Aujourd’hui Maki reçoit un jeune homme apparemment fortuné, mais qui a l’air d’avoir des soucis.

 

  • Bonjour jeune homme

  • Bonjour monsieur Avele

  • Comment avez-vous eu mes coordonnées ?

  • Je connais un certain nombre de personnes haut placées qui m’ont toutes conseillé de venir vous voir si j’avais des soucis.

  • Vous devez être très riche alors. Vous dites que vous avez des soucis ?

  • L’argent ne fait pas le bonheur.

  • Mais il ne fait pas non plus le malheur. Qu’est ce qui vous turlupine ?

  • Monsieur Avele…

  • Maki

  • Maki, je suis amoureux.

  • AH (sourires) ! Mais en général ça rend les gens heureux non ?

  • La plupart du temps c’est le cas, mais je ne peux pas m’empêcher de ressentir une angoisse sourde. Je me demande si elle est avec moi parce qu’elle m’aime, ou pour mon argent. Et cela, ça me perturbe.

  • Mon bon ami, dites-moi. Les sentiments heureux que vous ressentez sont ils dus au hasard ? Je veux dire, quand vous croisez une fille dans la rue, êtes vous aussi heureux qu’avec votre dulcinée ? Ou encore, vous souciez vous encore des filles aimées précédemment ?

  • Bien sûr que non, je suis inquiet uniquement parce que celle dont on parle, eh bien, j’en suis amoureux.

  • Et c’est ce sentiment qui vous met dans la joie. Ne pouvez-vous pas vous en contenter ?

  • C’est ce sentiment qui met dans la joie, mais aussi dans l’inquiétude et l’angoisse quand je me demande si elle m’aime elle aussi.

  • Je vois, c’est plus profond que ce que je croyais. Dites-moi mon bon, comment se manifesterait l’amour qu’elle a pour vous ?

  • Je vois ce que vous voulez dire, comme on dit, il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour. J’imagine que si elle m’aime, elle me donnera ces preuves d’amour. Mais malheureusement, vous reconnaitrez que l’on peut très bien avoir des preuves d’amour sans que l’amour soit présent…

  • N’allons pas si vite. Dites moi, à propos des preuves d’amour, n’en est il pas de deux types ?

  • C'est-à-dire ?

  • Arrêtez-moi si je me trompe, mais les deux types sont pour l’un des attentions utiles, et dans l’autre, les marques d’affections sur la personne ?

  • Développez s’il vous plait.

  • Ce que j’entends par affections utiles, c’est tout cela que celle qui vous aime fera parce que cela vous facilite la vie ou que cela vous fait plaisir. Par exemple, vous préparer un met rare et difficile qu’elle sait que vous aimez. Ou encore vous amener par surprise au concert de votre chanteur préféré, ou vous faire un massage quand elle sait que vous êtes fatigué, alors qu’elle-même est fatiguée. Ou appeler tous vos amis et organiser un bon gueuleton-surprise pour votre anniversaire, ou accepter un de vos fantasmes juste pour vous faire plaisir alors qu’à la base elle ne l’aimait pas. Bref vous voyez ce que je range dans cette catégorie, tout ce qui vous aide ou vous fait plaisir.

  • Je vois

  • Pourtant vous convenez avec moi, que toutes ces choses, elle peut les faire sans vous aimer ?

  • Oui

  • Pourtant, vous les aurez quand même, et le plaisir ou l’aide sera ressenti, qu’elle vous aime ou qu’elle ne vous aime pas. Vrai ou faux ?

  • Vrai.

  • Et n’est ce pas là le plus important ? A ce stade, penses tu que le plus important est son amour ou recevoir ce genre de choses ? Penses-tu préférer une qui dira t’aimer mais qui ne te montrera aucune de ces preuves ? Tu remarqueras je te tutoie dorénavant.

  • J’imagine que ce sont les preuves de ce type qui me contenteront. Quel est le second type ?

  • Le second type a trait aux marques d’affection de ta personne. C’est quand elle te dira « Je t’aime », « tu es beau aujourd’hui ! » « je te trouve mignon », « tu es tellement drôle », « j’adore comment tu me fais l’amour », un peu comme quand toi tu lui diras «  chérie, ton ragout est un régal ». Tu vois ce second type ?

