Les récentes élections présidentielles françaises ont donné l’occasion à la presse de revisiter les plus grosses gaffes commises lors des débats aux élections US.

L’une de ces gaffes a été celle de Micheal Dukakis en 1988 qui était le candidat démocrate face à Georges Bush. Il était un abolitionniste de la peine de mort, et une question lui a été posée sur quelle serait sa position si sa fille venait à être sauvagement assassinée. Face à ce piège, il s’est lancé dans des arguments techniques, se faisant ainsi passer pour un sans cœur sans sentiment. Le public n’a pas aimé. [Voir troisième exemple du présent lien ]

Cette gaffe l’a longtemps poursuivi, et bien des années plus tard, quand il a eu la chance de rencontrer Maki, il s’en est ouvert à lui. Lisez…

 

-          Bonjour Maki

-          Bonjour Monsieur Dukakis

-          Toujours le même souci. Cette semaine, ça m’a empêché de dormir deux fois.

-          Mais, il faut arriver à mettre ça derrière vous. Cela fait plus de 20 ans maintenant

-          Je me dis que si je n’avais pas merdé, j’aurais été président, et la face du monde aurait changé. On n’aurait pas fait la guerre en Irak, et qui sait ce que le monde serait devenu.

-          Je vois

-          Mais en même temps, face à un tel piège, qu’aurais je pu faire ? Si je répondais que j’étais favorable à la peine de mort pour celui qui viole ma fille, j’invalidais tout mon discours sur l’abolition, et je me décrédibilisais. Et si je répondais que je n’y étais pas favorable, je courais le risque de ne pas être cru, et pire de ne pas comprendre les parents de victimes qui eux y sont favorables, qu’aurais je pu faire  Seigneur?

-          Vous pouvez continuer de m’appeler Maki. Seigneur, ça me gène un peu. Bon je vais vous aider. Je vais vous dire ce que vous auriez pu dire tout en restant brillant. J’espère que cela vous apaisera.

-          Je t’écoute

-          Je vous livre la réponse

 

 

Q :

Si Kitty Dukakis était violée et assassinée, seriez-vous favorable à la peine de mort pour l’assassin ? 

R :

Je suis un peu embarrassé par la réponse que je vais faire à votre question. Embarrassé parce que dans ma vie, j’ai toujours pensé l’action issue de la réflexion devait prendre le pas, toujours, sur l’action découlant de pulsions. Et j’ai toujours essayé d’agir selon ce principe.

Je suis embarrassé par la réponse que je vais vous faire. Car elle indiquerait que j’agirais par la pulsion. Si ma fille devait être ne serait ce que violée, laissons de côté son meurtre, vous savez ce que je voudrais concernant son violeur ? Ce ne serait pas qu’il soit condamné à mort. Ce serait de le tuer moi-même. De le battre à coup de battes de base-ball. De l’étrangler sauvagement. De le poignarder encore et encore. Voilà pourquoi je serais embarrassé. Parce que j’aurais cédé à mes pulsions, au lieu de réfléchir.

Parce que, comprenons bien votre question, si j’avais répondu que j’étais favorable à la peine de mort dans ce cas, vous auriez dit qu’il faut donc la maintenir. Maintenant que je vous dis que je tuerais cet homme moi-même, allez-vous me dire qu’il faut autoriser les vengeances personnelles et aveugles ? Non, bien sûr. L’Etat est là pour canaliser les pulsions des gens, pour empêcher que chacun se fasse justice lui-même, cède à ses pulsions, bref pour introduire de la réflexion dans les actions de la société. Voilà pourquoi, en aucun cas, il ne doit autoriser les vengeances personnelles.

Si je tuais le violeur de ma fille, vous pensez sincèrement que ce serait parce que je souhaite voir son père ou sa mère à lui souffrir ? Non, ce serait uniquement parce que ma douleur, ma souffrance m’auraient poussé à agir sans réfléchir. Le tuer ne me ramènerait pas ma fille, et je ne vise pas par mon geste à faire souffrir ses parents. Alors pourquoi le tuer ? Parce que j’aurais agi sans réflexion.

Il en va de même pour la peine de mort. L’Etat doit veiller à ce que les pulsions ne priment pas sur la réflexion. Et la réflexion de l’Etat doit être guidée, face à tout acte criminel, par ce seul souci : Quelle est la punition adaptée pour in fine, arriver à empêcher la reproduction de tels actes. Il faut que les criminels soient punis. Il le faut. Mais nous devons toujours garder cet objectif en tête. Or nous constatons que la peine de mort, hors de tout débat sentimental, ne concourt pas à atteindre cet objectif.

 

-          Et là vous auriez pu enchainer sur vos fameux éléments techniques sur le caractère inefficace de la peine de mort.

-          Je pense que tu m’as sorti cette réponse parce que toi tu as eu le temps d’y penser, alors que moi je n’avais pas ce temps.

-          C’est vrai monsieur DUKAKIS, c’est vrai. Mais ça fait quand même plus de 20 ans…

 

 

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