Donny Elwood est un parolier camerounais qui a réussi à s’imposer sur la scène musicale camerounaise des quinze dernières années, malgré seulement deux albums sortis dans les cinq premières années de cette quinzaine. Si malgré cette production relativement peu abondante il a réussi à occuper cette place, c’est sans aucun doute grâce à la qualité de ladite production.

Ce que nous nous proposons de faire dans le présent article, c’est d’analyser son œuvre, les thèmes qu’il aborde et ce qui constitue véritablement son originalité.


Pour commencer, nous allons parcourir ces des deux albums, titre par titre. Pour chacun, nous observerons le thème abordé, le rythme musical, et les divers éléments que nous pourrons relever. Tenons quand même à préciser que nous ne sommes pas expert en instruments de musique, l’analyse ne portera donc généralement pas sur cet aspect.

 

Albums

-                     Négro et beau (1997) : C’est avec cet opus que Donny a déboulé sur la scène Camerounaise, et même africaine, tant les paroles peuvent déclencher le sourire et provoquer la réflexion chez tous ceux qui peuvent entendre et comprendre les paroles. Les titres  phares de cet album sont « Négro et beau » et « Pygmée », ce dernier lui ayant valu d’être pris pour un Pygmée très longtemps. Analysons maintenant cet album.

 

o   Négro et beau

Qui sont ceux qui ont dit que les Noirs sont laids ? Donny en tout cas est Négro et il est beau. Il est Négro, et s’assume, avec toutes les particularités physiques que cela entraine : peau noire, narines épatées, cheveux crépus. Les Négros se retrouvent en général en Afrique, dans la pauvreté, qu’il convient aussi d’assumer. Par contre les préjugés, il convient de les combattre, en donnant des contre-exemples, comme Donny lui-même, mais aussi comme tous ces négros que l’on peut retrouver dans ces villes qui se terminent en O, car le O est la rime choisie dans ce morceau. A noter que Donny n’est pas beau parce qu’il est Noir, mais il est beau ET il est Noir, ce qui éloigne tout doute sur un éventuel ethnocentrisme. Il s’agit juste d’un appel à s’assumer. En PNL on appelle cela assertivité. A noter aussi qu’il refuse de prendre position politique, en listant comme modèles, un ensemble de figures africaines, ayant parfois eu des visions complètement opposées, présidents, ex présidents et résistants : Lutte contre les préjugés

§  http://www.bonaberi.com/tv,donny_elwood_-_negro_et_beau,202.html

 

o   Cousin Militaire

Le narrateur est ici un pauvre hère, malgré sa maîtrise des règles grammaticales de base (bijou caillou joujou, Mais ou et donc or ni car, etc.) d’un quartier populaire d’une grande ville du Cameroun. Pauvre hère avec tout ce que cela comporte. Maison spartiate, nourriture frugale, mais famille hélas trop continuellement en agrandissement, du coup pauvreté encore plus grande. Pauvre hère qui pour survivre est contraint de compter sur son cousin, plus fortuné, militaire de son état. De temps en temps il lui donne en effet « un bout de pain et de la sardine et un peu de riz, et bien sûr l’argent de la bière». Du coup ce cousin est extrêmement précieux. Il ne faudrait pas que la guerre fratricide et suicidaire qui  sépare le Cameroun du Nigéria nous l’enlève : Pauvreté, solidarité, Guerre de Bakassi, Pertinence du système scolaire

§  http://www.bonaberi.com/tv,%5Baudio%5D_donny_elwood_-_mon_cousin_militaire,203.html

 

o   Akao Manga

Ca, c’est l’histoire d’Akao Manga. Un ex riche qui avait oublié d’être chiche quand il en avait encore les moyens. Akao manga est devenu pauvre. Il a constaté que les autres savaient oublier ses largesses d’antan. Famille, épouse et amis ont disparu. Et ne l’évoquent plus qu’avec dédain quand ils le croisent. Akao Manga n’a pas fini de pleurer, anciennement aimé de tous, aujourd’hui abandonné de tous : Ingratitude, Possessions matérielles éphémères.

Le morceau a plusieurs rythmes différents, des passages en langue Béti, des passages « parlés », d’autres chantés, bref un subtil mélange pour cette chanson qui fera indubitablement réfléchir sur le caractère éphémère des choses de cette vie.

§  http://www.bonaberi.com/tv,donny_elwood_-_akao_manga_live,571.html  

 

o   Izazou

Izazou est une fille que le narrateur aime bien, mais qu’il risque bien de perdre. On devine qu’il ne le veut pas. Il est lucide, sait que quand les bisous, les yeux de hiboux, les mots d’amour et les brins de cour se font rare, c’est que la perpétuation de l’idylle est mal engagée. Il aimerait au contraire qu’ils continuent à se dire  « Izazou, soubgou mou » (Izazou, rapproche-toi de moi) : Chanson d’amour.

