Introduction

Il est coutume de dire : le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolu. Certes, mais qu'est ce que le pouvoir, et d'où vient il ?

Postulons que le pouvoir est la capacité certaine de faire agir les autres conformément à ce que l'on souhaite, même si eux voulaient agir différemment. Par exemple, le DG d'une entreprise peut mettre ses collaborateurs sur telle ou telle voie. Comme ils ont une stratégie de carrière, ils lui obéiront. Autre exemple, un père peut obtenir de ses enfants qu'ils fassent ce qu'il veut, même quand ils ne veulent pas le faire.

Ce sont là des exemples évidents de pouvoir. Mais d'où vient ce pouvoir ? De la hiérarchie ? Non car il n'est pas rare de voir un chef sans pouvoir sur ses subordonnés (et même l'inverse). De l'argent ? Non car il n'est pas rare de voir le plus riche être dominé, manipulé ou sous la coupe du (de la?) plus pauvre. Alors quoi ?

Nous (avec d'autres avant nous) postulons que le pouvoir provient de l'incertitude.

  • Si les règles de promotion dans mon entreprises sont claires et connues (attentes de tel ou tel objectif, délai d'attente, poste préalable obligatoire, etc), mon chef peut il dire qu'il me tient en son pouvoir ? Mais si je ne les connais pas (ou si elles n'existent pas), ne suis je pas sous la coupe dudit chef (ou d'autres chefs) si je veux cette promotion ?

  • Si j'arrive à un contrôle de police sur l'axe Douala – Yaoundé sans savoir si j'ai toutes les pièces, tous les éléments pour être en règle, et qu'un policier véreux ayant pour objectif de m'extorquer des sous m'interpelle, suis je sous sa coupe de la même manière si je sais exactement quelles sont les pièces requises ?

A partir des réponses ci-dessus, on comprend que celui qui a le pouvoir, c'est celui qui sait le mieux tirer parti d'une incertitude. Sans incertitude, il n'y a pas de pouvoir. Nous l'allons mieux montrer tout à l'heure. Examinons maintenant le sujet sous trois angles :

Comment caractériser (reconnaître) le pouvoir :

Prenons une organisation ou un système comprenant des acteurs. Cette organisation peut avoir des règles plus ou moins claires. Si par exemple l'on souhaite que quelque chose soit fait, si les règles précises régissant la chaîne d'exécution, les sanctions en cas de contrevenance, sont claires et précises, peut on dire que le chef qui donne l'ordre a du pouvoir sur son ouvrier ? Ou alors c'est l'ouvrier qui a le pouvoir dans la mesure où connaissant les règles et les sanctions qu'il risque, il peut décider ou non d’exécuter. Et plus la tâche est critique, plus sa position est préférentielle et plus il a du pouvoir. Si le chef ne sait pas si ses ordres seront exécutés, il a intérêt à bien « traiter » son équipe. Stratégiquement, il veillera donc à enlever toute incertitude dans l'exécution de tâches (backup, transfert de connaissance, etc.). De même que que l'ouvrier, s'il ne sait pas avec certitude comment le chef sévira aura intérêt à le flatter pour que quad survienne un problème, celui-ci soit bien disposé à son égard. Cet exemple nous permet de dire que pour caractériser qui a l’exercice effective du pouvoir dans une organisation et face à une situation, il convient de se demander « qu'est ce qui peut empêcher l'objectif (de tel ou acteur) d'être atteint, et qui a les clés pour sortir de cette incertitude ? ». Celui là à le pouvoir face à cette situation donnée. La fréquence différenciée et la criticité des situations (et donc l'intérêt des différents acteurs) déterminant celui qui a le plus de pouvoir.

