Quand Jésus pactisait avec les corrompus...
07 oct. 2019Le Cameroun est bilingue, mais les Camerounais sont-ils bilingues ? Un récent dimanche alors que je me trouvais à l’Eglise Américaine de Paris, j’essayais laborieusement de suivre le sermon en anglais, je saisis néanmoins que le pasteur parlait d’un manager que son patron souhaitait virer. N’ayant pas trouvé dans ma mémoire où l’on parlait de manager, j’entrepris de chercher sur Google (le pasteur venait de terminer la lecture avec « Nul ne peut servir deux maîtres à la fois, ce qui facilita ma recherche). Et je retrouvai le passage (Luc 16 : 1 à 13), et à ma grande surprise, je réalisai que Jésus encourageait des actes de corruption. Cela méritait investigation. La suite de l’article détaille cette investigation…
Le passage est une parabole d’un économe (le manager) dont le patron exige un compte rendu de ses activités sous peine de renvoi. Se demandant ce qu’il adviendra, il entreprend de se faire des amis indûment en diminuant les créances que ceux-ci pourraient avoir auprès de son maître. Et contre toute attente, le maître le félicite.
Le maître loua l'économe infidèle de ce qu'il avait agi prudemment. Car les enfants de ce siècle sont plus prudents à l'égard de leurs semblables que ne le sont les enfants de lumière
Mais, heureusement, il ajoute
Et moi, je vous dis: Faites-vous des amis avec les richesses injustes, pour qu'ils vous reçoivent dans les tabernacles éternels, quand elles viendront à vous manquer.
Se faire des amis avec des richesses injustes. Peut-on mal agir (corruption) et se « racheter » en se faisant les bons amis ? Pour y répondre, commençons par se demander « qui sont les corrompus » ?
Pour y répondre demandons-nous ce qu’est la corruption, ou plutôt pour elle est un mal. La corruption consiste à prendre quelque chose indûment, et donc à léser quelqu’un. Quand il s’agit de la chose publique, ceux qui sont lésés in fine, sont les plus pauvres, parce que ce sont eux qui paient l’impôt et c’est vers eux que doit aller la dépense publique ainsi soustraite.
Qui est le corrompu? Pour y répondre qu'est-ce que la corruption ? C'est in fine, prendre à ceux qui n'en ont pas. A ce titre, les bandits à col blancs, les mange mille, notre économe sont des corrompus. Mais sont-ils les seuls ? Jésus n’a-t-il pas cité lui- même les publicains (collecteurs d’impôts et autres fonctionnaires) comme exemple de personnes « malades » (Luc 18.10-14) ? A croire qu’il était arrivé aux mêmes conclusions sur le fait que l’impôt est fondamentalement injuste car toujours payé par les pauvres.
Mais ils ne sont pas les seuls à commettre l’injuste. Quand je prends des pygmées dans mon champs et que je leur donne un salaire de misère, est ce que je leur reverserai une partie des bénéfices issus de leur travail ? Non ! Pourtant c’est eux qui ont travaillé. C’est injuste. Il en va de même pour les autres : si je gagne plus d’argent qu’un autre pour le même temps passé au travail, c’est que je me fais payer à la sueur de son front. C’est comme cela que ça marche.
Nous sommes tous corrompus, certains plus que d'autres. Il n'appartient pas à l'Eglise de discriminer. C'est le rôle des lois. Tout le monde est le bienvenu dans l’Eglise. Il est d’ailleurs à noter que cette parabole intervient à la suite d’une intervention de Jésus qui commence en Luc 15.1.
Tous les publicains et les gens de mauvaise vie s'approchaient de Jésus pour l'entendre.
Jésus est donc au milieu de gens imparfaits, comme nous tous, quand il leur demande de s’acheter des amis en haut lieu avec le fruit de leur corruption. Quel meilleur ami que Jésus pour nous défendre le moment venu ? Il nous demande juste de suivre son commandement. Dans Jean
Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, de même que j'ai gardé les commandements de mon Père, et que je demeure dans son amour.
Je vous ai dit ces choses, afin que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite.
C'est ici mon commandement: Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés.
Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis.
Vous êtes mes amis, si vous faites ce que je vous commande.
Cela passe-t-il par reverser aux pauvres ou à l’église une partie de l’argent gagné ? Oui Nécessairement. Mais c’est insuffisant. Dans Luc
Jésus, ayant entendu cela, lui dit: Il te manque encore une chose: vends tout ce que tu as, distribue-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux. Puis, viens, et suis-moi.
Donne tout, et viens. C’est là que le vrai travail commence. Et il ajoute quand on rechigne
Jésus, voyant qu'il était devenu tout triste, dit: Qu'il est difficile à ceux qui ont des richesses d'entrer dans le royaume de Dieu!
Car il est plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le royaume de Dieu.
Si le bon samaritain avait laissé quelques pièces en passant, son « prochain » serait mort. Donner de l’argent ne suffit pas. Il faut tout entier être tourné vers l’autre pour se faire Jésus comme ami. Il nous défendra alors. Et si nous décidons de nous tourner vers l’autre, pourrons-nous vraiment encore exploiter les pygmées dans nos champs ? Aimant l’autre, puis-je encore le condamner injustement au tribunal parce que j’ai mon Tchoko ? Aimant l’autre, puis-je encore obliger la jeune recrue à venir me « voir », moi le DRH ? Non. Si je me tourne vers les autres, si je les aime, je renonce (du moins je diminue) certains comportements.
Autant de comportements qui font qu'in fine, on fera moins de corruption. Jésus avait tout prévu : Il n’encourage pas la corruption. Il nous prend comme nous sommes et nous demande d’être moins corrompus, ainsi nous nous en ferons un ami…