Il est communément admis que Jésus s’est sacrifié, pour nous « sauver », pour le « salut de l’humanité », etc. C’est même l’un des fondements de la foi chrétienne telle que perçue par la plupart.

J’ai souvent ressenti un malaise face à de telles affirmations, percevant une espèce de flou. Je me suis donc penché sur la question pour essayer de lever ce flou.

 

S’il y a un sacrifice, à quoi servirait-il?

 

Il servirait apparemment à racheter les pêchés des hommes, selon la donne bien connue des holocaustes et autres sacrifices que les Juifs appliquaient soit pour offrande, soit pour action de grâces, soit pour faire amende de pêchés commis, comme je l'ai montré dans l’article parlant de l'origine de la pratique du sacrifice.

Dans tous les cas, ces sacrifices étaient destinés à Dieu. Soit pour le remercier des bienfaits (actions de grâce) soit pour se faire pardonner, soit pour lui faire plaisir (offrandes, de plus les odeurs des holocaustes étaient censés plaire aux narines de Dieu). http://mebene.over-blog.com/article-holocaustes-et-sacrifices-dans-l-ancien-testament-47356189.html

 

Donc si le sacrifice de Jésus doit reprendre la symbolique juive, il faut bien que ce soit à Dieu que l'on (on qui? à voir) offre ce sacrifice. Posons donc certaines questions.


- que sacrifie-t-on? Pour ceux qui parlent de sacrifices, il est clair que c’est de la vie de Jésus. Certains ajoutent (sans réfléchir beaucoup à mon avis) que le sacrifice c’est aussi l'acceptation de terribles souffrances physiques. Il se trouve que Jésus, de part son passage sur terre n’a pas eu à souffrir plus qu’un autre. Avec un peu de cynisme, on pourrait dire, à en croire les évangiles qu’il a même souffert moins que les autres crucifiés de l’époque, car il a été aidé dans le transport de sa croix par exemple.  

Passons donc à sa mort (perte de sa vie). Dans sacrifice, l'objet sacrifié doit forcément se trouver dans une position inférieure après le sacrifice qu'avant. Or après sa mort, Jésus accède au royaume des cieux (toujours d’après les évangiles). Donc à une condition supérieure. Face à Pierre qui se proposait de se battre pour sa vie, il a répondu dans Matthieu

 

Citation:

16.25
Car celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui la perdra à cause de moi la trouvera


La vie terrestre n'a donc pas d'importance d'après lui. Que perdrait-il?


Et il a ajouté

Citation:


16.26
Et que servirait-il à un homme de gagner tout le monde, s'il perdait son âme? ou, que donnerait un homme en échange de son âme?
16.27
Car le Fils de l'homme doit venir dans la gloire de son Père, avec ses anges; et alors il rendra à chacun selon ses œuvres.

16.28
Je vous le dis en vérité, quelques-uns de ceux qui sont ici ne mourront point, qu'ils n'aient vu le Fils de l'homme venir dans son règne.



Donc il dit lui même qu'il va vers une position supérieure (la gloire de son père). Quel sacrifice?

 

Certains ont dit "mais avant de venir sur terre il était déjà au ciel, il revient donc juste à sa situation initiale". Le fait est que sa mort le fait passer de simple terrien à quelque chose de mieux, invalidant de fait le fait que sa mort soit un sacrifice. Ce qui fait qu’invoquer un tel argument revient à dire que le sacrifice est d’avoir accepté de descendre pour 33 ans sur terre. Le sacrifice serait donc juste d’être venu sur Terre. Mais celui à qui on confie une mission ponctuelle fut elle « non agréable » peut il parler de sacrifice ? Qu’est ce qui serait sacrifié ? 33 ans de confort céleste ? Serait ce cela notre sauveur ? Non, d’ailleurs Jésus, dans tout son ministère ne semble pas regretter « son éventuelle vie d’avant ». Au contraire, au moment de mourir, il se demande pourquoi on l’a abandonné et un peu avant la coupe qu’il doit boire semble l’angoisser. Comme s’il avait oublié tous les « bienfaits » du royaume des cieux…


Le que invalide donc le sacrifice.

