Que faites-vous quand vous avez trois heures à tuer dans un train? Il peut arriver que comme moi vous regardiez un film. Et que faites-vous quand plus d’un an plus tard, vous refaites ce voyage et que vous constatez que vous n’avez pas renouvelé les films présents dans votre PC ? Et bien, vous regardez de nouveau le film sus-cité. Dans mon cas, le film était « L’invention du mensonge »

https://fr.wikipedia.org/wiki/Mytho-Man

Il s’agit d’un film qui décrit un monde où le mensonge n’existe pas. Absolument pas. Personne ne ment, et personne n’a même l’idée de le faire. Ce qui donne des situations cocasses. Vous êtes par exemple éconduit sans aucune « forme » par une belle qui dit au téléphone pendant le rencart, que vous êtes un peu gros et avez l’air pauvre. Il y a comme autre exemple, pas de cinéma, vu que les fictions découlent de l’imagination. Et imaginer c’est ne pas parler du réel, c’est donc mentir. Ce qui fait que l’équivalent des stars de cinéma de notre sont monde sont là-bas, les historiens qui relatent les faits passés. Le meilleur étant celui qui hérite du siècle avec le plus d’évènements et qui les raconte avec le plus de brio. A réfléchir si un monde sans mensonge est vraiment un monde rêvé

Notre héros fait ce métier de narrateur, mais il a hérité d’un « mauvais » siècle, et il faut l’avouer n’a pas beaucoup de charisme. Il se fait donc virer, et va bientôt se faire expulser de son appart quand il passe à la banque récupérer son solde. Le système informatique ne fonctionnant pas, la préposée lui demande quel est son solde (remember, on ne ment pas). Et là, bug dans son cerveau ! Au lieu de dire 300, il dit 800. Et ça passe. Mais alors qu’elle veut lui donner les sous, le système se remet à marcher. Elle voit alors que le solde est de 300 et pas de 800. Elle en conclut que c’est la machine qui a fait une erreur, et s’en excuse.

Il se rend compte de son pouvoir. Et comme il est plutôt un bon gars, bien qu’il arrange sa situation (récupère son poste en inventant une fausse histoire avec rebondissements, récupère son appartement, etc.) il utilise surtout ses mensonges pour faire du bien : à un mendiant, à des dépressifs, et surtout à sa mère. Sa mère mourante, qui panique à l’idée de plonger dans le néant. Sa mère à qui il dit qu’elle n’ira pas dans le néant, mais dans un endroit merveilleux où elle aura son château à elle, sans plus aucune souffrance. Il invente le paradis. Pour l’apaiser. Et comme le mensonge n’existe pas, elle le croit et elle meurt heureuse. Si l’on fait la transposition dans notre monde (et pourquoi ne le ferions-nous pas ?), le paradis serait l’endroit qui nous permet de supporter les souffrances de ce monde tout en nous garantissant un après-mort heureux.

Le film aurait pu s’arrêter là, mais des infirmières l’ont entendu raconter cette histoire, en ont parlé, et le lendemain, toute la terre (littéralement) était à sa porte pour en savoir plus sur cet endroit où chacun aurait son château. Et voilà notre héros obligé de réponde à une pléthore de questions. Quelles sont les modalités pratiques de ces châteaux ? Et lui de résumer : c’est le grand homme là-haut qui est la cause de tout ça. Cette cause se fait alors appeler « l’Homme là-haut ». Dans notre monde, nous disons Dieu. Notre héros est alors son représentant. Dans notre monde nous disons prophète.

Je vois déjà venir les remarques disant que ce n’est pas parce que dans le film Dieu a été inventé comme cela. Que ce n’est pas parce que dans le film le paradis est inventé pour rassurer sur l’après–mort que dans la réalité ce fut le cas. Qu’à cela ne tienne, passons et revenons dans le film. Les gens dans ce mondent ne doutent pas que notre héros disent la vérité. Puisque dans ce monde « on ne ment pas ». S’il parle de l’homme là-haut avec ses châteaux qu’il donne généreusement, c’est que celui-ci existe. Et c’est forcément vrai puisque le mensonge n’existe pas.

Vraiment ? Si quelqu’un est sincère, est-ce pour autant que ce qu’il dit est vrai ? Par exemple, celui qui depuis tout petit sait que vendredi 13 porte malheur a t’il raison quand il l’affirme ? Ou plus sérieusement, les adeptes de diverses religions qui par exemple sur le sujet de la vie après la mort (rien, paradis, réincarnation, etc). On trouvera des gens sincères qui feront des affirmations contradictoires. Forcément ils n’auront pas (au moins pour certain d’entre eux) raison.

Que faire alors ? Je propose de demander à celui qui fait des affirmations « comment sais-tu cela ?» Cette question a le mérite de détourner du sujet de la personne émettrice pour se focaliser sur le message. On évite les « tu me traites de menteur ? ».

Dans le monde sans mensonge du film, la réponse pourrait être « le grand homme m’a parlé ». Oui mais l’as-tu bien compris ? « J’ai trouvé un manuscrit inédit ». Oui, mais celui qui l’a écrit, comment le savait il ? Et ainsi de suite. On aboutira forcément à un examen de la cohérence dudit message avec lui-même et avec ce que l’on sait de la réalité. Sans accuser quiconque de mensonge.

Dans notre monde, cela pourrait se traduire pêle-mêle par

  • Comment sais tu que l’homosexualité est une abomination ?
    • Parce que Dieu l’a dit
    • Comment sais tu que Dieu l’a dit ?
    • Parce que c’est écrit dans la bible
    • Comment sais tu que ce qui est écrit dans la bible est la vérité
    • Parce que la bible est la parole de Dieu
    • Comment sais tu que la Bible est la parole de Dieu
    • Parce que c’est écrit dans la bible, euh, non parce que on me l’a enseigné
    • Ok, mais celui qui te l’a enseigné (et ceux qui lui ont enseigné), comment ils savent ?
    • Je ne sais pas, je n’étais pas là

 

Ceci est un exemple, ça marche avec tous les thèmes, les religions, les traditions, la morale, etc. Et la question du comment nous oblige à examiner le fond des affirmations, à en évaluer leur plausibilité de manière à ce que si on en vient à dire « Je crois en ceci », il faut qu’on y croit non pas parce quelqu’un nous a dit que, ou que l’on a lu que, ou que l’on nous a toujours dit que, mais uniquement parce qu’on y a réfléchi (en confrontant la croyance à la réalité, en en évaluant la cohérence, etc.), et que l’on adhère réellement.

Et ça ne voudra toujours pas dire que c’est la vérité, mais au moins l’autre qui vous écoute pourra facilement dire « c’est votre opinion » sans que vous vous en offensiez….

 

Retour à l'accueil