Celui qui faisait office de prêtre, éleva les mains et prononça une parole de bénédiction finale. Les fidèles remercièrent, et d’un pas ordonné, commencèrent à sortir du temple. Le prêtre resté seul s’assit sur l’autel. Il ne put s’empêcher d’admirer, encore une fois, le luxe des décorations du temple. Il avait conscience de la grandeur de sa tâche, être l’un des héritiers du prophète, celui-là même qui avait parlé directement à Dieu il y a 13 siècles. Celui grâce à qui leur religion était devenue LA religion. Dieu en soit loué

 

Il en pleurait presque. Il venait de rentrer au village et décidément, rien n’avait changé. Les habitants continuaient d’agir à l’encontre des enseignements des anciens, violant les commandements reçus de leur Dieu. Il en était d’autant plus affecté que c’est lui qui était leur pasteur, celui chargé d’enseigner les messages hérités des ancêtres et provenant du seul Dieu vivant.

Mais voilà, personne ne l’écoutait plus. Ils se livraient tous à la débauche. Rapines, meurtres et vols n’étaient plus tabous. Certains allaient même jusqu’à manger du poisson d’eau douce, bien que la tradition stipulât clairement que Dieu avait cela en abomination. Il avait essayé de tempêter, de menacer, de promettre de terribles foudres aux mécréants. Mais voilà, à chaque fois, la même réponse

-          Laisse-nous ! Il est où ce Dieu qu’on ne voit jamais ? Peut-être est ce toi le problème ? comment savoir que tu parles de l’autorité de Dieu ? Comment savoir que ce que tu dis est ce qui vient de nos ancêtres ?

Il ne pouvait que répéter que ce qu’il savait, il le tenait directement du précédent pasteur, qui lui-même le tenait de celui qui l’avait précédé. Il n’avait pas fini de dire ça que plus personne ne l’écoutait.

Il était véritablement abattu. Il revenait d’un voyage, où heureusement, il avait pu se changer les idées. Il avait croisé un marchand qui venait d’Asie et qui avait une technique complètement inconnue de ceux d’ici. Il parvenait à écrire sur la pierre avec des espèces de bâtons. Cela produisait quelque chose du plus bel effet. L’écriture était verte et la pierre avait une couleur légèrement ocre. Ils avaient sympathisé, et le marchand lui avait montré comment faire. Il avait même consenti à lui céder  quelques unes de ces pierres, ainsi que le nécessaire pour écrire dessus. Il ne savait pas trop ce qu’il allait en faire. Mais les bonnes choses ne durent jamais : Ses pensées revinrent sur ses ouailles qui le remettaient en cause.  Et son regard revint se poser sur les pierres qu’il avait entassées dans un coin de sa case. Et soudain il sut.

Le lendemain, il sortit très tôt, et revint aux alentours de 15H, sachant que tout le village serait là.

-          Miracle, hurla t’il. Dieu m’a parlé. Voici ses commandements qu’il a gravés sur ces tablettes tombées directement du ciel. Miracle. Ecoutez tous. Voici ce que Dieu ordonne

Tout le monde était silencieux. Ils étaient comme ébahis  devant ces pierres inconnues avec des mots gravés dessus en vert.  Alléluia. Dieu les visitait à nouveau.

 

Très vite, ils avaient recommencé à croire, aidés en ceci par ce miracle inexpliqué. Les tables de la loi rappelaient les commandements qu’ils connaissaient déjà. Elles sacraient aussi le prophète comme le seul habilité à parler au nom de Dieu, et à désigner son successeur. Dieu ordonnait aussi de coucher par écrit sur un parchemin, son histoire, ainsi que celle de son peuple, avec les différents miracles qu’il avait accomplis. Le prophète dicterait aux scribes ce qu’ils devaient écrire. Les tables de la loi devaient restées secrètes et gardées en un lieu sur. Ces parchemins seraient la loi. Il interdit aussi aux commerçants de la cité de s’aventurer dans certaines contrées d’Asie, peuplées d’infidèles irréductibles.

Le prophète était celui qui était chargé de veiller à ce bon ordre. Toute désobéissance entrainerait des punitions d’envergure.  C’est ce qui se passa, expliqua le prophète, lors de la terrible inondation qui survint peu après. C’est ce qui se passa, expliqua t’il encore quand 12 personnes de la cité périrent dans un éboulement de terrain. La colère de Dieu était sans limite si on pêchait.

Très vite, il recruta un clergé et des scribes pour l’aider dans sa tâche. Et pour que tous se consacrent à leur noble tâche, Dieu ordonna que le peuple participe financièrement, afin qu’ils n’aient plus de préoccupations bassement matérielles. Le livre de la loi était sans cesse agrémenté de nouvelles directives divines, corrigeant les précédentes mauvaises interprétations, rappelant les miracles que le prophète faisait, même si tout le monde ne les avaient pas vus, dévoilant les stratégies pour répandre la parole vers les autres contrées.

Au soir de sa mort, le prophète remercia le seul Dieu vivant de lui avoir parlé et de l’avoir guidé tout au long de sa vie. Il mourrait heureux, et confiant que son legs durerait : Il avait fait le nécessaire pour cela.

 

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