Dans la série sur l'égalité des hommes [ Egalité ], nous avons eu à commettre un article sur l'insécurité [ Egalité: Qui sont les délinquants? ]. Dans cet article et parmi les réactions à cet article, il étatit mentionné que dans certaines sociétés, la délinquance se retrouve perpétrée par un groupe ethnique. Un commentaire (embarrassé?) a aussi été fait sur un ouvrage qui dit qu'en france, les immigrés chinois sont meilleurs à l'école que les immigrés africains et maghrébins. Dans ces cas là, la tentation est souvent très grande de conclure que "les Chinois sont plus intelligents (ou travailleurs) que les Noirs", etc. Vous devinez que de telles propositions ne peuvent pas recueillir notre adhésion. Le présent article se propose donc d'expliquer ces états de fait de manière cohérente avec la notion d'égalité entre hommes [ Les hommes sont égaux: Définition ] et groupes [ Egalité entre hommes: Implications sur le jugement des groupes (ethniques, sociaux, etc.) ].

      Précisons tout d'abord que l'impact de la culture ou des acquis culturels sur la société et les individus ne se limite pas qu'aux problématiques de sécurité ou d'acole, mais touche à peu près tous les champs de nos activités. Que ce soit ce que l'on mange, la musique que l'on aime, les sports que l'on aime, l'importance que l'on accorde à tel ou tel sentiment, la place de la femme dans la société, la manière d'aborder le spirituel, bref dans tout ou presque, on retrouve le culturel. La question est donc: "Ok mebene, tu répètes à l'envi que nous sommes égaux, pire que les groupes sont égaux, pourquoi n'avons nous donc pas développé les mêmes cultures et les mêmes affinités culturelles?". Voilà la question qui nous guidera tout le long du présent article.

      En effet si les groupes sont équivalents, comment expliquer ces différences. A notre sens, l'explication ne peut donc venir que de paramètres extérieurs au groupe. Nous définissons un paramètre extérieur au groupe, un paramètre qui ajouté ou retranché au groupe ne modifie pas l'essence du groupe. Il pourra cependant modifier un trait culturel de ce groupe. Si les gens de la région du Sud au Cameroun ne dansent plus le Bikutsi, il n'en demeure pas moins qu'ils resteront des gens de la région du Sud. Nous en fournissons une liste qui n’est peut-être exhaustive.

 

1) Environnement dans lequel on évolue nous force à adopter des nouveaux comportements.

Pour qui s'est un peu intéressé aux migrations de populations, on remarque que les cas ne manquent pas où un même groupe se sépare, les deux sous-groupes suivent alors des trajectoires différentes, s'installent dans deux endroits aux caractéristiques différentes et comme par hasard, on retrouve d'énormes différences culturelles dans les deux sous-groupes. Ainsi l’un des groupes s’étant installé près de la mer se retrouve à développer des coutumes et traditions, un art culinaire basé sur les saveurs marines et même une spiritualité (mami wata, divinités marines, etc.) tandis que l’autre s’étant retrouvé dans la forêt développe plutôt une pharmacopée avec les plantes de la forêt, un art culinaire avec les produits de la chasse et de la cueillette et une spiritualité s’appuyant sur la profondeur de la forêt (favorisée par les bruits dont elle recèle la nuit, le champ des hiboux et les plantes hallucinogènes : Ce ne sont là que des exemples).

Lisons plutôt une histoire que je tiens d’un livre de Bernard Werber. Nul n’est censé ignorer qu’en psychologie et sciences comportementales, des analyses sont souvent faites sur des animaux pour essayer de modéliser le comportement humain. Et si elles sont faites, c’est que l’expérience a montré de certaines similitudes.

