La crise ivoirienne fait parler dans les chaumières, et ce, un peu partout dans le monde. Notamment en Afrique et chez les Africains. Pour rappel, le second tour de la présidentielle a eu lieu le 28 Novembre 2010. La CEI, commission électorale indépendante a proclamé Alassane Ouattara vainqueur avec 54.10% des voix contre Laurent Gbagbo. Le conseil constitutionnel, organe qui selon la constitution soit valide les résultats et proclame le vainqueur, soit invalide le scrutin (pour qu’il soit repris), a annulé le vote dans sept circonscriptions parmi les plus fidèles à Ouattara (cf premier tour validé par toutes les parties), donnant ainsi comme vainqueur Gbagbo. Ce qui laisse à penser que le résultat proclamé par la CEI n’est pas à remettre en cause, puisqu’il a fallu annuler les circonscriptions Ouattaristes pour que Gbagbo puisse gagner (et avec 51% des voix). Le représentant de l’ONU a proclamé Ouattara vainqueur en validant les résultats de la CEI et en rappelant que selon les accords (Pretoria il me semble) de 2005, toutes les parties se sont engagées à reconnaitre que l’ONU aurait le dernier mot quant à la validation des résultats.


Dans la suite du développement, je pars donc du principe qu’Alassane Ouattara est celui qui à l’issue du vote, a reçu le plus de votes, exprimé honnêtement ou par fraude. Si c’est la fraude qui lui a donné le plus de votes, le scrutin doit être repris. Sinon, il devait être déclaré vainqueur. Gbagbo ne peut donc pas avoir eu le plus de suffrages exprimés. Que Ouattara ait triché ou pas. Je pense que ce point fait plus ou moins consensus.


Mais ce point n’est qu’un aspect des choses. Aujourd’hui, il y a deux présidents, et d’ici deux ou trois mois, il n’y en aura plus qu’un seul. Celui-ci ne sera pas forcément celui ayant eu le plus de votes, mais celui qui, tout simplement, aura gagné le rapport de forces actuels. Cela s’appelle la Realpolitik. Ceci est donc une seconde chose.


Mais ce qui m’intéresse particulièrement, c’est la réaction des Camerounais qui supportent Gbagbo. Pour l’immense majorité de ceux-là, le consensus dont je faisais part plus haut est toujours de mise. La question n’est pas pour eux de savoir si Gbagbo a remporté le plus de voix, mais il faut que ce soit lui qui soit le président. Ces Camerounais là sont de deux types.


-          - Les anti-occidentalistes ou les ultra-panafricanistes, c’est selon comment on regarde : Pour eux Gbagbo symbolise la résistance au néo-impérialisme occidental, européen (français pour le dire clairement) et américain. Est-ce à des étrangers de venir dire qui est président de la Côte d’Ivoire ? N’est ce pas Gbagbo qui seul, a refusé d’aller au sommet des chefs d’Etat africains pour le 14 Juillet ? Contrairement à la plupart de ses homologues africains qui ne seraient que des béni-oui-oui des occidentaux. Gbagbo doit être soutenus parce qu’il symbolise le futur réveil de l’Afrique. Voilà leurs arguments. Seulement, la plupart de ces gens, dans leur propre pays (ici le Cameroun) sont aussi les chantres de la démocratie dans la mesure où ceux qu’ils appellent leur tyran (le chef d’Etat du pays en question, celui qui est affidé aux occidentaux) est forcément là de manière illégitime (fraude aux élections, etc.). Dans ces cas là, à toute les élections, ils hurlent d’avance et a posteriori aux fraudes électorales, ils menacent même de boycotter les élections si Elecam n’est pas refondé, etc. Et ce sont ces idéaux qui sont ici bafoués (puisque Gbagbo n’a pas atteint le plus de voix) sans vergogne, la « lutte contre l’impérialisme » l’emportant sur tout.


-          - Les RDPCistes ou affidés du pouvoir : Pour eux, il faut avant tout se placer sur l’autel de la légalité. Que dit la constitution ? Que c’est le conseil constitutionnel qui décide. Alors. Vous voulez quoi d’autre ? le conseil constitutionnel a décidé. Point barre. Voilà leurs arguments. Arguments qui sont très utiles quand il s’agit de modifier la constitution (mais mon bon ami, nous en avons le droit, c’est écrit dans la constitution), ou de valider rapidement les résultats de telle ou telle élection (je vous dis que nous avons eu 39% et le leader de l’opposition 35%, c’est ce que la loi nous dit, puisque la cour suprême a tranché). Seulement, puisqu’il faut supporter Gbagbo, ils tombent eux aussi dans les arguments anti-occidentalistes du style du premier groupe, mettant donc ainsi dans le même panier leur président bien aimé avec les « larbins de l’occident » décriés par les premiers. Eux qui habituellement louent la sagesse, la grandeur d’esprit du « grand timonier », sont donc prêts à dire que le chef n’est qu’un enfant à la solde des autres.

 

C’est cette impasse intellectuelle des deux camps qui me faisait sourire, surtout quand on pense que l’année 2011 se clôturera par des élections présidentielles au Cameroun. Gageons que l’on sait déjà qui gagnera, et qui pleurera, oubliant les appels à la reconnaissance de la « légalité » qui pleuvaient en fin 2010.

 

Terminons avec la citation suivante de John Fru Ndi, président du SDF

http://cameroon-info.net/stories/0,27827,@,tete-a-tete-les-revelations-de-john-fru-ndi.html  

Bien sûr, en 1992, je m’étais soumis aux dispositions constitutionnelles. Quand la Cour suprême avait déclaré Monsieur Biya vainqueur parce que leurs mains étaient liées, je l’avais accepté pour sauver la paix et cette communauté internationale et même la France n’avaient pas réagi. Dans la même lignée, le code électoral ivoirien dispose que les résultats définitifs des élections seront proclamés par le Conseil constitutionnel après examen de tous les cas de litige. Ce qui a été exactement fait. D’où notre consternation vis-à-vis de la communauté internationale qui a décidé d’ignorer la légalité. 

 

Voici donc un monsieur qui dit que dans sa grandeur d’âme, il a accepté les résultats de 92. Ce qu’il oublie de dire, c’est que le rapport de force (cf realpolitik dont nous parlions plus haut) a été en sa défaveur. S’il avait été soutenu, il aurait accepté avec plaisir le poste de président. Et s’il militait tant pour la légalité, il accepterait aujourd’hui Elecam qui est voté sans exiger la modification de 11 points pour prendre part aux élections. Gageons aussi que le message contenu dans sa dernière phrase (trichons si on veut, l’essentiel est de proclamer ce qu’on veut par l’organe légal) en gras saura être entendu par qui de droit, et que lui, à ce moment là ne se reconnaitra plus dans ces propos.

 

Amis d’aujourd’hui. Ennemis de demain. A coup sûr…

 

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