Dans le cadre de la chronique Quand je serai président (2009-2011) , je présente aujourd’hui mes propositions sur les moyens d’agir sur la cherté des prix que nous observons de temps en temps dans les marchés, à l’approche des fêtes, à l’approche de période incertaine (comme les élections) ou par spéculation des acteurs intervenant sur la chaine de distribution.

 

Domaine abordé : Social et économie

 

 

Symptômes constatés :

             Les symptômes sont ceux déjà indiqués. Quiconque fait régulièrement le marché (ou est sollicité pour financer ceux qui font le marché) savent que souvent, de manière totalement inexpliquée, les prix peuvent passer du simple au double d’une semaine à l’autre, d’un jour à l’autre. Plusieurs hypothèses sont alors avancées par les populations allant de la concurrence des Gabonais qui viennent acheter directement les produits sur place, en passant par les commerçants (que l’on cantonne à une région) qui stockent les produits de manière à créer une baisse de l’offre et donc une augmentation des prix. Outre les méfaits collatéraux que cela provoque (tribalisme, xénophobie), le problème principal est l’allègement du papier de la ménagère dont les revenus n’ont pas augmenté avec la même versatilité.

             Cela ne touche pas que les produits vivriers, mais une très large gamme (ciment, téléphonie, etc.). Il convient donc de s’attaquer à ce problème. Les pouvoirs publics le font (caravane des prix, affichage d’un prix recommandé et sanction (quasi impossible)  contre les gens qui ne respectent pas le prix affiché, bras de fer avec les grosses entreprises come Cimencam), mais avec un succès qui est hélas souvent relatif. Dans la suite nous expliquerons pourquoi.

 

Diagnostic et objectifs de la solution :

Il convient tout d’abord de préciser que la doctrine économique que nous appliquerons est résolument libérale. Les autres formes de doctrines dirigées totalement par l’Etat ayant montré leurs limites (la solution ne peut donc pas être d’imposer les prix à la vente). Dire cela ne revient pas à dire que l’Etat ne doit jouer aucun rôle, même quand les marchés n’ont que des acteurs privés. En effet, l’Etat doit jouer un rôle de régulateur, justement pour veiller à ce que ces bases de l’économie libérale soient respectées et que l’on ne tombe dans l’anarchie.

Hors solde (où l’on peut vendre à perte), le prix d’un produit entre un vendeur et un acheteur est défini par la structure de coût du produit (prix d’achat des matières premières ou du produit si l’on est revendeur, charges RH, charges immobilières, bref, le coût de revient, etc.) et la marge du vendeur. Cette marge est régie par la loi de l’offre et de la demande qui fait que si il y a beaucoup plus d’acheteurs que de vendeurs, les prix monteront car on trouvera toujours une minorité parmi les acheteurs pour pouvoir payer ce qui est exigé par les vendeurs. C’est aussi pour cela que quand il y a plus de vendeurs que d’acheteurs, les prix doivent baisser (car le seul argument de séduction deviendra le prix, les acheteurs ayant l’embarras du choix). Quand cette loi est manipulée, la concurrence est faussée et les bases de l’économie libérale sont bafouées, et le consommateur en paye le prix.

Eclairons maintenant le sujet du jour (cherté des prix) à la lumière de ces définitions. Les raisons qui font que les prix montent sont donc les suivantes

-          Celles liées à une baisse de l’offre (baisse de la disponibilité de la production agricole, augmentation des prix des produits importés sur les marchés internationaux, etc.)

-          Celles liées à des distorsions de la concurrence (manipulation de la loi de l’offre et de la demande) : On les retrouve quand un acteur décide de retenir longtemps des stocks pour créer artificiellement une baisse de l’offre, et donc une montée des prix. On les retrouve quand un acteur se retrouve en position hégémonique et peut fixer les prix sans craindre de concurrence (cas du ciment dans un passé tout proche). On les retrouve aussi quand les acteurs majeurs d’un secteur s’entendent pour fixer les prix à un niveau qui les arrange (entente illicite que l’on retrouve dans les domaines comme la téléphonie)

 

             Voilà là les causes profondes, les causes que les propositions qui vont suivre devront s’atteler à éradiquer. En respectant le rôle d’un Etat dans un système libéral.

 

 

Proposition de solution :

             Dans un premier temps, nous formulerons des propositions pour lutter contre les manipulations de la loi de l’offre et de la demande et les entorses à la libre concurrence.

 

             La première des choses à dire est qu’il faudra que les différents acteurs soient rentrés dans le secteur formel. En effet comme nous le verrons plus tard, la clé de la mesure est basée sur la fiscalité. Il est donc important que les acteurs soit identifiés et imposés. C’est déjà en grande partie le cas, car les actions se feront sur des structures qui interviennent à partir de la vente en gros ou semi-gros. Les acteurs intervenant dans la vente en détail (petits vendeurs au marché, petites boutiques, etc.) sont suffisamment nombreux pour ne pas pouvoir s’entendre, et se faire concurrence (sur leurs marges) de manière à ce que les prix ne soient pas artificiellement gonflés par rapport à leur prix d’achat. Par ailleurs, même ces acteurs petits devront sortir de l’informel, mais principalement pour d’autres raisons (voir par ailleurs Quand je serai Président (15): une société de services..).