Le pouvoir est à limiter

John aime bien le sexe. Seulement, il ne sait pas si Sally, son épouse, va « libérer » ce soir. Il est prêt à céder à quelques uns de ses caprices pour qu'elle le fasse. Elle a le pouvoir. Un matin, il se demande pourquoi il doit être sous sa coupe alors qu'avec son argent, il peut satisfaire son besoin de sexe en gardant le contrôle, et donc en levant toute incertitude. Sally le voit bien. Elle ne sait pas jusqu'où il ira. La quittera t'il ? Ramènera t'il une maladie ? Comme il est plutôt riche et gentil, elle veut le garder. Pour lever l'incertitude, elle fera maintenant les efforts pour le garder, écoutant Lady Ponce qui avait dit que l'homme c'est le ventre et le bas-ventre. Mais John n'est pas bête. Il se dit maintenant que plus il tire sur la corde, plus on est attentionné à son égard. La stratégie initiale de Sally ne pouvait marcher que si John est pauvre, s'il n'y a pas de concurrence (John pauvre et/ou laid) ou si elle arrive à le convaincre que le sexe ce n'est pas si important ou si elle décide que ce n'est pas grave s'il part. Mais Sally et ses consœurs perdent le plus souvent à ce jeu là dans la société camerounaise par exemple. Cet exemple pour dire que dès qu'il y a relations humaines, il y a jeux de pouvoir, et il y a mise en place de stratégie (consciente ou non) pour contrecarrer le pouvoir de l'autre. Car le pouvoir corrompt. C'est pourquoi John, même si son épouse « libère » maintenant plus qu'il n'a jamais espéré, il va continuer en se comporter en « salaud ».

Vu que le détenteur du pouvoir a les clés pour lever l'incertitude, il va « monnayer » son action pour obtenir des avantages. Des plaisirs. On pourrait se dire que ce n'est pas grave , si in fine l'objectif est atteint. Sauf que les avantages et plaisirs obtenus indûment risquent d'entraîner une addiction qui feront que l'objectif du détenteur du pouvoir ne sera plus de résoudre des problèmes (en obtenant un avantage au passage), mais uniquement de conserver voire accroître ces avantages, l'objectif devenant alors un corollaire fortuit et non systématique. Bonjour alors la corruption, le népotisme, et les détournements divers et variés. Il faut donc absolument limiter le pouvoir. C'est cela que le responsable de l'organisation doit avoir en tête en la manageant.

Le pouvoir est néanmoins indispensable

On pourrait alors se demander, au vu de tout ce qui précède, si il ne vaut pas mieux lever toute incertitude dans l'organisation, de manière à réduire le pouvoir des différents acteurs de la chaîne, de manière à rester focalisé sur les objectifs de l'organisation. Au delà du caractère difficile de la chose (concevoir entièrement un tel système), il est à noter que même si l'on y arrive, les acteurs feront toujours tout pour créer de nouvelles zones d'incertitudes, et donc rétablir leur pouvoir. Par exemple le chef de bureau auquel on impose de communiquer clairement, de séparer le traitement des dossiers de la caisse, fera jouer l'élément « délais de traitement » pour réintroduire de l'incertitude, et donc son pouvoir, et donc son « Tchoko ». Imaginons néanmoins que l'on y arrive. Que tout soit clair. Alors la seule zone d'incertitude sera en bout de chaîne. Au moment de savoir si l'exécution de la tâche est faite. Son responsable pourra alors la faire ou non, en toute connaissance de cause des sanctions qu'il risque. Et s'il décide de passer outre, les personnes au dessus de la chaîne ne pourront strictement rien faire d'autre que ce qui est écrit clairement et qui ne lui fait pas peur. C'est par exemple ce qui se passe dans les grèves où il n'est pas rare que les grévistes obtiennent quelque chose (grâce à leur pouvoir donc) parce qu'ils ont décidé de paralyser l'outil de production et que les sanctions qu'ils encourent sont clairement encadrées.

Si nous pensons que la collaboration entre tous les maillons de la chaîne est indispensable, nous pensons aussi que la direction doit venir « d'en haut ». Il est donc bon de veiller à conserver des éléments de pouvoir dans ladite chaîne. En veillant à contrôler ce pouvoir, de manière à en limiter les abus...

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