Citoyennes, Citoyens,

 Me revoici devant vous. Je suis votre député. Le député Tété. Bonaventure Tété. Je me suis présenté à vous la dernière fois.

J’avais promis de revenir vous raconter les choses de chez nous. Et chez nous, les Capo ont de grosses et belles voitures. Je viens d’en avoir une. Je vais vous expliquer comment grâce à elle j’ai expliqué à une analphabète ce que signifiait le mot « métaphore ». Comme toutes les histoires, celle-ci a un début. Ça a commencé après le fiasco de la CAN. Un frère et ami placé où il fallait m’avait donné un petit marché de 500 Millions. J’en ai profité pour acheter un somptueux BMW.

Les vérités vraies du député Tété: Comparaison n'est pas raison...

Je l’ai étrenné en allant au village, histoire de leur montrer qu’un grand n’était toujours pas un petit. Le lendemain de mon arrivée, je sirotais mon Matango dans ma cour quand les villageois commencèrent à arriver par petits groupes. Ils venaient admirer la bête et me gratter « l’arrosage ». Je buvais du petit lait. Pourtant tout n’avait pas été aisé, et c’est ce que j’entrepris de leur raconter…

Après le retrait de la CAN pour insuffisance d’avancée dans les travaux, la honte était mondiale. La très très haute hiérarchie a souhaité montrer que ça n’allait pas se passer comme ça cette fois-ci. On a envoyé des gens enquêter sur tout un tas de choses.

Les vérités vraies du député Tété: Comparaison n'est pas raison...

Un matin une jeune fille vient me voir. Elle me dit qu’elle est enquêtrice et que mes agissements méritent des éclairages, sous peine de gros problèmes. Nous eûmes à peu près cet échange

  • Monsieur Tété
  • Appelezmoi honorable
  • Honorable, pouvezvous m’expliquer comment vous avez pu facturer des sacs de ciment 4 fois plus chers que leur prix normal ? je ne parle pas des camions de sable valant 10 fois le court du marché.
  • Mais, vous êtes docteur en économie ? vous avez un MBA ?
  • Rien de tout ça, mais essayez d’expliquer, je vais comprendre
  • Vous pouvez comprendre quoi ? C’est à cause de la variation des bénéfices induits du ROI
  • Quoi ?

Vous voyez, vous ne comprenez rien. Ça ne vaut pas la peine que je vous explique. Tenez, j’ai un collègue qui a essayé d’expliquer à une journaliste. Elle semble avoir compris.

  • Je note que vous ne répondez pas. Expliquez moi alors où sont les chantiers que vous avez livré. Nous avons effectué une visite de terrain, et nous n’avons pas vu de travaux justifiant ces sommes, mêmes surfacturées.
  • Comment ? vous êtes sûre ?
  • Avezvous suivi l’avancement de vos travaux ?  De quand date votre dernière visite de chantier ?
  • Attention madame. Vous commettez là un outrage au chef de l’Etat.

Je la vis devenir livide. Elle se demandait si elle avait une gaffe. Jeune fonctionnaire prometteuse. Outrage au chef de l’Etat ? Elle osa demander d’une petite voix

  • Pourquoi parlezvous d’outrage au chef de l’Etat ?
  • Vousmême savez que depuis 2004, date du début des immenses ambitions, le pays tout entier est en chantier. Est-ce que vous avez déjà vu le chef de l’Etat faire une visite de chantier ? Est-ce quand les chantiers ne sont pas livrés, vous avez déjà vu quelqu’un demander des comptes au chef de l’Etat ? Et moi qui m’efforce, jour et nuit d’émuler ce grand homme, vous me demandez quoi comme ça ? Depuis quand doit-on faire des visites de chantier. Si ce n’est pas livré ce n’est pas de ma faute. Voyez avec mes collaborateurs
  • Comparaison n’est pas raison murmura t’elle
  • Mais ma métaphore est d’Or

Nous nous séparâmes sans qu’elle n’accepte mon « argent de taxi ». J’étais un peu inquiet, mais les choses sont revenues à la normale. Mes amis qui étaient sur le dossier CAN ont tous été prolongés (et même promus) dans le dernier gouvernement et je n’ai plus entendu parler de l’enquête. La très très haute hiérarchie a parlé de « Trébuchement de date », ou alors de glissement. Je ne sais plus.

 Je ne sais toujours pas qui sont les salauds qui nous ont fait perdre la CAN, mais moi j’ai pu acheter mon 4*4. J’en étais là de mon histoire quand une vieille maman m’a dit que je parlais trop le gros français. Il y avait des mots qu’elle ne comprenait pas. Comme « métaphore ». La pauvre, elle ne pouvait pas comprendre que nous autres de la haute, nous devions d’employer le langage soutenu. Cela montrait notre valeur. N’en déplaise au petit Koppo, que je soupçonne d’être un opposant. Il nous a attaqués dans une chanson.

Pour en revenir à la vieille inculte, je lui tins à peu près ce langage

  • Estce que tu sais ce que ça fait d’avoir cette voiture ?
  • Non, comment pourraisje ? Même la brouette je n’ai pas.
  • Tu as un fils non ? Il est parti à l’université je crois
  • Oui
  • Bon, tu te souviens quand il partait du village pour la ville ? Tu savais que c’était la chose à faire, tu ne voulais pas. Ton cœur saignait, mais tu savais que c’était la nature des choses. Et quand il revient en congés, tu es tellement contente. Quand il doit repartir, même chose. Tu sais qu’il doit, tu ne veux pas, mais tu ne dis rien, parce que cela doit se faire. Je mens ou je dis vrai ?
  • C’est exactement ça. Comment tu sais ?
  • Parce que je ressens la même chose. Exactement. Avec ma voiture. Tu connais ma femme non ? elle aime trop le luxe et me faire les problèmes. En plus j’ai fait l’erreur de mettre la voiture à son nom parce que j’avais quand même un peu peur de l’enquête. Du coup, parfois elle décide de sortir avec. Je ne peux rien dire. Je ne veux pas. Mais je ne peux rien dire. Quand elle démarre, mon cœur commence à saigner. Quand elle est dehors, dès que mon téléphone sonne je me dis « Seigneur, pourvu que ce ne soit pas pour la voiture ». je suis dans un stress permanent. Quand elle revient, c’est la délivrance. Tu vois, l’amour que tu as pour ton fils est le même que j’ai pour ma voiture. L’un peu être la métaphore de l’autre. On peut comprendre l’un en ayant compris l’autre.
  • Atcheng hein ! Bien expliqué, c’est vraiment très clair. 0 propos, comment va ton fils ?
  • Qui ?
  • Ton fils
  • Ah, je ne sais pas. Il doit aller bien…

  Et voilà, les gens doués comme moi peuvent tout. Faire de beaux chantiers (même non livrés), acheter de belles voitures et expliquer les gros mots.

A la prochaine…

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