  • Oui je vois, mais comment croire tout cela si je pense qu’elle ne m’aime pas ?

  • Trois choses. La première, et je pense que tu seras d’accord est que même pour celle qui n’est pas amoureuse de toi, ou l’est pour ton argent, elle peut en toute bonne foi te dire certaines de ces choses en les pensant. Ne penses tu pas ? Il est parfaitement possible qu’elle pense à ton chéquier mais qu’elle te trouve drôle. Non ?

  • Certes. La seconde ?

  • La seconde est que dans le cas où tu as une femme qui est réellement amoureuse de toi (peu importe la définition que tu donnes), tu ne peux jamais garantir que quand elle te dit ces choses, elle les pense vraiment. Elle peut les dire parce qu’elle les pense ou parce qu’elle sait que ces choses te font plaisir, qu’elle t’aime ou pas. Je veux dire, une fille peut très bien t’aimer et trouver ton humour à chier, mais sachant que tu te prends pour Gad, te dire que tu es drôle, pour te faire plaisir. Est-ce un crime ?

  • Non, vous avez raison.

  • Dans ce cas, ne fais donc pas de discrimination entre celles qui t’aiment et celles qui t’aiment pas. Retiens que les deux voulaient te faire plaisir. On est alors ramené au premier cas.

  • C’est vrai. Et la troisième chose ?

  • La troisième chose est la plus importante. Petit, il faut apprendre à être un homme, c'est-à-dire qu’au minimum, ta perception de toi ne dépende pas des autres. Un homme n’est pas une petite fillette qu’il faille rassurer. Tu dois, et je sais que ça peut être long et difficile, être capable de te définir toi-même. Tu peux évidemment te tromper, mais c’est ton image de toi qui doit primer, avec ses forces et ses faiblesses si tu es lucide. Comme ça, tu n’auras pas besoin qu’un ou une autre te dise « tu es beau » pour savoir si oui ou non tu es beau, pour savoir si tes blagues sont drôles, etc. Sur ce que tu penseras être tes forces, tu n’attendras pas que les autres te réconfortent. Et sur tes faiblesses, tu travailleras dessus toi-même qu’on te les rappelle ou pas. Tu ne seras pas affecté si tu penses qu’un autre trouve que tu as ces faiblesses, car tu le sauras déjà, les auras déjà assumées, ou seras entrain d’y travailler. Si donc tu en es à te demander si elle est sincère quand elle te dit que tu es beau, c’est que tu es encore dans la position de l’enfant apeuré. Tu devrais plutôt te dire « bien sûr que je suis beau cocotte, j’ai un miroir » ou alors « elle est mignonne, elle me trouve beau alors que j’ai ma bedaine, mais qu’est ce qu’elle sera éblouie quand j’aurais mes tablettes de chocolat ». Tu vois ce que je veux dire ?

  • Oui

  • Dans tous les cas donc, tu vois que ton inquiétude du départ n’est vraiment pas fondée. Enjoy ta life. Si tu l’aimes, et tant que tu le fais, profite des preuves d’amour qu’elle te donne, et tu seras heureux mon fils. Mais sois lucide mon petit.

  • Comment ça ?

  • Sache qu’amour « réel » ou « matériel », dans tous les cas, ça peut finir, et elle peut partir à tout moment, dans le premier cas si elle cesse de t’aimer, dans le second cas si plus fortuné se pointe. Donc profite du moment présent à fond sans prise de tête, et tu sais quoi ?

  • Non ?

  • Ta situation est même enviable si elle est là pour l’argent. Da ns ce cas là, tu sauras juste ce qu’il faut te faire pour la conserver tant que tu l’aimes, contrairement à celle qui t’aime sans que ni toi ni elle ne sache pourquoi.

  • Et qu’est ce qu’il faut faire si c’est le cas ?

  • Te battre pour sans cesse avoir suffisamment d’argent pour la satisfaire. Pour ma part je ne serai pas aussi gourmand. Sors ton chéquier, je ne donne pas mes conseils magnanimement.

 

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