Dans le cadre de la chronique ([ http://mebene.over-blog.com/article-quand-je-serai-president-1-explication-de-la-demarche-46504654.html ]), je présente aujourd’hui mes propositions sur les moyens d’obtenir une presse, et notamment une presse privée, libre et responsable. Que nous le voulions ou pas, la récente actualité des journalistes au Cameroun (Bibi Ngota, Pius Njawé, etc.) ainsi que le niveau généralement bas de la qualité journalistique nous amènent à nous questionner sur les droits des journalistes, mais aussi sur leurs devoirs. Ainsi que sur  les voies et moyens de financement idoines pour obtenir cette fameuse presse libre et responsable.

 

 

Domaine abordé : Institutions

 

Symptômes constatés :

Comme nous l’indiquions notamment plus haut, nous constatons que la presse camerounaise renferme actuellement les caractéristiques suivantes.

-          Pléthore de titres, dont très peu de « qualité »

-          Faible tirage, même pour les plus grands titres (< 5000)

-          Mauvais financement des organes de presse existant

-          Liberté de la presse apparente

-          Occurrences d’arrestation de journalistes

-          Attaques ad hominem, manque de professionnalisme, rumeurs ou opinions présentées comme des faits

-          Pas d’accès à l’information officielle

Tout ceci concourt à réduire la qualité de l’information que les journalistes mettent à disposition des Camerounais (que ce soit par incapacité ou par empêchement). Et celle-ci est primordiale en démocratie, car les citoyens se déterminent à partir de l’information qu’ils ont à disposition car même les réalités vécues peuvent être interprétées de telle ou telle manière selon les infos que l’on a. Pour que leurs choix ou opinions soient libres et responsables. Il convient donc de s’attaquer à ce problème.

 

Diagnostic et objectifs de la solution :

Nous identifions trois catégories dans lesquelles ranger les causes de cet état de fait : Le financement des organes de presse, les droits que les journalistes ont, mais aussi les devoirs qu’ils ont.

Résoudre la question du financement de la presse camerounaise permettra de pérenniser des emplois, et de réduire le « journalisme du ventre » où les journalistes publient ce qui dessert les intérêts de tel ou tel commanditaire. La qualité de l’information en sera accrue.

Résoudre la question des droits des journalistes permettra de donner aux journalistes un meilleur accès à l’information officielle, l’assurance de pouvoir publier toutes les opinions, de protéger ses sources, de pouvoir publier n’importe quelle information fut elle « sensible » sans représailles. La qualité de l’information en sera accrue.

Résoudre la question des devoirs des journalistes (qui ne sont pas des individus au dessus des lois, mais qui ont quand même pour tâche d’apporter l’information, ce qui nous le répétons est une des clés de la démocratie) permettra d’augmenter le niveau d’exigence des publications, niveau qui malheureusement n’est pas toujours très élevé, de diminuer le nombre de diffamations, d’atteintes à la vie privée, de fausses informations et de faits non avérées. La qualité de l’information en sera accrue.

Proposition de solution :

Dans un premier temps, nous formulerons des propositions sur le financement des organes de presse.

Les financements sont de deux types : Privé et éventuellement publics. Les apports du propriétaire, la vente et la publicité sont les principales composantes du financement privé. L’aide publique et les taux d’imposition et de taxe sont les deux leviers possibles du financement public.

1) Défiscalisation des recettes publicitaires

Les recettes issues de la publicité publiée dans les organes de presse seront complètement exonérées de fiscalisation. Seule seront soumises à taxation les recettes issues de la vente des journaux. Ainsi l’Etat aura intérêt à ce que les médias privés vendent le plus possible, et les médias auront intérêt à vendre beaucoup d’exemplaires de qualité (pour pouvoir attirer les annonceurs).