 

 

1) Actions fiscales contre les montées de prix dues à une position dominante


Comme indiqué plus haut, quand un acteur est en position dominante, il peut baisser ou monter les prix à sa guise, et tant qu’il y a des consommateurs, il n’aura pas de problème. Ce fut le cas du ciment. Que faire si l’on ne peut pas lui imposer des prix (et en général, on ne peut pas) ?

A notre sens, la solution passe par l’impôt. Il existe actuellement un impôt sur le résultat des entreprises qui est un pourcentage des bénéfices des entreprises. Dans ces bénéfices, il y a la part qui provient directement de la marge sur les produits écoulés. Nous pensons modifier l’impôt en dégageant spécifiquement cette part, des autres composantes des bénéfices (sur lesquelles la taxation ne changera pas).

Concernant donc la marge, rappelons que le prix de vente c’est le coût de revient + la marge. Il est donc important de noter que pour l’acteur qui gonfle artificiellement les prix, le coût de revient restera identique, mais c’est la marge qui augmentera. Et c’est donc elle qui sera taxée. Et cette taxation se fera de façon exponentielle, de manière à les dissuader de vouloir augmenter artificiellement les prix. Illustrons avec un exemple.

Le coût de revient d’un produit vaut 100. Trois entrepreneurs. L’un qui fixe sa marge à 10 (10%, et vend donc le produit à 110), le second à 30 et le troisième à 70. La taxation exponentielle sur la marge sera donc par exemple pour le premier de 10% sur la marge (moins qu’actuellement), et donc il gagnera 9 de bénéfice par produit. Pour celui qui a une marge de 30, la taxation pourra être de 73.33% de manière à ce que son bénéfice soit de 8. Enfin, pour celui qui veut se faire une marge de 50%, la taxation pourra être de 86% de manière à ce que son bénéfice par produit soit de 7.

Vous voyez l’idée, une telle formule est aisément modélisable. Et de cette manière, les acteurs n’auront aucun intérêt à vouloir gonfler artificiellement les prix, d’une part, et d’autre part, en maintenant des prix raisonnables, il y aura plus d’acheteurs, et donc ils écouleront plus de produits, et donc ils auront plus de bénéfices. Un cercle vertueux en somme.

L’Etat resterait dans son rôle et la fiscalité est de son ressort, même dans les régimes libéraux. Les augmentations de taxes perçues permettront une redistribution sociale vers les populations les plus pauvres. Il est en outre à noter que cette formule peut être efficace aussi dans l’augmentation des salaires (développement dans un autre article).

 


2) lutte contre les ententes illicites.


             Il s’agit ici d’acteurs majeurs qui se mettent d’accord pour fixer des prix. L’on se retrouve alors quasiment dans la problématique du dessus, et la même solution sera appliquée, cette fois-ci à tous ces acteurs.

             Nous disons quasiment, car nous qualifierons aussi cet acte en crime économique. Cela veut dire que la brigade financière et les forces de l’ordre mettront en outre les moyens nécessaires pour les caractériser, et la punition aura pour rôle d’être dissuasive.

 


             3) Lutte contre les acteurs qui font de la rétention de marchandises


             Le problème ici est quand l’acteur stocke une marchandise, de manière à créer une pénurie, qui entraîne une hausse des prix. Il les écoule alors au prix fort. Les acteurs visés sont essentiellement les revendeurs de gros ou de semi-gros. Et donc ne sont pas du secteur informel.

             Là encore la mesure précédente agira de manière efficace. En outre, nous proposons aussi de créer une taxe par produit, préemptée ou rendue au vendeur. Actuellement, pour chaque produit vendu, le commerçant reverse la TVA à l’Etat.

             Puisque l’acteur n’est pas dans le secteur informel, il tient une comptabilité, des factures prouvant ses achats (et leur date) et des factures prouvant ses ventes (et leur date). Nous créerons donc une taxe sur la durée du stockage.

             Si la durée de stockage est faible ou raisonnable (durée limite établie par l’Etat selon la nature du produit), une petite part de la TVA est reversée au commerçant.

             Si la durée de stockage est au-delà de la limite, une part proportionnelle (et bien évidemment dissuasive) à ce dépassement sera prélevée en sus de la TVA sur chaque produit écoulé.

De cette manière là, les acteurs n’auront plus d’intérêt à vouloir procéder de la sorte.

 

 

4) Problématique de l’offre.


             Il faut ensuite passer à la problématique de la montée des prix liées à une baisse réelle de l’offre (ou une trop grande augmentation de la demande).

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             Nous invitons le lecteur à lire nos propositions sur l’agriculture [Quand je serai président (5): Agriculture et auto suffisance], notamment le point 3. Pour ce qui est des produits importés, nous encourageons le lecteur à lire l’article sur la fiscalité générale [Quand je serai président (13): Fiscalité générale] et notamment le point 1 sur la TVA équitable.


Eventuels effets de bord :

             Nécessité pour les différents acteurs de devoir tenir à jour leur comptabilité, ce qu’ils vivront dans un premier temps comme une contrainte. Mais il faudra passer par là, pour développer le pays.

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