2004 - 2018: M. KAMTO s'est il contredit (sur les verdicts du conseil constitutionnel)?
08 août 2019Lors d’un débat récent entre Olivier BIBOU NISSACK (Porte-Parole KAMTO) et Claude ABATE (RDPC) j’ai noté qu’au-delà des arguments habituels (et fallacieux) sur le tribalisme et les liens BAS-MRC, le RDPC n’avait pas d’arguments, si ce n’est la « contradiction » de KAMTO sur ce qu’il convient de faire suite à la décision du Conseil Constitutionnel quant au contentieux électoral. Le présent article discutera de cette apparente contradiction et surtout de s’il avait réponse de contester la décision du conseil constitutionnel de 2018…
Kamto et sa coalition gagnante ont entamé suite à la publication des résultats en Octobre 2018 par le conseil constitutionnel un « plan national de résistance » qui entre autres, proclamait « NON AU HOLD UP ELECTORAL ». Ils ne sont pas les seuls à penser qu’il y en a effectivement eu un. Pourtant le même Kamto en 2004 avait dit que ce que cette même instance « en disant le droit, arrête et proclame était sans recours».
En disant le droit ! Il s’agit donc de droit. Maurice Kamto avait-il le droit (en se basant sur le droit) de contester en 2018 ? Il y a deux moyens d’accéder au pouvoir : La Force et le Droit.
Le Droit c’est quand on se sert de textes légitimes pré-existant à l’accession au pouvoir. Par exemple, ceux régissant une élection présidentielle ou la définition de l’organe en charge de statuer. La Force vient alors ensuite protéger le droit (la force du droit).
La Force c’est quand on impose un état de fait, et que l’on tord le droit pour qu’il s’y colle. C’est ce qui se passe quand on fait un coup d’Etat, ou une fraude électorale (le CC valide alors ici le tour de force : le droit de la force).
A noter que quand on est du côté du droit, pour contester la Force, il faut utiliser le Droit. C’est ce que Kamto a toujours répété y compris après la proclamation des résultats.
Qu’a-t-il donc fait ?
- Il a récusé la constitution du conseil constitutionnel qui viole la loi (Force) avec des membres appartenant au parti au pouvoir (dont le candidat fait partie du scrutin). En 2004 d’ailleurs, sa sortie ne portait que sur le droit (et n’était pas laudatrice envers M. Biya) et il l’appuyait à partir de l’infaillibilité de la cour suprême agissant comme CC. Hors vue la constitution a priori du CC, celuici ne saurait être infaillible juridiquement : Il viole la loi.
- Il a dénoncé les fraudes (logiquement non prises en compte par le CC vu le point précédent)
- Il a manifesté pacifiquement en vertus des textes (Camerounais et traités internationaux) qui autorise chaque Camerounais à exercer librement ses droits civiques
- Il a logé une plainte auprès des instances de l’UA en se basant sur les éléments cidessus (y compris la répression des marches) pour montrer qu’il a été empêché de librement participer à la gestion des affaires de son pays. Le lien suivant l’explique bien.
Tous ces éléments relèvent ils du droit ? Oui ! Maurice KAMTO a t’il donc raison de considérer ici que la décision du CC de 2018 ne peut pas être sans recours ? OUI. Mille fois. On vient de voir qu’il est fondé en droit pour la contester.
Mais en 2004, que disait le droit ? S’était-il trompé ?
Plusieurs éléments de réponse : d’une part, la constitution de l’organe en charge n’était pas querellée. D’autre part, les partis ayant logée des plaintes étaient chargés d’apporter les preuves des fraudes. N’ayant pas suivi les débats de l’époque, je ne me prononce pas sur ce sujet. Ensuite, si ces preuves étaient présentables, l’option supra nationale était-elle possible ? Il faudrait vérifier quel était le statut des ratifications par le Cameroun à l’époque.
Enfin, la qualité de juriste du professeur Maurice Kamto n’est pas contestable. Ni celle d’enseignant émérite. Un tel homme peut-il considérer qu’il y a un point où on a atteint le summum des connaissances ? À mon avis non. Il a dit lors de son speech au CC que « vous n’avez pas la compétence des compétences, vous avez la compétence de vos compétences »
Compétence de vos compétences à 5 mn et 15 s
Il n’y a aucune raison que cette citation ne puisse pas s’appliquer à lui. Si donc les partis de l’époque auraient pu faire le MRC aujourd’hui (existence des instruments juridiques), KAMTO ne le savait pas. Je dis bien « SI ». Est-ce étonnant qu’il ait eu le temps d’y réfléchir en 14 ans ? D’approfondir le sujet, sachant que lui-même serait désormais candidat. Nous avons vu la qualité de sa préparation. Il a dit et redit « votez, et je m’occuperai du reste ». Oui il a eu le temps de trouver cette stratégie fondée sur le droit. Même si en 2004 il ne l’avait pas envisagée. Ses compétences de 2018 sont certainement supérieures à celles de 2004. J’espère que c’est le cas de chacune de mes lecteur-ice-s, chacun dans son domaine.
Kamto s’est-il contredit ? La question n’est pas là. La question est « a-t-il raison en 2018 de ne pas considérer les décisions du conseil constitutionnel comme étant sans recours du point de vue du droit. Nous avons que OUI.
PS : A noter que ces démarches auprès de l’UA ne peuvent pas aboutir à sa proclamation comme président. Sinon on serait dans la FORCE. La LOI est claire : C’est le conseil constitutionnel qui proclame les résultats. Ce que l’on apprend là, c’est juste qu’il y a des recours possibles. En 2011, en Côte d’Ivoire, le même conseil constitutionnel (mêmes membres, même Président) a proclamé deux fois les résultats donnant dans un premier temps Gbagbo vainqueur dans la liesse puis Ouattara, la mine un peu fermée.
Si KAMTO gagne dans sa démarche de droit, on arrivera au mieux à considérer comme illégitimes les résultats proclamés, à obtenir un nouveau code électoral voire à aboutir à l’organisation de nouvelles élections. Mais dans tous les cas, il a eu RAISON de contester le conseil constitutionnel…