elles n'ont pas eu comme tu disais, d'asservissement sur leur vie sexuelle, puisque toute la situation résulte de leurs choix. Cela signifie que l'asservissement, si il existe, est ailleurs. N'est ce pas ?

  • Oui, ce n'est peut être pas sexuel, mais c'est quand même toujours l'asservir que de l'obliger à supporter des impacts qu'elle ne veut pas supporter.

  • Tu l'as bien formalisé/ Tu es pour le droit d'avorter pour que chaque femme puisse décider d'assumer les charges et les contraintes qu'une grossesse et un bébé entraînent. C'est bien résumé ?

  • Oui

  • J'ai une petite question dans ce cas. Penses-tu aussi qu'une femme qui a un adolescent qui l'emmerde et l'epêche de vivre comme elle l'entend a le droit de le piquer ou de le faire tuer pour retrouver sa liberté ?

  • Non bien sûr. Il s'agit là d'un humain vivant indépendant d'elle. On ne peut pas le tuer comme ça. C'est un meurtre.

  • Je vois. Mais tu seras sans doute d'accord pour dire qu'un nourrisson ne peut pas vivre indépendamment de sa mère. Serais tu ok pour qu'une mère qui change d'avis à la naissance du bébé puisse lui mettre l'oreiller sur la tête et l'étouffer ?

  • Non, ce serait horrible.

  • Quelle différence fais tu avec un avortement ?

  • Le bébé est vivant. Il est déjà né !

  • Donc si selon toi on peut avorter comme l'on veut et on ne peut pas tuer un bébé né, cela signifie que pour toi, un enfant non né n'est pas un être vivant ?

  • Tout à fait

  • Ah ok, donc pour toi un fœtus qui donne des coups de pied n'est pas un être vivant ? Donc pour toi, une femme qui pleure son bébé mort dans le ventre est une inconsciente ? Ou alors tu considères que celui qui provoque le décès du foeutus doit avoir la même peine que celui qui provoque par exemple la perte d'un rein ?

  • Tu m'embrouilles. Il y a un moment à partir duquel le fœtus devient un vrai bébé dans le ventre.

  • Fais gaffe, tu vas finir par dire que tu es contre l'avortement. Tu en es à dire que tu es contre l'avortement après que le bébé soit constitué, mais ma chère, à partir de quand le bébé est viable ? La loi fixe la limite pour avorter à 12 semaines ici, 15 là-bas, 0 ailleurs. Toi comment fixes tu une limite, et pourquoi ?

  • Je n'en sais rien, merde à la fin !

  • Calme-toi, mais reconnais que la seule chose que l'on puisse dire est qu'avant la conception, il n'y a pas de bébé. Après 9 mois, le bébé nait. Entre les deux, on ne sait pas bien. N'est ce pas ?

  • Oui

  • Ne condamne donc pas, ne voue pas aux gémonies ceux qui considèrent que juste après la fécondation, tu as un bébé. Tu as peut être une opinion différente, mais il ne s'agit que de ton opinion, respecte ça.

 

  • Hé hé hé. Comment il t'a mouchée ! Meurtrière.

  • Du calme Sophie, du calme. J'ai aussi quelques questions à te poser.

  • Vas-y

  • Toi tu penses qu'il ne faut jamais avorter, pourquoi ?

  • Pour les raisons évoquées. Et puis il faut assumer ses actes. Si on a peur de tomber enceinte, on a quà rester vierge jusqu'au mariage.

  • Tu es sans ignorer que c'est possible pour une femme mariée d'avorter, non ?

  • Alors elle n'a qu'à assumer ses actes. On ne tue pas un bébé comme ça.

  • Je vois. Il faut assumer. Dis-moi, si une femme se fait violer sauvagement par un cambriloeur alors qu'elle dormait (comme ça tu ne peux pas dire qu'elle l'a aguiché) et qu'elle tombe enceinte, tu es d'accord pour dire qu'elle n'a rien à assumer, non ?

  • C'est vrai

  • Si elle avorte pour oublier ce mauvais souvenir, la condamneras tu ?

  • Non, mais ça c'est un cas particulier

  • Laisse moi continuer s'il te plait. Si une maman et son bébé sont sur un bateau qui prend l'eau, et que selon toute vraisemblance, il faille délester le bateau, sinon les deux mourront, et sachant que si elle se tue, le bébé aussi mourra puisqu'il sera seul, la condamneras tu si elle choisit de jeter le bébé pour survivre ?

  • Mon Dieu, mais c'est horrible, bien sûr, une telle femme doit brûler en enfer.

  • Hum, et maintenant, imagine que tu as une femme enceinte de six mois, et que les médecins disent que si elle garde la grossesse, les deux mourront dans le mois qui suit, mais que si elle choisit de se séparer du bébé, elle survivra, si elle choisit d'avorter, la condamneras tu ?

  • Non, mais là encore il s'agit d'un cas de force majeure.

  • Mais à force d'éliminer les cas de force majeure comme tu dis, il ne restera plus rien. Mais tu te trompes, il ne s'agit pas d'un cas de force majeure. Il s'agit exactement du même cas que la femme et son bébé sur le bateau, sauf que dans ce cas, le bébé n'est pas né. Et ce que tu dis, c''est qu'un bébé né et un bébé viable (6 mois) dans le ventre n'ont pas la même valeur, pour toi. Tu comprendras que d'autres puissent le penser aussi, a fortiori pour des fœtus de moins de trois mois.

 

  • Faites vous la bise et acceptez que vous ayiez des opinions différentes sur le sujet, et que ce n'est pas la peine de considérer l'autre comme un monstre...

 

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