Le rythme est un peu inhabituel, une espèce de Blues avec de jolies rimes en « Ou ». On devine le plaisir que l’auteur a dû prendre en explorant cette voie qui change de son un peu plus habituel Bikutsi de cet album. On en redemande.

§  http://www.bonaberi.com/tv,%5Baudio%5D_donny_elwood_-_izazou,205.html

 

o   Pygmée

D’une voix légèrement trainante, le narrateur nous présente la vie de ses congénères Pygmées. La vie dans la forêt, la simplicité, les vêtements faits d’écorce, bref le mode de vie quasi antique qu’ils ont su préserver. Mais vient aussi le contact avec les autres, les non Pygmées, les civilisés. Qui disent venir pour leur donner des vêtements (usés), les protéger des maladies avec des vaccins inconnus jugés inutiles. On comprend vite que leur venue n’est motivée que par leur propre intérêt, pour obtenir une nomination, pour gagner un match de foot car les pygmées sont réputés grands sorciers. Le narrateur conclut sur le danger de disparition de ce groupe et de leur mode de vie. La civilisation n’est pas toujours là où on croit : Discrimination des Pygmées, superstitions

Du point de vue du rythme, nous avons affaire à une chanson chantée, avec un rythme caractéristique de Donny rappelant le bikutsi. Vous pouvez vous faire votre propre opinion…

§   http://www.bonaberi.com/tv,donny_elwood_-_pygmee,206.html

 

o   Annabella

Sainte Annabella. Celle là que tous les malheurs ont frappée: Décès de sa mère lors de sa naissance, orpheline à l’adolescence et veuve cocue. Que de malheurs, mais Annabella ne se révolte pas. Annabella ne se laisse pas abattre. Elle est bonne. Elle regrettait toutes les insanités qu’on lui aurait pardonnées et qu’elles avaient proférées lors de moments difficiles. Bonne croyante. Elle suscite l’admiration de tous, y compris du soleil. Sainte Annabella : Une vie simple.

Pas la plus connue, mais certainement l’une des plus puissantes. Là encore un mélange de styles différents. Si l’instrumental joue du Bikutsi derrière, Donny varie les rythmes de parole, avec un intermède où il imite le bruit du tam-tam qui vous plonge tout de suite dans les veillées autour du feu, au village. Du grand art.

§   http://www.bonaberi.com/tv,donny_elwood_-_anabella_live,572.html

 

o   Odontol

Ode à un ami qui s’appelle Odontol. Cet alcool artisanalement distillé qui cause tant de dégâts (bagarres, accidents, décès, cirrhoses, etc.), que l’Etat a essayé tant bien que mal d’interdire. Sans succès. Le seul dénominateur commun du peuple, qui réunit gendarmes et brigands, pauvres types et fonctionnaires. S’il te plait Odontol arrête tes dégâts : Méfaits de l’alcoolisme

Ici, le style est différent. Si l’instrumental est reconnaissable, Donny adopte cette fois ci une chanson parlée. Il ne chante pas mais raconte une histoire. Le tout de manière très harmonieusement mélancolique.

§  http://www.bonaberi.com/tv,%5Baudio%5D_donny_elwood_-_odontol,208.html

 

o   Salomé

Le narrateur a vraiment vécu une bien drôle d’histoire. Alors qu’il ne demandait rien d’autre que de se reposer, malgré les moustiques mais avec un bon plat de nouilles dans le ventre, il vient être perturbé par une inopportune visiteuse. Salomé, fagotée de manière à ce que l’on devine ses intentions. Il n’a pas très envie notre narrateur, c’est en tout cas ce qu’il dit rétrospectivement, mais il est obligé, vous savez ce que c’est, une réputation à défendre dans le quartier. Réputation que Salomé a quand même salopée, car notre héros n’a pas comblé la donzelle. Il se trouve des excuses (la fatigue, l’odeur de la belle, etc.) mais finira par avouer que c’est parce que ce n’était pas la bonne personne (Dorothée). Quel romantique ! Tranche de vie dans un quartier populaire.

Quand il parle moustiques et d’anophèles et de leur orchestre philarmonique, il y a un instrument (du violon ?) qui mime le bruit des moustiques sans rompre le rythme de fond du morceau. Rythme instrumental Bikutsi, chanson chantée avec des passages parlés. Comme d’habitude, harmonieusement accordés.

§  http://www.bonaberi.com/tv,%5Baudio%5D_donny_elwood_-_salome,209.html

 

 

 

 

Le second album et la conclusion dans un prochain article.

Apologie anthologique de Donny Elwood (part 2)

 

   

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