Sangmelima, les 9 et 10 Octobre derniers, on a cassé. On a cassé en « représailles » parce que le frère a été assassiné et que l’on soupçonnait un « étranger » d’en être l’auteur. Outre le fait que l’assassinat n’était pas du fait d’un « étranger », ces « représailles » ont également montré la frustration économique des auteurs de ces casses (par ce qu’ils ont volé notamment). 

Des Fausses Bonnes Idées (économiques) qui ont émergé des évènements de Sangmelima...

Ces évènements ont déclenché des réactions, tant chez les ressortissants de la localité que chez les « communautés » s’estimant victimes. Il convient de s’attarder sur certain de ces propos (que je qualifierais de tribalistes) qui se sont tenus et qui se voulaient plein de bon sens économique.

La suite de l’article commencera par en faire donc d’abord une analyse économique de la pertinence de ces phrases pour ensuite converger vers la cause racine de tous ces événements et la solution qui conviendrait… 

  1. Même le régisseur de la prison n’est pas d’ici

Ce sont les mots des jeunes de Sangmelima interviewés après les évènements. Dans la suite, j’interpellerai directement ces jeunes, car ce sont mes frères, Camerounais et Boulou ! Le régisseur, et autres fonctionnaires sont d’ailleurs. Sous-entendu s’ils étaient d’ici, notre situation serait mieux car ceux-ci ramènent tout chez eux. Ah Bon ? Il n’y a-t-il pas de régisseur de prison originaire de Sangmelima ailleurs ? Ou de procureur ? Combien de Ministres d’Etat, Ministres, DG, SG de ministères et autres pontes du régime sont originaires de Sangmelima ? Pourquoi ne ramènent ils pas les richesses au village ? Quand ils les ramènent, ne voyez-vous pas comment ils les gardent pour eux ?

Le problème n’est pas que le régisseur soit un ressortissant d’ailleurs. Le problème est que vous n’êtes pas en capacité de créer des richesses pour vous. Et la question devient donc « que faire pour créer la richesse dont nous allons profiter ?» Ce qui nous mène à la seconde fausse bonne idée…

  1.  
  1. Rentrez chez vous ! Désormais nous serons les seuls à faire la moto ici

La phrase est en réalité le résumé de deux phrases souvent entendues. La première étant « Rentrez chez vous ». On en a vu qui se moquaient de ceux qui, apeurés, ont entrepris de rentrer.

Des Fausses Bonnes Idées (économiques) qui ont émergé des évènements de Sangmelima...

Rentrez ! Comme ça nous pourrons reprendre les commerces. Nous ne voulons plus que des commerçants « autochtones » ici.  En témoigne ces images de boutiques épargnées parce qu’ayant été taguées comme « Boulou ».

Des Fausses Bonnes Idées (économiques) qui ont émergé des évènements de Sangmelima...

Rentrez ! Et si vous ne rentrez pas, vous n’avez plus le droit de faire la moto. Une réunion des élites (avec participation de ces « étrangers ») a même abouti à ça comme décision. Reportage TV.

Mes frères, il y a beaucoup de non-sens (au-delà du tribalisme) économique dans ces propos.

Premièrement, qu’est-ce qui vous empêche de faire la moto ou d’occuper tous ces commerces ? Parce que si un Bamoun arrive à Sangmelima et qu’il y a déjà pléthore de motos, il ne pensera pas à faire ce job. Si un Bamileke arrive et trouve en abondance tous les produits qu’il peut avoir en idée de vendre, avec pléthore de boutiques, il ne pensera pas à s’y installer et essaiera d’aller ailleurs. La réponse est donc que pour faire la moto, il faut avoir une moto, savoir la conduire, l’entretenir et gérer les recettes et les dépenses. En deux mots, il faut avoir le Capital et le savoir-faire dans la gestion. Le capital fait défaut (comparativement à d’autres), aussi du fait des élites. Donc quand les Bamoun partiront, les Boulou ne les remplaceront pas sur les motos ou dans les boutiques car s’ils le pouvaient, il n’y aurait déjà pas de Bamoun dans ces secteurs.