2) Favorisation de l’augmentation des ventes

Les organismes publics (lycées, administrations, sociétés publiques) devront acheter au moins UN exemplaire de TROIS quotidiens camerounais « habilités » (dont Cameroon-Tribune) selon la taille de la structure, c'est-à-dire que plus la structure publique est grosse, plus elle achètera d’exemplaires des trois quotidiens qu’elle aura choisis. Pour les lycées par exemple, les exemplaires iront dans une « salle de lecture » où les élèves et les professeurs viendront éventuellement se tenir au courant de l’actualité. Nous définirons dans la rubrique « Devoirs » ce que nous entendons par quotidien « habilité ». Même si un Lycée n’achetait qu’un seul exemplaire d’un journal, en multipliant par le nombre de lycées, on aurait des centaines d’exemplaires vendus en plus chaque jour. Ce qui sur les 5000 maximum que représente aujourd’hui les meilleurs, est loin d’être négligeable. Rajoutons à cela les administrations, les ministères, etc.

3) Publicité institutionnelle

Deux axes : Elargir l’assiette des journaux habilités à accueillir en leurs pages les publicités et communications institutionnelles. Aujourd’hui seul Cameroon-Tribune, le journal « officiel » fait office de medium pour ces publicités. Et pour les autres, quand ils parviennent à avoir des miettes, les paiements ne se font pas ou se font avec d’énormes retards. Le paiement de dus devenant ainsi soumis à une plus ou moins grande bienveillance à l’égard du commanditaire. Nous proposons que chaque administration choisisse parmi les médias « habilités » (cf définition dans la rubrique « devoirs ») trois titres avec lesquels elle travaillera systématiquement pendant deux ans. Tous les deux ans elle réévaluera les acteurs avec lesquels elle souhaite continuer à travailler. Nous pensons que cette évaluation se fera nécessairement selon la qualité des journaux. Pour la presse, nous ferons une entorse à la loi (ou alors nous modifierons carrément la loi si les mêmes stratagèmes sont utilisés par ailleurs, notamment pour la corruption) qui donne un délai de paiement aux fournisseurs. Les administrations devant désormais payer à l’avance les communications publicitaires qu’elles feraient dans les médias (y compris non écrits), y compris les médias officiels.

4) Aide publique et tolérance administrative

Ici, nous élargissons le propos à tous les types de média traditionnels: Presse écrite, radio et télévision. Ils doivent pour exercer en tant que média s’acquitter d’un certain montant, a priori exorbitant puisque la plupart de ces médias ne le font pas. On assiste alors à ce que l’on appelle tolérance administrative. Par ce concept, les médias peuvent exercer sans s’acquitter de ce montant. Mails ils restent alors à la merci des autorités qui peuvent les fermer sous prétexte administratif dès lors qu’ils deviennent par trop insoumis.

Un autre moyen de tenir les médias est la répartition de l’aide publique aux médias. Celle-ci est soumise à des critères relativement flous. Un exemple récent ici http://www.quotidienmutations.info/aout/1281424011.php

Nous sommes contre cette aide publique étant données les autres mesures censées améliorer les revenus des organes de presse. Nous abolirons aussi le régime de tolérance administrative en réduisant significativement le montant dont il faut s’acquitter. Nous faisons remarquer que ces sommes ne sont certainement pas d’une nécessité absolue vu qu’actuellement très peu d’organes s’en acquittent et que nous prévoyons en outre d’abolir l’aide publique.

Nous pensons ainsi avoir des média responsables et moins serviles. Pour une information de meilleure qualité.

 

Après avoir parlé du financement, nous parlerons maintenant des droits indispensables au bon exercice du journalisme.

5) Accès à l’information officielle

Cameroon-Tribune est actuellement le journal officiel. Ceci signifie que tous les actes et informations officiels y sont automatiquement publiés. Si nous sommes d’accord sur les actes officiels (résultats d’examen, promulgation de décrets, etc.), nous pensons que la presse privée doit aussi avoir accès à l’information officielle. C’est pourquoi tout gestionnaire d’une structure officielle qui voudra communiquer en tant que tel (déplacement, conférence de presse, etc…) devra convier au moins trois média différents parmi les média « habilités » (voir définition plus bas). Il ne pourra plus accorder une interview individuelle deux fois de suite au même organe de presse. Ainsi nous aurons plus d’organes de presse ayant accès à l’information officielle.

6) Droits par rapport aux délits de presse.

Les journalistes ont la liberté d’opinion, et par là, le droit de publier n’importe quelle opinion qu’ils auraient ou qu’un de leurs contributeurs auraient.

