Bonjour

 

Vous vous souvenez tous de ma dernière (et première sortie) ? Pour ceux qui ne s’en souviennent pas, c’est ici La rombière de Sadi: la go des ways...

 

Cet article a provoqué des réactions surprenantes. Les gens ont réagi, se sont inquiétés du fait que j’étais sur une pente dangereuse, que le destin des filles comme moi était connu. J’ai découvert que j’avais plusieurs amis (sans e, parce que les quelques filles que j’ai croisées m’ont juste toisée en faisant Tsiupp) qui voulaient me ramener sur le droit chemin. Ils disaient que dans quelques années (même si j’ai 25 ans, depuis quelques années il est vrai), je serai flétrie, et tout. Et je finirais vieille fille et seule car personne ne voudrait m’épouser.


Qui vous a même dit que je veux me marier ? je connais le problème de ces filles-là. Mais comme on dit en Côte d’ivoire, ce qu’un vieillard assis voit, un enfant même debout ne pas regarder. Malgré mon jeune âge, je suis aussi sage que les vieillards. C’est pour cela que tous les cadeaux que les gars me font, j’en épargne toujours une partie. Toujours. Pour faire mes propres investissements. J’ai déjà deux maisons à Douala, deux grandes plantations au village, un salon de couture et un salon de coiffure et une petite dizaine de taxis. La maison où je vis à Bonamoussadi est payée par un « ami » qui comme tous les autres, ne se doute de rien. Comme ça, ils pensent me contrôler, alors que c’est moi qui les contrôle. Donc les gars, arrêtez de vous inquiéter pour moi Le jour où mon physique sera dépassé, si j’ai besoin d’un mari, c’est moi qui le demanderais en mariage. J’aurais de quoi le doter s’il faut. Egalité oblige comme a chanté l’autre.

 

Je dis ça, mais est ce que Innocent écoute même ? Innocent est un ami à moi très (très très) porté sur la religion. Le problème d’Innocent n’était pas que j’allais finir pauvre et abandonnée. Son problème était que j’étais sur la voie de la perdition. Dieu allait me punir. Il fallait absolument que je le suive à son église pour que son pasteur me reprenne en main. Il a insisté tant et si bien que de guerre lasse, j’ai accepté. Nous y sommes donc allés un Dimanche.


Nous y étions dès 8H. Et la salle était déjà pleine à craquer. Le pasteur est arrivé dans une Mercedes flambant neuve. C’était un beau gosse télégénique qui avait le verbe bien placé. Il a immédiatement entamé son discours. Pendant plus de 4H de temps il a parlé. Sporadiquement interrompu par des chorales. Il a parlé de l’évangile de prospérité. Il disait que c’était (très très) important que les fidèles deviennent riches, afin de pouvoir aider les plus pauvres et les plus miséreux. N’était ce pas louable ? Mais rajoutait il, prenant l’assistance à témoin, comment pouvait concevoir une assemblée de riches alors même que le pasteur serait pauvre. Cela ne se pouvait. Il fallait donc commencer par lui donner à lui, le pasteur qui les guiderait, tout ce qu’il était possible de donner. La dîme même, c’était petit. Il fallait donner le maximum. Alors le pasteur serait grand (et riche), alors les fidèles pourraient être riches, alors la volonté de Dieu serait exaucée.

 

Vraiment comment on dit, les bouteilles les plus faciles à remplir sont les bouteilles vides.  Moi, contrairement à ses ouailles, je ne suis pas une bouteille vide. Donc Pasto, il faudra m’excuser. J’ai fait comprendre à Innocent les contradictions de son pasteur. Il a fini par être d’accord. Il semblait désabusé, perdu. Il m’a dit

-          Smöln, tu as raison. On fait quoi ? On rentre ?

-          Non Innocent, présente-moi ton pasteur là à la fin.

Il semblait surpris. Je l’ai rassuré en disant que je ne voulais pas créer de scandale. Il ne comprenait pas. C’est le genre de gars qui comprend vite, à condition qu’on lui explique longtemps. Je n’avais pas le temps pour les longues explications, j’étais concentrée sur mon nouvel objectif : Certes il disait des bêtises, mais le pasteur était mignon et riche. Comme Lady Ponce dit, est ce que j’en fabrique ? Non, il faut donc prendre là où c’est disponible. J’ai donc attaqué le pasteur.

 

Il fallait me voir dans mon opération de séduction. Le pasteur, habitué à frayer avec ses fidèles inexpérimentées est tombé sans glisser dans mon escarcelle. Il est devenu mon toutou. Il délaissait ses trois épouses légitimes. Complètement à ma solde. Cadeaux à droite, présents à gauche. Je commençais même à me dire que finalement, l’évangile de prospérité là n’était pas si mauvais (à condition d’être du bon côté).

 

Mais j’ai exagéré. Le gars a commencé à se comporter comme un bébé. Il m’appelait « Mamour ». Il m’appelait 15 fois par jour. Il voulait m’introniser déesse dans son église (il avait commencé à chercher les justifications bibliques), bref il devenait un peu trop envahissant (et surtout, grâce à lui et tous ses cadeaux, je venais d’acheter un nouveau terrain en plein centre ville. Investissement rentabilisé donc.).  Ni une, ni deux, je l’ai largué. Et quand il est revenu à la charge, les yeux plein de larmes, j’ai envoyé des amis policiers pour le menacer un peu. Il s’est calmé.

 

Si l’un d’entre vous dit que je suis insensible, que je largue un gars visiblement amoureux sans scrupule, je répondrais que tant que je n’ai pas encore accouché, il n’y a pas de raison que je donne le lait. A quiconque. Celui qui veut de la tendresse n’a qu’à appeler sa mère…

 

La phrase choc : Si tu n’as pas accouché, il ne faut pas donner le lait…

 

 

Illustration de Mireben

pauvre p+®cheresse tradi

 

Retrouvez Smöln O’ Bissick sur Les histoires de la rombière de Sadi  

 

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