Comme les fleuves se jettent dans la mer pour la constituer, les contes se jettent dans nos oreilles pour nous aider à grandir. Ainsi en est-il du conte de Saraba. 

Saraba était un petit enfant. Un petit enfant malade. Malade et abandonné de tous. Il errait de ci, de là. Il ne mangeait que les baies et les fruits sauvages qu’il trouvait dans la brousse. Quand il approchait un village, il était aussitôt mis en fuite par les premiers à le voir. Tous redoutaient sa maladie. Saraba était triste. Mais un jour... 

Un jour, alors qu’il approchait d’un village avec la même crainte d’être rabroué, un petit oiseau bleu et vert vint se poser sur son épaule.  

  • Qui es-tu? Que me veux-tu? demanda Saraba 

  • Je suis ton ange gardien. Je veille sur toi depuis que tu es né. Je suis venu te dire que tu peux aller dans ce village. Il y a un homme bon, qui s’appelle Natogo. Il t’accueillera 

Ici, le fleuve s’arrête de s’écouler vers la mer et le conte fait une pause pour que l’on se pose ensemble la question suivante : Est ce que nos actions passées, ce que nous sommes, ce que nous représentons peuvent faire en sorte que l’on dise à quelqu’un qui souffre, “va, va voir celle ou celui qui lit. C’est une bonne personne qui va sûrement t’aider”.  

Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse. Le conte nous aide à nous connaître et à évoluer si nous le souhaitons. Le conte n’est pas fini, et le fleuve se remet à couler... 

Saraba se dirigea donc vers le village. Cette fois-ci, il ne s’enfuit pas devant les bras tendus et les quolibets. Il avançait au milieu de colère. Il le vit. Un homme, le regard bienveillant, debout sur le pas de sa porte. Il se dirigea vers lui. “Natogo?”. Il acquiesça et lui demanda s’il avait mangé. Il le fit entrer dans sa maison. 

Durant une semaine entière, Saraba vécut la belle vie. Il mangeait correctement, il était soigné et il dormait dans un lit. Cette semaine-là, Saraba avait souvent le sourire. Pourtant, ce ne fut pas une semaine totalement tranquille. Les villageois faisaient le pied de grue devant la maison de Natogo. Ils exigeaient continuellement le départ de l’enfant maudit. Inlassablement. Et inlassablement, Natogo se dressait tel un rempart, protégeant l’enfant de la foule. Il leur rappelait les préceptes traditionnels d’hospitalité. Ils n’en avaient cure. La semaine s’acheva ainsi. Un matin, Saraba dit “ Je demande la route. Je vais bien mieux. Tu m’as redonné foi en l’humanité. Merci Natogo”. Et il partit.  

Le fleuve, de nouveau, fait une pause et le conte s’arrête pour nous inviter à nous questionner : Que peut faire un enfant pour justifier que toi qui nous lis tu te mettes à le détester et à le persécuter ? Si tu réponds “rien”, c’est impossible, essaie les deux questions suivantes. 

  • Que peut faire un enfant pour justifier que toi, tu le laisses souffrir et subir l’injustice ? 

  • Que peut faire un adulte pour justifier que toi qui nous lis tu te mettes à le détester et à le persécuter ? 

Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse. Le conte nous aide à nous connaître et à évoluer si nous le souhaitons. Le conte n’est pas fini, et le fleuve se remet à couler...  

 

 

Les contes du fleuves Fass : Existe t'il encore des hommes justes?

La colère des villageois, une fois Saraba parti, se tourna vers Natogo. Ils l’accusaient d’avoir été contaminé. D’être à son tour devenu maudit. Il devait partir du village et les laisser en paix. Natogo regarda ce qu’il avait mis une vie à construire. Il y tenait. Mais il partit. Et commença la galère. Les privations. La faim. Le froid. Un jour, il trouva une source d’eau pure. Il voulut se jeter dessus pour s’en abreuver. Mais un petit oiseau, bleu et vert, apparut. Il lui dit que pour boire de cette eau, il devait d’abord dire s’il avait un regret dans sa vie. Natogo répondit que de toute sa vie, il avait toujours essayé de faire le bien. Et quand il n’y était pas parvenu, il avait fait amende honorable. Il n’avait donc aucun regret. Le petit oiseau disparut, et la source d’eau également. 

Le fleuve est près d’arriver à la mer. Et le conte est près de nous avoir livré tous ses secrets. Un dernier questionnement pour toi qui nous lis : Il y a-t-il de bonnes raisons pour regretter une bonne action ? Si l’on répond “non” ? Il y a-t-il de bonnes raisons de ne pas faire une bonne action ? 

Natogo répondit non à ces deux questions. Instantanément, il fut transporté dans son village, la veille du jour où Saraba était apparu. Rien ne semblait avoir changé. Mais lui savait la véritable nature des habitants du village. Et il savait sa véritable nature à lui. Les dieux avaient voulu voir si les hommes bons existaient encore. Et ils en avaient trouvé un : Natogo. 

 

Le fleuve est arrivé à la mer. Et le conte se termine. Avons-nous grandi ? 

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