Deuxièmement, quand ils seront partis, et puisqu’ils ne pourront pas être remplacés en nombre, il y aura moins d’offres et donc les prix augmenteront. C’est pour cela que chez moi à Djoum, la moto coûte plus cher qu’à Douala. Résultat, les populations vont s’appauvrir encore plus, et les quelques commerçants Boulou capables d’avoir le capital vont s’enrichir. Et comme le point1 le montre, cette richesse des quelques-uns ne sera pas redistribuée à la masse.

Troisièmement, quand ils seront partis, ce que vous (pas directement vous mes jeunes frères, mais vos mamans) pouvez produire sans capital (à savoir les denrées alimentaires) ou les jobs que vous pouvez avoir dans ces commerces diminueront et vos revenus diminueront encore plus.

 

  1.  
  2. Rentrons développer chez nous

Propos tenus par certains dans ces populations victimes de casses à Sangmelima.

 

 

Des Fausses Bonnes Idées (économiques) qui ont émergé des évènements de Sangmelima...

La frustration est compréhensible. Quand vos économies sont ainsi réduites à néant, quand vous êtes stigmatisés, menacés, c’est compréhensible de vouloir tout envoyer bouler. Politiquement, j’ai envie de leur dire non. Non ! Nous ne pouvons pas baisser les bras. Et économiquement cela ne fait pas sens non plus.

On l’a compris, la possibilité de faire des profits dans une activité dépend fondamentalement de l’offre et de la demande. S’ils sont partis de leur région d’origine, c’est déjà parce qu’il n’y avait plus de place pour ces activités, ou alors qu’il y avait de la place, mais plus de concurrence (donc moins de profit). En rentrant donc « développer » leur région, ils iront rencontrer les problèmes qu’ils ont laissés quad ils en partaient. Vous ne gagnez de l’argent dans un commerce que si des gens vous achètent des produits.

Au global, le problème économique que nous avons n’est pas lié aux « étrangers ». Il est lié à la mauvaise gouvernance de ce pays, qui au-delà du népotisme, de la corruption, du favoritisme, a choisi (choix catastrophique) de répartir le gâteau via les élites. Et nous du Sud, n’en avons pas la plus petite part. Mais ce choix ne permet ni le développement, ni une redistribution aux populations.  Combien de ministres, DG, haut-fonctionnaires au Sud? Mais combien parmi eux financent et encadrent les projets de développement des jeunes (nous l’avons vu, le financement et l’encadrement sont la clé) de leur localité ? Il y a un audio qui circule et qui liste les biens saisis chez Atangana Kouna. Cela se compte en milliards de CFA. Je ne vais même pas dire qu’ils aient été obtenus illégalement (quoique, le monsieur étant embastillé après avoir été pris au Nigéria avec des liasses de devises), mais même s’ils l’ont été légalement, les jeunes de sa région en ont-ils bénéficié ?

Et pour vous distraire, ils vous disent que vous devez voter le Président (sinon les autres vont prendre VOTRE pouvoir), montrent le mauvais coupable (les étrangers), et parfois organisent les pillages comme un préfet en a attesté dans un livre et dans de multiples interviews...

Et ce n’est pas nouveau.

Des Fausses Bonnes Idées (économiques) qui ont émergé des évènements de Sangmelima...
Des Fausses Bonnes Idées (économiques) qui ont émergé des évènements de Sangmelima...

Il vous appartient, parce que les Camerounais resteront chez eux partout au Cameroun, d’identifier les véritables responsables de cette situation économique. L’économie est une science. Et souvent, à défaut d’être certain de ce qui marche, on sait ce qui ne marche pas. Et on sait que la gouvernance actuelle de notre pays ne marche pas. A chacun d’en tirer les (bonnes) leçons…

 

PS: La solution est bel et bien politique car il ne peut prospérer d'économie florissante dans un tel système. Comme on dit, "si tu ne fais pas la politique, c'est la politique qui va te faire"...

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