L’histoire est la suivante : Une équipe de chercheurs enferme cinq singes dans une pièce au milieu de laquelle une échelle permet d’atteindre un régime de bananes haut perché. Quand l’un des singes essaie de grimper à cette échelle, il reçoit un seau d’eau bouillante sur la tête. Ce qui fait que les cinq singes présents constatent le danger à essayer d’aller chercher les bananes. Les chercheurs font maintenant sortir un singe de la pièce et le remplacent par un autre singe. Dans la pièce il y a maintenant quatre singes ébouillantés, et un, ignorant qui voit les bananes. Il essaie donc naturellement de se diriger vers les bananes. Mais au moment où il veut grimper, les autres, pour SON BIEN, l’arrêtent et le tabassent pour l’empêcher de monter. Nous avons donc ici une nouvelle coutume : Ne pas monter à cette échelle pour prendre ces bananes à cause de l’évènement extérieur « eau chaude ». Le problème est que les quatre premiers singes savent pourquoi cette coutume est instaurée. Le cinquième pas. La suite de l’expérience consiste à remplacer à chaque fois un des singes ébouillantés par un singe ignorant. Et à chaque fois les singes au courant empêchent les nouveaux de monter en les tabassant. Ce qui se passe quand le cinquième singe ignorant entre (ie quand il n’y a plus dans la salle aucun ébouillanté), c’est que le premier ignorant se jette dessus et le tabasse. Nous avons alors une nouvelle coutume : tabasser les nouveaux venus. Coutume ayant dérivé de la première du fait de l’évènement extérieur « eau chaude ».

Ce principe se retrouve par exemple comme nous l’avons dit dans les traditions des peuples vivant sur les côtes. Les peuples vivant à la montagne auront d’autres pratiques culinaires, agricoles, vestimentaires du fait de cette montagne. Ils mâchent par exemple les feuilles de coca pour mieux s’accommoder de l’altitude au Pérou. C’est se principe que l’on retrouve généralement dans la théorie de l’évolution par adaptation à l’environnement.

 

2) L’environnement nous permet d’adopter de nouveaux comportements.

L’environnement d’un peuple peut aussi susciter des comportements, mais cette fois moins par obligation (comme dans le paragraphe précédent) que par choix. Ici l’environnement mais à disposition du peuple diverses possibilités, et l’une d’elles est choisie parce que c’est elle qui apporte le plus d’intérêt.

Par exemple, les femmes qui revenaient de leurs champs sur de longues distances  et qui se sont mis à taper des pieds en rythme pour faire passer de manière plus agréable le trajet ont créé le bikutsi. Autre exemple, la pharmacopée qui s’est développée, parce que sur des générations et des générations, des gens ont expérimenté des plantes, constaté des effets secondaires, des effets bénéfiques, transmis à leurs descendants qui ont poursuivi les expérimentations pour aboutir aujourd’hui dans certains groupes ethniques à une véritable science.

La rencontre avec d’autres peuples peut aussi générer de nouvelles pratiques à ranger dans cette catégorie. Ainsi si l’on prend deux peuples frères de la forêt, que l’un d’eux s’enfonce un peu plus à l’est, et l’autre avance vers l’ouest et tombe sur un peuple côtier. Le peuple qui rencontre les côtiers va certainement adopter de nouvelles pratiques issues ou adaptées des pratiques du peuple nouvellement rencontré. Et s’il adopte de nouvelles coutumes ou adapte les anciennes au contact de ce peuple, il y a fort à parier que le résultat présentera une plus grande efficacité du point de vue des intérêts du peuple en question. Sans pour autant avoir plus de mérite que celui qui est allé à l’est et qui n’y a pas rencontré de nouveautés, tout en gardant les mêmes intérêts (puisque ce sont des peuples frères) mais avec des pratiques forcément moins efficace au regard de ceux-ci.

