Philosophies quotidiennes de KINI Max: Celui qui regarde l'horizon ne voit pas la prairie devant lui...
14 mai 2011Amies Kiniennes,
Amis Kiniens,
Bonjour
Quelle joie ! Quelle joie de vous retrouver pour pouvoir vous livrer de nouveau la sagacité de mon esprit pour votre bon plaisir. Et pour quoi ? Comme d’habitude pour vous expliquer un proverbe et vous narrer quelques histoires.
Vous savez, chez moi au Cameroun, nous avons la chance une diversité de reliefs extraordinaire. Des savanes arides aux forêts giboyeuses, des plaines aux montagnes occidentales de notre beau pays. Ah mes amis, si comme moi, vous avez eu l’occasion d’atteindre le sommet d’un de ces hauts plateaux de l’Ouest, vous savez de quoi je parle. D’un de ces points, l’horizon vous apparaît dégagé, et vous pouvez vous projeter loin, vers le prochain sommet.
Ce qui nous amène directement au proverbe du jour : Celui qui regarde l’horizon ne voit pas la prairie devant lui ; Qui signifie, comme moi qui regardais les autres sommets en m’y projetant en oubliant les multiples embuches que j’aurais si je m’y rendais effectivement, que se focaliser sur l’horizon et les objectifs lointains fait parfois oublier le quotidien, et les obstacles qui nous entourent et nous séparent de l’objectif. C’est donc un appel à la lucidité. Et quand on parle d’appel, est ce que tout le monde entend ?
Mon ami Kammo avait bien entendu cela. Il n’avait jamais eu beaucoup de joies. Jamais un boulot stable et pérenne, aucune fille n’ayant jamais voulu s’installer avec lui, et il n’avait jamais plus d’argent qu’un rat de bénitier. Ce n’était pas facile de s’en sortir quand l’on n’avait pas quelqu’un pour vous aider. Un jour il en eut marre. Il décida de prendre son destin en main. Il vint me voir et me dit qu’il allait consulter la sorcière du quartier. Une vielle dame repoussante, complètement amochée par la vie et une collision frontale avec un train aurait on pu dire, 70 ans passés, qui vivait dans un taudis puant. Elle avait la réputation d’être un peu sorcière sur les bords et de temps en temps, une femme jalouse, une élève désireux de réussir un examen sans travailler, etc. Kammo me dit qu’à défaut de grive, on mange des merles. Il irait donc la voir. Cela ne pouvait pas être pire après qu’avant. Il alla donc.
A peine arrivé, elle lui tint à peu près ce langage : « Mon petit, si tu veux décrocher un bon boulot, avoir une jolie copine et de l’argent, il va te falloir consentir un petit sacrifice ». « Tout ce qu’il faudra madame ». « Ce qu’il te faudra faire, c’est de coucher avec moi, et dès demain matin, en sortant d’ici, ta situation se débloquera ».
Kammo avait des objectifs, il regardait l’horizon. Il vit à quelle prairie il avait affaire, et décida résolument de s’y engager. Il accepta l’offre. Ils passèrent la nuit dans le minable taudis. Ce qu’ils firent, qui cria le plus, je ne vous le dirais pas (même si je savais), mais ce qui est certain, c’est que le matin arriva. Kammo se réveilla à 10H. Il vit que concrètement, sa vie n’avait pas encore changé. Il demanda à la vieille dame
- Mais, je m’en vais déjà, ma situation se débloque quand ?
- Tu as quel âge ?
- 27 ans.
- Et à ton âge, tu crois encore aux sorcières ? Vraiment, les enfants d’aujourd’hui.
Kammo venait d’avoir été roulé dans la farine. Quand il me raconta cela, je m’apprêtais à le plaindre quand il me dit « Gars, tu sais, on dit que c’est dans les vieilles marmites qu’on fait la meilleure sauce, la vieille là sait y faire, je crois que je vais repartir la voir ». Il repartit, elle l’accepta, et ils entamèrent une vie de couple. A défaut de résoudre tous ces problèmes, il avait au moins une copine maintenant .
Kammo vous disais je, entendait l’appel à regarder la prairie avant l’horizon. Mais ce n’était vraiment pas le cas de Latifa. Latifa était une jeune fille brillante qui ne se prenait vraiment pas pour de la merde. Elle avait des idéaux moraux et réprouvait assez sévèrement ceux qui s’adonnaient à la frivolité, à la vulgarité et à la bestialité. Sa parole était sacrée, d’abord pour elle-même. Si vous lui disiez qu’elle avait menti ou n’avait pas tenu une promesse, elle était capable de se suicider. Suivre ses propres préceptes, c’était là son horizon.
J’ai failli oublier de dire qu’elle était très belle. Et tous dans notre classe de l’époque, désespérions de sortir avec elle, de coucher avec elle ou même d’avoir un simple regard ami. Nous n’étions pas assez bien pour elle. Nous désespérions tous, sauf Mengue (qui n’était pas le plus beau, ni le plus riche) qui vint nous dire que lui arriverait à avoir un geste de la belle, et ce devant nous. Les paris furent pris.Un matin, avant le début des cours, il aborda Latifa.
- Salut, j’aimerais que tu m’embrasses goulument devant tout le monde et que tu me laisse te peloter.
- Quoi ? fit-elle avec une moue de dégout (il n’était vraiment pas beau). Je demande hein, tu es fou ? Tu m’as bien regardée ?
- Allez! Bon, je te donne 4 bonbons alcoolisés.
- Non, j’ai dit.
- Tu es coriace hein. Bon je t’offre une place de cinéma et un bon restau.
- Non j’ai dit, merde à la fin !
- Pour combien tu accepterais de le faire ?
- Pour rien. Merd…
Mengue leva les bras en signe de victoire. La belle venait d’accepter ses propositions « pour rien », c’était là ses propres mots, nous en étions tous témoins. Et comme il fallait qu’elle atteigne son horizon, qu’elle tienne ses principes et sa parole, elle se devait de passer par une prairie a priori difficile. Il l’attira à lui et l’embrassa goulument en mettant ses mains un peu partout. Ce n’est que l’arrivée du prof pour le début du cours qui mit fin à leurs étreintes. J’ai dit a priori parce que, la vie étant ce qu’elle est, Latifa prit apparemment goût. Et c’est donc ainsi que Mengue le prolétaire sortit avec Latifa, la fille d’en haut. Pour leur plus grand bonheur à eux deux.
Je vous pose la question, chers lecteurs, est il certain qu’il faille regarder la prairie ?
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