Une nouvelle enquête du commissaire Mebene à retrouver dans la rubrique   Et le meurtrier est...


Batoufam, Jeudi 03/04, 09H

 

Michel semblait prendre de plein fouet l’enjeu de ce qu’il allait faire. Cela était plutôt inhabituel car il avait acquis la réputation de celui qui en toute circonstance, gardait son calme et n’agissait qu’après mûre réflexion. Mais là, la situation semblait aller au-delà de son self-control. Pour l’instant en tout cas.

-             Ça va aller ? lui demanda Richard, son meilleur ami. Tu m’as l’air nerveux.

-             Oui Richard, ça va aller. Tout va se passer comme j’ai prévu. J’y veillerai.

-             J’espère bien répliqua Richard en riant. Ce serait dommage que la mariée n’ait pas la cérémonie qu’elle attend. Elle te crèverait les yeux.

-             Mélanie aura exactement ce qu’elle veut. Je pense qu’il est l’heure pour que vous vous mettiez en route. Tu as vérifié que ma voiture est nickel ?

-             Ton oncle s’en est occupé. Tu vas leur en mettre plein la vue quand tu vas débouler. Souviens-toi, il faut que tu partes d’ici 15 mn, sinon, c’est la mariée qui t’attendra devant l’autel.

-             Ok, à toute à l’heure.

 

Richard, ami et témoin sortit. Il réunit les quelques personnes qui avaient dormi dans la maison du futur marié. Michel avait accepté de lui confier, ainsi qu’à son oncle Edouard, l’organisation complète du mariage. En cela Richard lui était très reconnaissant.

Le convoi s’ébranla et Michel resta seul. Il vint s’asseoir dans sa voiture immaculée. Il alluma le poste radio et consulta sa montre. Il lui restait quelques minutes. Il avait à présent retrouvé tout son calme…

 

Bameuna, Jeudi 03/04, 09H48

Mélanie, la future mariée, avait elle aussi l’air stressé. Elle achevait de se maquiller quand son amie Félicie rentra dans la pièce

-             Tu es prête ? Richard et les amis du marié viennent d’arriver. Selon le chronogramme, tu dois être en bas dans 20mn.

-             Je serai prête.

Puis pensive, elle murmura

-             C’est un jour tellement important pour nous.

-             Qu’est ce que tu dis ? Ne sois pas stressée, tout va bien se passer. Vous avez franchi tous les obstacles.

Mélanie ne répondit pas, et pensive, continua de s’apprêter.

 

Entre Batoufam et Bameuna, centre d’insertion de sans-abri, Jeudi 03/04, 09H57

Noémie ouvrit la porte. Deux pensionnaires du centre s’étaient encore fait la malle. Ce n’était pas bien grave. Ils reviendraient sans doute quand les vicissitudes de la vie se feraient cruellement sentir. Elle était habituée à voir arriver et repartir de pauvres hères dans ce petit centre niché au pied des montagnes de l’Ouest du Cameroun. Elle était arrivée au Cameroun 8 ans plus tôt, des idées d’aide au développement plein la tête. Malgré les tracasseries administratives, elle avait créé ce centre où elle entendait redonner aux plus pauvres de la dignité en pansant leurs blessures (physiques et à l’âme) pendant quelques temps, leur donnant une formation pour qu’à leur départ, ils arrivent à s’insérer. Un tel centre pour fonctionner, avait besoin de règles strictes. Certains des pensionnaires n’acceptaient pas de s’y plier en permanence, aussi des départs imprévus n’étaient pas rares. Ce jour là elle en avait eu deux. Ce n’était pas grave. Elle se dirigea vers l’atelier de couture. Un oiseau s’envola et elle leva la tête.

Elle vit une voiture blanche arriver anormalement vite dans ce virage ultra dangereux de la route située 200 m plus haut. Comme si le conducteur s’était assoupi ou que ses freins avaient lâché. En un éclair, elle se dit que la voiture ne réussirait pas à tourner. La voiture ne tourna pas. Elle quitta la route, et entama une chute vertigineuse ponctuée de multiples tonneaux. Alertée par le bruit, une petite foule s’était attroupée autour de Noémie et tous observaient cette chute qui semblait ne devoir pas s’arrêter. Enfin, le véhicule, ou ce qu’il en restait s’immobilisa, 150 mètres plus bas que le point de sortie de la route. Quelques hommes s’élancèrent pour voir s’ils pouvaient être d’un secours. Le premier arrivé constata que le véhicule était occupé par un homme seul, qui avait dû être impeccablement habillé avant l’accident car de la terre maculait de part et d’autre des vêtements que l’on devinait de standing. Le visage était en bouillie. Il était déjà mort.

