Notes de lecture: Les maux du capitalisme...
21 août 2019Plus de livres à lire. Il faut aller se réapprovisionner. Je vais donc à la FNAC, et je choisis avec d’autres livres un recueil de nouvelles de David Lodge intitulé « L’homme qui ne voulait plus se lever », du nom de la nouvelle ouvrant le recueil.
Celle-ci est présentée comme la meilleure en pré et postface, mais personnellement j’ai trouvé toutes les autres meilleures, en particulier « mon premier job ». C’est cette dernière qui m’inspire cet article.
Le narrateur est un brillant jeune homme qui trouve un job d’été avant de commencer ses études. Le job est dans une boutique tenue par un petit commerçant et située dans le hall de la gare dans le Londres des années 1950. Il doit aller vendre le plus de journaux possible à la criée aux différents voyageurs. Quand il arrive, il y a déjà 2 jeunes qui font le même boulot depuis des années. Ces deux jeunes avaient un salaire fixe de trois billets d’une livre et un de 10 schillings (3,5 livres sterling soit 2513 FCFA que nous utiliserons par la suite). Ils n’ont pas de commission sur les ventes.
Quand le narrateur arrive dans la boutique, le record de ventes en une journée est de 8550 FCFA. Le narrateur, animé de son esprit de compétition qui le sert dans ses études entend tout de suite le battre. Et ses deux collègues le suivent. Pour l’amour du jeu, ils se livrent une bataille homérique, explosant tour à tour le record journalier: de 10800 FCFA la semaine suivant son arrivée, à 15200 FCFA le jour de son départ un mois plus tard. Bien sûr de son fait, mais le second le talonnait.
Nous avons là un patron qui passe de 15000 FCFA avec ses deux vendeurs en moyenne à 32000 FCFA avec les deux mêmes vendeurs en un mois. Que tire t’il comme conclusion ? Que ses vendeurs étaient auparavant des feignants à qui le petit est venu apprendre le métier. Il leur exige désormais les 32000 FCFA sous peine de licenciement. Rappelons qu’il les paye 2513 FCFA par mois. Ce qui vaut au narrateur une prise en grippe « du capitalisme » qui exploite et divise les travailleurs », en plus de s’en vouloir pour le sort réservé désormais à ses camarades d’un mois…
Cette critique du capitalisme comme étant un outil d’exploitation de l’homme est-elle due au capitalisme ou à ceux qui le pratiquent ? Le capitalisme est le système économique fondé sur la propriété privée des moyens de production, la liberté, la recherche du profit, et le salariat (ceux qui travaillent et produisent ne sont pas ceux qui sont détenteurs du capital). Nous avons déjà montré que le système (tout appartient à tous) n’est pas efficace et entraîne l’absence de libertés. Notre boutiquier obéit certes à la définition du capitalisme, mais d’autres dans d’autres circonstances ne peuvent-ils pas atteindre de meilleurs tout en agissant plus humainement ? Nous pensons que si.
Le comportement de ce patron nous montre qu’il est du type de celui-ci-dessous…
Tout pour moi, rien pour les autres. Avec une recette de 15000 et à raison de 6 jours travaillés par semaine, cela lui fait un chiffre d’affaires de 385000 FCFA / mois. S’il paye ses employés 5000 FCFA, on peut estimer que lui encaisse au minimum 15000 FCFA sur les bénéfices des ventes. Ces bénéfices sont donc au minimum de 20 mille pour 385 mille de CA, soit 5,2%. Quand la recette journalière passe à 32000 FCFA, le bénéfice devient alors 42740 FCFA soit 37740 CFA qui lui reviennent, sans qu’il n’ait eu à bouger le moindre petit doigt. Mais que va-t-il se passer ? Ses employés qui n’ont plus la motivation de la compétition, ni aucune due à une rémunération supplémentaire vont ils lui maintenir ce revenu ? rien n’est moins sûr. Et s’il les vire, il faudra qu’il trouve de nouveaux gars qui délivrent mieux que les 15000 FCFA qu’il avait initialement.
Imaginons un autre patron (son fils par exemple) qui décide au-delà des 15000 de recette quotidienne, il donne 30% des bénéfices à ses vendeurs. Et au-delà de 20000, il leur donne 50% des bénéfices. Puis au-delà de 30000, il leur donne 60% des bénéfices. Il sera alors aux alentours de 27000 FCFA de bénéfice pour lui. Sans avoir rien fait d’autre qu’inciter ses vendeurs. Et comme l’arrivée du stagiaire l’a montré, il ne peut pas atteindre les limites du marché avec deux vendeurs. Il peut donc embaucher un 3ème vendeur, et avec la même politique incitative, atteindre, 40000 FCFA de revenus pour lui. Et pourquoi pas un 4ème ? Et à chaque fois ses vendeurs auront également des revenus substantiels.
C’est toujours le capitalisme, et c’est plus productif. Tenir compte de l’humain n’est pas seulement de l’altruisme, c’est aussi l’un des moyens les plus efficaces d’améliorer sa rentabilité. C’est ce qui est fait aujourd’hui avec les commerciaux, ou les traders. Il n’est pas rare qu’ils gagnent plus d’argent que le PDG, tant qu’ils accomplissent leur mission qui est de ramener du cash. Comment faire alors pour convaincre notre patron de boutique de penser que le bien-être de ses troupes revient à de meilleurs revenus pour lui ? Il y a quelques solutions, deux principalement :
- La Concurrence qui va forcer le patron à mieux traiter ses salariés. Nous sommes vraisemblablement en situation de monopole dans cette gare. S’il y avait d’autres vendeurs de journaux, la qualité des vendeurs deviendrait primordiale, et les patrons se battraient pour avoir les meilleurs.
- La réaction des employés. Pour ne pas se laisser faire, ils pourraient créer cette concurrence euxmêmes : Ils connaissent le mieux les clients et battraient forcément toute nouvelle embauche de leur ancienne échoppe (surtout dans des conditions de management désastreuses de notre boutiquier). Mais pour ce faire, ils devront franchir les obstacles du capital initial, voire d’un encadrement. Sans capital, difficile d’acquérir les premiers journaux à vendre. Sans encadrement, difficile de savoir se marketter, concevoir des produits, remplir ses obligations administratives, etc. C’est le lieu de remercier des structures comme le Boukarou
Il s’agit d’un incubateur qui accueille des jeunes pousses prometteuses, leur met le pied à l’étrier en espérant leur succès, dans des pratiques qui mettent au centre l’humain. Ce sont de telles initiatives qui confirment que les travers du capitalisme que nous observons sont bien souvent dus aux humains, et qu’à travers d’autres humains, d’autres voies sont possibles. C’est valable pour tous : Patrons, employés, clients, détenteurs de capitaux, citoyens. Tous…