Les journalistes ont le droit de publier toutes les informations qu’ils estiment avérées, même si les sources sont classées « secret défense ». Les autorités ayant connaissance de la possession ou de la publication de ces informations peuvent demander à un organe de presse de surseoir à la publication ou des informations sur leurs sources. Les journalistes sont libres de refuser de collaborer.

Un journaliste ne peut être poursuivi pour détention d’un document qu’il entendait utiliser dans le cadre de son travail de journaliste.

Un journaliste ne peut être obligé de citer ses sources.

Quelque soit la faute commise (voir la rubrique devoirs) un journaliste ne peut être incarcéré (même en provisoirement) pour ses activités de journalistes.

 

Penchons nous maintenant sur les devoirs. Nous pensons qu’il est important de s’attarder sur ce point étant donné la quantité de fausses informations, de diffamation, d’atteintes à la vie privée que l’on peut retrouver dans la presse camerounaise.

7) Séparation entre faits et non-faits

Nous appelons « faits », une occurrence que le journaliste estime avérée. Nous mettons aussi dans cette catégorie des propos dont la source est identifiée, ainsi que les opinions. Exemples : Le chef de l’Etat s’est rendu à Ngaoundéré (s’il s’y est bien rendu). M Untel déclare que le chef de l’Etat a mangé du Ndolè ce midi (ici il est avéré que monsieur Untel a déclaré cela). Marcel EBENE est un connard (opinion).

Nous appelons « non-faits », les rumeurs, les opinions, les propos de sources non identifiées. Exemples : Des sources bien introduites signalent que le chef de l’Etat a plutôt mangé du poisson (ici les sources peuvent être n’importe qui, donc ne pas exister par exemple). Il paraitrait que le chef de l’Etat préfère en fin de compte le Nkui (rumeur).

Nous faisons cette distinction parce qu’ainsi la responsabilité des propos est bien mise en évidence. Pour les « faits », l’auteur est identifié (et peut être poursuivi le cas échéant) et les opinions ne sont pas interdits. Pour les « non faits », la responsabilité incombe au journal vu que les auteurs ne sont pas identifiés.

Nous demanderons que les journaux fassent une différenciation de style identifiable entre les faits et les non-faits (par exemple les un en gras ou en italique, et les autres pas. Chaque journal étant libre de choisir la forme qu’il veut). Pour que le lecteur sache clairement. Ceci concourt selon nous à l’amélioration de la qualité de l’information.

8) Sanctions

Quiconque s’estimant lésé (diffamation ou atteintes à la vie privée) peut intenter une action en justice contre

-          L’auteur identifié d’un fait

-          Le journal s’il s’agit d’un non fait.

Si l’auteur n’est pas un journaliste, nous avons là un problème classique de diffamation. Si l’auteur est un journaliste ou le journal, la sanction ira d’une journée d’interdiction de publication à trois journées d’interdiction. La graduation étant effectuée par le juge. Chaque journal tenant alors un compte du nombre de jours dans l’année où il a été empêché de publier. De la sorte les journaux auront un intérêt clair et certain (car financier) à exercer les bases de l’information, à savoir vérifier ses sources, double-checker l’information avant de la publier et préférer les faits aux rumeurs. Pour une information de qualité.

Il n’y aura pas d’indemnités versé à la personne ayant intenté l’action en justice. Les personnes qui par le passé ont-elles mêmes étalé leur vie privée dans les média ne pourront pas intenter d’action pour atteinte à la vie privée.

9) Média habilités.

Nous appelons media habilités, les médias qui auront au cours de l’année précédente eu moins de 10% de jours d’interdits de publication par rapport aux jours de publication. Soit moins de 22 jours environ pour un quotidien et moins de 5 jours pour un hebdomadaire. Nous considérons qu’un média qui a plus de 10% de jours interdits selon la règle énoncée plus haut est un média qui ne vérifie pas ses sources, qui propage des rumeurs, qui porte des accusations mensongères, bref un journal n’étant pas de qualité. Il ne sera donc pas éligible pour travailler avec les administrations officielles. A titre d’exemple, et d’après une observation personnelle et rapide, les journaux comme Cameroon-Tribune, Mutations et le Jour, sont des journaux qui seraient habilités. Un journal comme Le messager ne le serait pas, dans l’état actuel des choses.

 

Eventuels effets de bord :

Une presse libre et responsable.

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