 

Bameuna, Jeudi 03/04, 10H26

 La foule commençait à murmurer. Cela faisait 5 bonnes minutes que la mariée était rentrée dans la salle. Et toujours pas de marié. Les mauvaises langues commençaient à parler de faux bond. La mariée avait baissé son voile et gardait la tête basse, ne souhaitant croiser le regard de personne. Richard et Edouard, l’oncle de Michel se relayaient au téléphone, et toujours pas de nouvelle. Le père de la mariée, qui avait toujours manifesté son opposition à cette union, se leva et se dirigea vers les deux hommes. Il s’apprêtait à les menacer de tout arrêter quand une voiture de police s’arrêta. Les trois hommes se dirigèrent vers le policier. Très vite la rumeur toucha tous les membres de l’assistance. Michel avait eu un accident. Il n’était plus.  Sur l’autel, la mariée venait de perdre connaissance et de s’affaler. Personne n’avait eu la présence d’esprit de la retenir.

 

Batoufam, Samedi 05/04, 13H25

« C’est une honte », « c’est la première fois que l’on voit cela », « comment peut-on vouloir se faire de la publicité en pareille circonstance ? ». Les commentaires indignés fusaient. L’incinération de Michel venait juste d’avoir lieu. Et dans cet Ouest Cameroun soucieux des traditions, l’on n’avait jamais vu d’incinération. L’au revoir au défunt se faisait par le moyen d’un enterrement. Enterrement soigneusement et longuement préparé. Et là, rien de tout cela. L’incinération avait eu lieu deux jours seulement après le décès. Tout cela à l’instigation d’Oncle Edouard, chef de faille du défunt. Il était aussi le propriétaire des pompes funèbres de la région qui avaient récemment ouvert l’option incinération. On murmurait que son choix ressemblait fortement à celui de quelqu’un pressé de se débarrasser du corps de son neveu. Personne n’était encore arrivé à comprendre comment il avait pu sortir de la route à cet endroit qu’il connaissait si bien. Lui qui avait toujours été prudent. Avait-il été drogué ? On ne le saurait jamais vu que le corps venait de disparaître. La police, en raison notamment des freins retrouvés intacts et du nombre de témoins avait conclu à l’accident. Edouard de toute manière avait un alibi.

Il avait argué que le défunt souhaitait une incinération (il le lui aurait dit), la mariée, complètement hébétée n’avait rien dit. Elle avait passé les deux jours en état de choc, restant recluse dans sa chambre. Ne recevant que de parcimonieuses visites. Les invités au mariage étaient donc restés, récalcitrants, mais obligés. Et pour tous, Michel était redevenu poussière plus vite que prévu…

 

Douala, Mercredi 16/04, 22H14

Richard alluma la télé. Il avait besoin de ce fond sonore pour éviter de trop y penser. Michel était mort. Il ne savait pas quoi faire maintenant concernant les affaires qu’ils avaient en cours. Il craignait, en plus de sa désormais solitude, de se retrouver dans des emmerdements. Ils avaient quand même essayé de s’attaquer à un gros morceau. Il se dit qu’il devait prendre des vacances. Histoire de se faire oublier. De leur pigeon, et de leur encombrant associé. Chaque fois qu’il rentrait, il cadenassait sa porte, se disant que personne ne pourrait rentrer sans effraction. A la télé, une publicité pour des serrures sécurisée. Il se dit que c’était peut-être le moment de changer de serrures. Un reportage sur la maltraitance des pygmées commençait. Encore une histoire triste. Brusquement il sentit qu’une main lui bâillonnait la bouche. Il n’avait rien entendu. Comment son agresseur était il entré ? Il n’eut pas le temps de réfléchir plus longtemps. Une aiguille lui rentra dans le cou et tout de suite ses pensées se brouillèrent. Il eut juste le temps de se dire qu’il allait rejoindre son ami…

 

Douala, Jeudi 17/04, 09H35

Le commissaire Mebene alla se servir une tasse de café. Comme d’habitude, le café du bureau ressemblait à du jus de chaussettes. Il se demandait comment il allait devoir gérer le nouveau cas. Un jeune homme retrouvé mort à son domicile, visiblement piqué par une seringue empoisonnée, posée là bien évidence. Il attendait les résultats de l’autopsie. Il verrait bien. Il alla s’asseoir à son bureau et ses pensées commencèrent à divaguer vers la nouvelle stagiaire. Il se dit qu’il avait de la chance de ne pas être aux Etats-Unis avec toutes ces lois anti-harcèlement. Dès ce soir, il passerait à l’action sur ce dossier volumineux. C’est comme cela qu’on appelait les derrière des filles ici : Des dossiers. Il en était là quand un homme d’une soixantaine d’années y déboula. Visiblement affolé.

-          Commissaire Mebene ? Vous enquêtez bien sur la mort de Richard Tchamba ?

-          Oui, calmez-vous. Qu’il y a-t-il ?

-          Je m’appelle Edouard Ketchanga. Si vous ne faites rien, je suis le prochain sur la liste…

 

 

 

Retrouvez le second épisode ici A malin, malin et demi (2) Intérrogatoire d'Edouard TAMBA...

Retrouvez le troisième épisode ici A malin, malin et demi (3) Interrogatoire de Rafael Tsafoguen...

Retrouvez le dernier épisode A malin, malin et demi (4) Interrogatoire de la mariée (fin de l'énigme)...

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