 

3) Le rôle des leaders

Les individus sont égaux mais peuvent avoir des actions et impacts différents. Cela, nous l’avons déjà vu. Mais cela n’est pas toujours  sans impact sur la destinée du groupe. Les leaders sont de plusieurs types. Les actions de tel ou tel roi ont très souvent impactées non seulement les destinées (cela va de soi), mais aussi les comportements de leur peuple. Il est puissant, il décide de s’habiller de telle ou telle manière, et tout le monde le fait d’abord pour lui plaire et cela reste. Cet exemple vestimentaire permet d’élargir à d’autres types de leaders que les gouvernants. Prenons un styliste qui impose une mode. Prenons le cuisinier qui crée des plats dans son restau chic, plats qui se diffusent ensuite dans la société. Prenons le scientifique qui crée tel ou tel appareil qui va se diffuser dans la société et changer du tout au tout les comportements. Prenons le sorcier qui crée ou entretient telle ou telle peur dans la tribu, suscitant tel ou tel comportement. Prenons les ainés de telle ou telle tribu qui décident de se réserver les mets de choix (gésier de coq, etc.) en créant des coutumes pour que les jeunes ou les femmes ne s’en approchent pas.

Les exemples de ce type sont légion. Et puisque les peuples sont égaux, il n’y a aucune raison que statistiquement, l’on ne retrouve pas des leaders dans tous les peuples. Mais alors, on devrait retrouver partout le même type de caractéristiques apportées par les leaders ? Non. Non, car pour qu’un leader s’exprime, là aussi plein de paramètres entrent en compte. L’opportunité (ML King n’aurait peut-être jamais montré ses qualités si l’Amérique n’avait pas été raciste à l’époque, celle-ci ne peut quand même pas se féliciter d’avoir préparé le terreau d’émergence de ce grand Homme), la chance (En Inde, sur 15 enfants qui naissaient il y a 50 ans, 12 mourraient en bas âge, comme dit Sartre, combien de Mozart ont été assassinés ?), l’hostilité du proche environnement (tel Micheal Jackson ou Samuel Eto’o aurait pu émerger de tel ou tel endroit, mais le père, la famille leur ont bien fait comprendre que ce n’était pas très sérieux tout ça), un talent indirect qui manque (tel scientifique qui a l’idée du siècle, mais qui manque d’assurance ou de talent oratoire pour convaincre les banquiers de le suivre, etc.).

Les leaders peuvent être d’un grand rôle dans l’acquisition de nouveaux comportements, même si ce rôle est lui aussi extrêmement circonstancié (dépendant des circonstances).

 

En conclusion, nous disons que les hommes sont égaux, certes. Mais les peuples aussi sont égaux. C’est pour cela que les différences culturelles sont dues uniquement aux circonstances. Nous avons souvent tendance à croire que c’est la supériorité d’un peuple qui crée la différence culturelle. Mais ce manque de perspective est exposé dans le présent article, nous le pensons. Si l’on place des enfants (les peuples), d          ans une pièce (le monde) et qu’alternativement, une main qu’ils ne voient pas leur pose sur la tête le couvre-chef de prince, de menuisier, d’ouvrier, de député, de juge (différences da           ns les pratiques dues aux circonstances ou au hasard de la main invisible), on les jugera bien sots et vaniteux de vouloir prétendre au moment où ils ont le couvre-chef de prince d’être supérieurs aux autres, alors même que le fait de l’avoir leur est complètement étranger. Ils auront à un moment donné, des couvre-chefs différents, ils n’en demeureront pas moins égaux. Et l’individu qui décidera de pratiquer tel ou tel comportement en dehors des comportements usuels ne devra plus être discriminé au seul motif qu’il est en dehors des clous (nous verrons par la suite quel genre de motif est nécessaire), car nous savons maintenant comment ces clous ont été posés, et nous savons aussi qu’ils demeurent parfois encore aujourd’hui sans aucune raison valable (cf les singes qui se tabassent).

Les différences culturelles ne seront donc plus un argument pour discriminer les peuples. Et le respect des pratiques culturelles ne sera plus un argument pour discriminer les individus.

 

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