Plusieurs parmi les Camerounais de la diaspora (Camerounais ou ayant acquis une autre nationalité) aiment leur pays. Mais bien sûr, plusieurs parmi eux y sont devenus complètement indifférents, voire en sont à être rebutés quand on aborde ce sujet. Pourtant tous à un moment ou à un autre ont fait partie de la première catégorie, à savoir qu’ils l’ont aimé, et qu’ils y ont souvent pensé nostalgiquement avec tendresse. Quelque soit la manière avec laquelle ils ont atterri à l’étranger.

Le but du présent article est donc de parler de cette seconde catégorie, et des raisons susceptibles de pousser certains à la désaffection de leur terre natale.

 

Il est deux types de Camerounais résidant dans la diaspora : Celui qui rentre fréquemment, et celui qui ne rentre pas fréquemment ou qui rentre après un long temps d’absence. Commençons par ce second type.

Cette personne comme tout le monde, et même s’il a vécu dans la plus terrible des galères quand il était au Cameroun, commence par se souvenir des bons moments qu’il y a quand même passés. Il fantasme sur son éventuel retour et comment ça se passera bien avec ses potes, comment ils revivront les ambiances d’antan. S’il s’agit d’un jeune qui est parti pour ses études, il se peut que bon nombre de ses amis aussi soient partis à l’étranger. Auquel cas, soit ils peuvent s’y donner rendez-vous, soit cet attrait là sera faible. Voir la famille (élargie) est certes bien, mais ce n’est pas avec elle que l’on fait l’ambiance. Ceci est le premier risque : Je vais rentrer, mais il y a même encore qui là-bas ?


Tant que la personne n’est pas rentrée, quels sont les échos qu’elle a du Cameroun ? De bonnes nouvelles (telle cousine a eu un bébé, tel neveu a eu le Bac, tel s’est marié), mais aussi, hélas au goût de certains, beaucoup de sollicitations. Tel est malade. Tel a besoin d'argent pour faire ceci. Tel a tel problème. Un tel est mort. Souvent. Très souvent. Tous ces problèmes sont remontés à notre expatrié. En dehors de ces problèmes personnels, quels autres échos peut-il avoir ? Certes le récit de ceux qui y sont allés et ont aimé, mais aussi, ceux qui ont vécu une expérience négative. Les news, toujours négatives de la situation au Cameroun que l'on peut lire dans la presse. Ceci est donc le second risque : Que vais-je aller faire là-bas ? Il n’y a que de mauvaises nouvelles.


Une fois que notre héros rentre effectivement une fois au moins, il est confronté à un autre risque qu’il n’avait en effet pas forcément envisagé : Le décalage avec la vie locale.

En effet, avant son départ, il baignait dans un certain milieu. Il a été confronté à des difficultés, mais comme nous l’avons dit, il a aussi de bons souvenirs aves ses amis de l’époque.  Quand il rentre, que risque t’il de constater ? Que pour ses amis, il est désormais un mbenguiste. C'est-à-dire quelqu’un qui est censé disposer de plus de moyens qu’eux tous réunis. Il va tout d’abord être assailli (d’autant plus que son absence aura été longue) par les « Tu m’as gardé quoi ? ». Ce qui est sûr, c’est qu’il n’aura pas « gardé » à tous ceux qui lui demanderont. Soit il ressentira un sentiment de culpabilité, soit il percevra la déception de l’interlocuteur qui se dira « hum, il a changé hein », soit les deux.

Une fois cela passé, il se rendra compte que quand il organise des sorties avec ses potes pour revivre ses bon souvenirs ou pour s’en fabriquer de nouveaux, très souvent, c’est lui qui paiera. Il constatera que c’est « normal » pour ses amis que ce soit lui qui paie. Plus son milieu n’est pas aisé, plus c’est vrai. La plupart des Camerounais sont d’un milieu non aisé.

Il constatera aussi que le nombre de ceux qui lui « soumettent des problèmes » va croissant car si seuls ses vrais proches avaient son numéro de téléphone à l’étranger, il est accessible par beaucoup plus de monde quand il est au Cameroun. S’il satisfait tout le monde, le nombre continuera de croître. S’il ne le fait pas, et surtout si il s’y prend mal dans ses refus, tout le monde dira « il a changé, il n’est plus comme nous ». On assistera alors à un phénomène de double méfiance où il se méfiera de tout le monde en pensant qu’on veut le « gratter », et tout le monde se méfiera de lui en pensant « il pense qu’il est arrivé ».

On rencontre aussi les décalages sur la manière de voir la vie, d’être choqué par tel ou tel dysfonctionnements. Ce troisième risque (décalage avec les locaux) est l’un des plus importants, bien que j’aie l’impression qu’il soit souvent sous-estimé.

 

Si on réussit à franchir toutes les étapes sus citées (et à mon avis, ces obstacles sont mineurs. Ssi on arrive à mettre sa seule personne de côté en faisant primer le Cameroun, on y arrive très bien), on rentre dans la catégorie de la personne qui y retourne très souvent et/ou qui ne laisse pas rebuter par les « petites choses » évoquées précédemment. On pense y agir. Investir, faire des projets, aider, entrer en politique, rentrer, participer au développement du pays. Et en théorie, à ce stade on a compris et intégré les désagréments que l’on peut rencontrer.


Mais même à ce niveau, pour cette catégorie de personnes, on peut rencontrer un abandon voire un refus de continuer. Ces personnes tournent alors le dos au pays, mais pour des raisons qu’ils estiment meilleures que la première catégorie de personnes. Quelles peuvent être ces raisons ?

-          Vous voulez investir, et votre personne de confiance est la première à détourner votre capital, à corrompre un juge pour vous délester de l’ensemble

-          Vous voulez investir, vous pensez avoir un projet qui va changer la vie des Camerounais, et vous vous heurtez à l’administration, à la corruption, au népotisme. Vous ne comprenez pas comment « tous ces gens » ne pensent qu’à eux alors que vous aviez pensé au sort de tous ces Camerounais

-          Vous voulez changer les choses en politique, et vous êtes sidérés que les gens ne répondent pas à vos appels (pourtant de bon sens dites vous), et préfèrent continuer à baigner dans la médiocrité (dites vous encore)

-          Vous êtes effaré par les nombreuses aberrations que l’on peut rencontrer au Cameroun. Un jeune frère poignardé par des malfrats à 20H en pleine ville, un frère qui meurt bêtement parce que les moyens hospitaliers ne sont pas à la hauteur, votre vie ou celle d’un proche mise en danger par un chauffard sur la route. Par la destruction du domicile de votre oncle par la communauté urbaine alors qu’il y résidait depuis 20 ans, et ce sans proposition de relogement. Par cela et par d’autres choses.

 

On comprend alors que malgré la bonne volonté, malgré l’envie initiale, quelqu’un puisse dire STOP. C’est à ce quelqu’un là, c’est à moi, c’est à toi mon frère que je dis ce que je dis : Nous savons que le Cameroun n’est pas le paradis, qu’on y rencontre des choses invraisemblables, que les gens sont pauvres, nous savons tout ça. Et c’est pour cela que nous ne devons pas baisser les bras. Personne ne viendra changer le Cameroun à notre place. Personne. Mon frère, le Cameroun n’est pas le paradis, et c’est pour cela que nous devons d’autant plus nous engager pour qu’il tende vers le paradis que nous souhaitons. Sans renoncement.       

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