Il arrive quelques fois que les mots véhiculent des messages dont parfois l’émetteur n’a pas conscience. Certains de ces messages ne sont parfois pas anodins, voire même néfastes. Illustrons cela aujourd’hui avec l’analyse du mot « Nous ».


La définition du wiktionnaire est la suivante

Pronom de la première personne du pluriel, représentant le locuteur ainsi que d’autres personnes au nom de qui il parle


Au nom de qui, il parle. Quelle belle solidarité. Ce mot là peut effectivement véhiculer de jolies valeurs : la solidarité, l’entraide, la cohésion dans un monde trop souvent laissé aux dérives de l’individualisme.


De bien jolies valeurs donc, mais examinons les phrases suivantes.

-          Notre président s’est ensuite rendu en Chine pour signer des contrats (présentateur JT)

-          Il n’a jamais fait aussi froid dans notre pays (présentateur météo)

-          Ce n’est pas dans notre culture judéo-chrétienne, ce ne sont pas nos valeurs (intellectuel à propos de l’Islam)

-          Tu ne t’habilles pas comme nous (jeune étudiante française à un étudiant camerounais nouvellement arrivé sur le territoire français).


Ces phrases peuvent être jugées anodines. Mais analysons un peu le message qu’il y a derrière. A chaque fois il y a une info qui peut être

-          Le président de tel pays est en chine

-          Dans tel pays, aujourd’hui on bat des records de froid

-          L’Islam ne fait pas partie de la culture judéo-chrétienne

-          Ton habillement me semble inhabituel


Mais derrière il y a aussi le message suivant

-          Je ne parle qu’aux ressortissants de mon pays. Les étrangers, qui pourtant m’écoutent eux aussi ne comptent pas. Puisque le président du pays n’est pas leur président. Mais je dis « Notre », donc je les exclue.

-          Je ne parle qu’aux ressortissants de mon pays. Les étrangers, qui pourtant m’écoutent eux aussi ne comptent pas. Puisque le pays n’est pas leur pays. Mais je dis « Notre », donc je les exclue.

-          Si la France a eu une histoire judéo-chrétienne, elle regorge aujourd’hui d’individus venus d’autres horizons. Là je les exclue donc de facto de la France (cela me rappelle les débats sur l’identité nationale : cf  Identité nationale ). Puisque quand je dis “notre”, je sous entends (à nous les Français, ie ceux qui ne sont pas comme ça ne peuvent donc pas revendiquer la qualité de Français)

-          Là je fais bien comprendre au nouvel arrivant qu’il est en dehors de la communauté (tu n’es pas comme nous), et en plus j’exclue tous ceux dans ladite communauté ont des goûts vestimentaires sortant peu ou prou de l’ordinaire.


Je rajoute qu’aucun de ces interlocuteurs n’avait une quelconque légitimité pour « parler au nom des autres ». On me dira « Mais quand le présentateur du JT parle, l’immense majorité de ceux qui l’écoutent sont Français, les étrangers étant la minorité. C’est normal qu’il dise cela ». Je répondrais alors que l’on peut très bien exclure les étrangers des foyers de sans-abri (c’est la minorité, et cela a d’ailleurs été proposé récemment par des préfets en France à propos des sans-papiers) lors des grands froids. J’ajouterais qu’exclure les Noirs des places assises en Norvège où ils sont extrêmement minoritaires pourrait être une bonne idée, ou ne pas prévoir d’aménagements pour les handicapés. L’exclusion est en tout cas une valeur contraire aux valeurs précédemment citées.

 

Je ne dis pas que ce mot ne doit plus être utilisé, mais chacun de nous doit faire attention aux messages que ses propos peuvent véhiculer…

 

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