Nous retrouvons le professeur Flancé, avec sa classe de troisième dans un établissement populaire d’une métropole camerounaise… 

 

  • Taisez-vous ! je corrige les copies. Ça fait déjà suffisamment mal au cœur comme ça. Je ne  comprends pas comment vous pouvez écrire de telles insanités.

Le silence se répandit dans la classe. Pour une minute seulement. Très vite, des murmures reprirent. Doucement, puis plus haut. Et au bout de  cinq minutes, le brouhaha qui avait déclenché la colère initiale du professeur était revenu.

  • Que ça cesse, tonna t’il ! Un homme averti en vaut deux.
  • Comment un homme peut valoir deux. C’est un géant ?
  • Co… Comment ?
  • Votre homme là, c’est un sorcier ? On sait depuis la sil que 1+1 = 2 mais 1 n’a jamais été égal à 2. Ou bien quand on t’avertit, on te clone ?
  • Bande d’incultes. Je vais vous expliquer l’origine de cette expression.

 

 «  Vous savez qu’ici chez nous, la valeur d’un homme se mesure à ce qu’il a. c’est pourquoi on entendait souvent Joliana dire à son mari Dominique « ce n’est que ça que tu vaux ? Regarde la ration que tu me donnes ! 1500 FCFA ? Je t’avertis, augmente ça, sinon tu verras !»

Celui-ci goguenard répondait invariablement « oui, c’est ça que je vaux. Et avec l’argent là, je veux bien manger toute à l’heure. Je viens même peut-être avec mes amis. Débrouille-toi » Et il s’en allait, plaisantant avec ses copains sur cette femme qui tentait tous les jours de l’escroquer, alors qu’à l’époque sa propre mère se contentait de 500 FCFA  de ration.

La scène se reproduisait jour après jour. Mais jour après jour, il rentrait et trouvait un excellent plat qui l’attendait. Pourquoi prendre les menaces de Joliana au sérieux ?

Un jour, alors son meilleur ami lui demande de l’accompagner dans un marché. Il y avait un rendez-vous. C’était un peu une nouveauté pour lui. D’habitude c’est sa femme qui s’y collait. Il se baladait, amusé par ces bruits, le nez en l’air, les yeux flâneurs. Quand ses yeux se posèrent sur l’étal d’un boucher « 1Kg de viande de Bœuf : 3000 FCFA ». 3000 FCFA ? Le double de sa ration quotidienne ! Pourtant il en mangeait régulièrement à la maison. Et de bonnes proportions. Il ne comprenait rien. Il regarda alentours. Tout, absolument tout, le prix des arachides, de la tomate, de l’huile, du poulet, du plantain, du riz, tout rendait impossibles les prouesses que sa femme réalisait quotidiennement. Il demanda à une vendeuse de beignets

  • La mère, ci je te demande de me préparer une marmite de Mbongo Tchobi machoiron (environ 2 kilos de poisson) 1500FCFA, ça peut suffire ?
  • Bonjour mon fils, 1500 ? avec ça je peux te faire un bol de mbongo tchobi avec les alevins de poisson, mais pas le poisson adulte. Ce que tu demandes là, c’est au moins 4000 !
  • Ah Bon ? et un repas côtes de porc riz plantains frits pour 6 personnes comme ça ? c’est combien ?
  • Au moins 4000 – 4500 FCFA. Pourquoi ?
  • Ma fe… la femme de mon ami que tu vois là-bas prépare tout ça avec 1500FCFA de ration
  • Peut-être qu’elle prépare tout ça, mais ce n’est pas avec 1500. Elle doit avoir un chaud dehors. Il faut avertir ton ami. Vraiment, 1500FCFA ?

Dominique, averti par sa femme, averti par la vendeuse amicale prit des mesures. Le lendemain matin il dit à sa femme

  • Tiens, voici 3000 FCFA pour la ration. Par contre prépare un peu moins, on n’organise pas une fête ici. 

Comme un homme vaut ce qu’il donne, il venait de doubler sa valeur. Instantanément»  

 

  • Vous avez compris ?
  • Oui, mais, si on veut faire le mauvais esprit, il en vaut deux mais dans votre histoire on l’a aussi averti deux fois. Ça compte ?
  • Mais, je dis hein…
  • Monsieur laissez les faux débats (c’est Mbankreu, la fille la plus âgée de la classe), vous n’avez pas le numéro du chaud de Joliana qui lui donne les 4000 FCFA là ? je suis sûr que je suis plus jolie qu’elle…

 

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