 

- qui sacrifie? Et à qui?

La deuxième question, si il y a sacrifice est de savoir qui fait un sacrifice. Abraham allait sacrifier son fils (ce n'est pas Isaac qui allait se sacrifier), ce sont les juifs qui sacrifiaient les moutons et autres, ce sont les martyrs qui chrétiens qui SE sacrifiaient par exemple. Ici qui opère le sacrifice?
Est ce Jésus qui se sacrifie ou est ce Dieu qui sacrifie son fils?

Mais les passages que l'on m'a cités ici pour dire qu'il souffrait physiquement, et qui montrent juste qu'il avait l'angoisse de la mort (que tout homme a de temps en temps) indiquent que la décision n'était pas de lui, mais de son père. Jésus ne se sacrifie donc pas. Il suit ce que son Père a décidé.
Donc c’est Dieu qui l'aurait sacrifié. A ce stade, il faut donc se demander à qui Dieu ferait ce sacrifice là. La tradition juive montre que c'est toujours à Dieu que l'on fait des sacrifices. Ainsi Dieu ferait un sacrifice à Dieu? Donc en gros il dirait, les gens ont pêché. Quand les gens pêchent, j'aime voir du sang pour laver leurs péchés. Donc je vais moi même faire couler le sang pour me faire plaisir afin que je leur pardonne. Pour ma part, l'idée que je me fais de Dieu ne le permet pas. Donc le QUI fait le sacrifice invalide aussi le sacrifice.

- A quoi sert le sacrifice?

Je vous ai parlé de l'origine et des raisons du sacrifice dans la tradition juive. Dans ce cas, ce serait pour faire pardonner les péchés des hommes.

Ok examinons donc si cela a un sens:

* avant Jésus, les gentils accédaient au royaume des cieux. La preuve des gens comme Elie ou Abraham y seraient (de l'aveu de Jésus). Et les méchants apparemment pas.
* après Jésus, les méchants n'y accèderont toujours pas et les gentils si. Personne ne peut affirmer  qu’un chrétien croyant que Jésus est effectivement ressuscité, mort pour nos péchés et tout le crédo habituel, mais qui tue, pille et fait ce que Jésus appelait « mal » accèdera au royaume des cieux.

La venue de Jésus n'a donc pas changé cet état de fait, ni sa mort. Le sacrifice aurait donc été inutile? Non, pas si l'on regarde le comment ce sacrifice a été institué. (voir l’origine des sacrifices dans l’AT)

Il s'agit d'une invention de Noé (ou dans une moindre mesure de Caïn et Abel) sans que Dieu l'ait demandé. Et on valide que Dieu aime ça sous prétexte que "ça plairait à ses narines". Dieu, il ressent les bonnes odeurs seulement quand les hommes daignent s'en occuper.
Pour moi ce n'est donc pas une pratique de Dieu, mais des hommes qui ont un jour pensé que c ça que Dieu aimait.

Les païens que les juifs combattaient à l'époque faisaient eux aussi des sacrifices. Les grecs de la mythologie, les inca, les africains, etc... C'est là une pratique d'homme. Dieu n'a pas besoin de ça à mon sens.

Le "à quoi ça sert" invalide donc le sacrifice.

Que conclure: la mort de Jésus n'a pas consisté en un sacrifice.

PS: pour le vocabulaire, alliance ne signifie pas sacrifice. Ex Noé a fait un sacrifice après le déluge pour remercier Dieu, mais l'alliance entre eux c'était l'arc en ciel. Pour anticiper les objections à côté qui reprendraient cet argument.

Mais alors, sa mort représentait quoi? Pourquoi Dieu a t'il planifié ça?

Autre question, autre article peut être…

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